Les psychiatres tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années déjà : le nombre de structures dédiées à la prise en charge des troubles psychiques chez les 16-25 ans est très nettement insuffisant. Dans la métropole lilloise, à Tourcoing, l'une des rares unités psychiatriques pour adolescents et jeunes adultes a dû fermer en raison de problèmes de recrutement. Au grand dam des patients.
"J'ai vu des jeunes de 16 ans arriver complètement effrayés, en panique et perdus et au bout d'une semaine retrouver le sourire, la confiance." Pour Théo (dont le prénom a été modifié pour conserver son anonymat, ndlr), l'annonce de la fermeture, en avril dernier, de l'unité psychiatrie pour les 16-25 ans à Tourcoing est une vraie déchirure.
Aujourd'hui âgé de 23 ans, Théo s'y rendait depuis ses 19 ans. "Moi, je l'ai toujours considérée comme une bulle, une sorte de havre où les soignants comprenaient les difficultés que la jeunesse pouvait rencontrer et surtout, ils réagissaient toujours avec douceur et empathie", raconte-t-il.
Pour Théo aujourd'hui, pas question d'être suivi dans une autre structure parmi des adultes plus âgés. "Je veux être dans un lieu où je me sens en sécurité, exprime-t-il. Je ne pense pas qu'en psy générale quelqu'un de 16 ans qui côtoie des patients de 50 ans se sente en sécurité."
Cette structure pour les 16/25 ans était implantée au sein des Unités Tourquennoises de Psychiatrie. On y comptait 10 lits pour accueillir en moyenne 115 patients chaque année. Cette structure avait été créée par l'Établissement Public de Santé mentale (EPSM) de Lille-Métropole il y a seulement quatre ans.
Sa direction a dû se résoudre à une fermeture - officiellement temporaire - pour pallier des difficultés de recrutement.
Frédéric Macabiau, directeur délégué de l'EPSM Lille-Métropole, explique la fermeture de l'unité :
On arrivait à peu près à plus d'une vingtaine de postes vacants pour Tourcoing. Il a fallu faire ce choix de fermer cette unité pour récupérer du temps infirmier et le redéployer dans d'autres unités. La période Covid a laissé des traces. Les tensions hospitalières depuis plus de 10 ans aussi. C'est une profession qui est moins attractive aujourd'hui.
Frédéric Macabiau
À l'EPSM, le syndicat CGT dénonce ce choix. D'autant qu'après cette fermeture, une grande partie de l'équipe dédiée aux 16/25 ans est partie travailler ailleurs. Ce qui complique la réouverture.
Se tourner vers les cliniques privées
"Sur les 12 infirmiers, ils en ont perdu 11", déplore David Meesman, infirmier et secrétaire du syndicat CGT EPSM Lille-Métropole. "Soit, ils ont changé de secteur, soit ils ont quitté l'établissement." Inquiet, il poursuit : "Nous, ce dont on a un peu peur, c'est que si on n'arrive pas à ouvrir des unités dans le public, ils partiront dans le privé."
Dans la métropole lilloise, des établissements privés accueillent les 16-25 ans, comme la clinique Lautréamont à Loos. Mais, selon Frédéric Kochman, pédopsychiatre dans cette clinique, les structures dédiées restent trop peu nombreuses à l'heure actuelle.
Il nous faudrait au moins décupler le nombre de structures qui existent aujourd'hui dans le cadre des souffrances psychiques chez les jeunes. Parce que l'on sait très bien que c'est en soignant ces jeunes maintenant qu'on leur remet le pied à l'étrier dans leur vie personnelle, professionnelle, familiale et étudiante.
Frédéric Kochman
La clinique Lautréamont dispose pourtant de 60 lits, mais ce n'est pas assez pour satisfaire toutes les demandes de prises en charge pour les adolescents et les jeunes adultes.