Toutes les deux semaines, des productrices des Hauts-de-France se retrouvent au Moulin de Visse pour vendre leurs produits locaux. Cette initiative se veut écoresponsable, locale, mais rentre aussi dans une démarche de création et de renforcement du lien social.
Au Moulin de Visse, situé dans le département du Nord, à l'ouest de la Somme, dans le pays du Vimeu, une petite révolution est en cours. Un mercredi sur deux, des productrices locales de la région se réunissent dans un marché pour vendre leurs produits. Épicerie, terroir, beauté, artisanat... on trouve de tout.
L'ambiance y est conviviale : les clients habitués se retrouvent, partagent un café, discutent, achètent et goûtent des produits locaux et/ou en circuit court. Les enfants, de leur côté, se baladent et jouent, sous le regard bienveillant des adultes.
"Tu viens d'acheter une rue, donc une rue, c'est fait pour mettre un marché"
L'idée est venue de Pascaline Maillet, épicière itinérante depuis 4 ans avec "Du vrac dans le bocal". Elle a proposé à son amie Laurence Devismes, propriétaire du moulin de Visse, d'utiliser sa rue pour créer un marché : "la première fois qu’elle est venue ici, c’est exactement ce qu’elle m’a dit : tu viens d’acheter une rue, donc une rue c’est fait pour mettre un marché", se rappelle-t-elle en souriant.
Actuellement, Pascaline Maillet alterne entre une semaine "où je fais cinq marchés" et une autre où elle en fait quatre. "Je suis d'ailleurs à la recherche de nouveaux marchés : j'aimerais aller sur des places de village autour de Crécy-en-Ponthieu, parce que c'est de là où je suis originaire."
Les clients et visiteurs ont " pris l'habitude de venir avec leurs contenants, de me les laisser pour la fois d'après, pour que je prépare leur commande le matin..." Pascaline Maillet fait aussi "un peu de pédagogie pour leur expliquer la démarche" et, jusqu'à maintenant, " out le monde a joué le jeu et tout le monde est content de venir avec ses boîtes, rentrer chez eux et juste les ranger". Les produits de l’épicerie sont, quant à eux, majoritairement français. Et la nouveauté du moment, c'est un conté cumin breton.
"Par ici, c'est vraiment le terroir !"
Mais Pascaline Maillet n'est pas seule dans ce marché. À quelques mètres de son camion se trouve le stand d'Adélaïde Dellanoy, paysanne boulangère, qui fait son propre "pain au levain cuit à la pierre, pétri à la main, avec des farines semi-complètes, que du vrai, quoi", lance-t-elle, fièrement. Son conjoint, maraîcher, a également ses légumes exposés non loin d'elle.
Pour aller plus loin dans sa démarche de circuit court et de production locale, elle est en pleine culture de ses propres céréales pour faire son pain. "Le petit épeautre est plantée pour que la farine, cette année, soit complètement de chez moi", annonce-t-elle fièrement.
Elisa Dellanoy, sœur d'Adélaïde, est productrice de fromage de chèvre. Ce rendez-vous bimensuel lui est devenu indispensable. Elle ne peut s'empêcher d'évoquer la crise qui touche tous les secteurs agricoles qui la touche "un petit peu". " C'est compliqué pour certaines personnes, on comprend. Après, notre production est complètement différente de ce qu'on trouve en grandes surfaces", précise Elisa.
En effet, ses produits, "c'est du fermier, on travaille au lait cru donc il y a toutes les vitamines, tous les minéraux essentiels qui sont restés à l'intérieur". L'alimentation des chèvres, par exemple, est "exclusivement" produite sur l'exploitation, "donc, par ici, c'est vraiment le terroir !"
Quand on va dans des villages et que les gens ne se voient quasiment qu’au camion, je trouve ça génial parce qu’ils papotent, ils prennent le temps, ils restent une heure et c’est vraiment ce que je voulais amener avec l’épicerie, en plus des produits de qualité.
Pascaline Maillet, épicière itinérante "Du vrac dans le bocal"
"Un soutien psychologique et financier"
Toujours dans ce marché de productrices locales, on retrouve Mélanie Bourjot, qui fabrique des savons artisanaux écoresponsables. "Ce sont des savons que je fabrique à Cayeux et qui sont tous des savons surgras, donc hyper doux pour la peau, on peut se laver le corps, mais aussi le visage avec, sans problème". Il est indispensable, à ses yeux, de ne rien utiliser qui vienne de "l'autre bout de la planète".
Elle n'a pas recours aux huiles essentielles "pour des raisons écologiques". Il n'y a pas non plus de "parfums" ou de "colorants". C'est pourquoi elle a développé trois recettes naturelles : une à la fleur de lavande qu'elle incorpore dans le savon, une au miel avec des propriétés cicatrisantes et une dernière "100%" à l'huile d'olive.
Mais ce n'est pas tout. Elle vend aussi d'autres produits, comme ceux d' Angèle Duminy de Macérats et tralala, de "Catherine Debeauvais qui est céramiste à Cayeux" ou ceux de Philippe Goutte, potier à Citerne (Somme).
À ses yeux, il est important de travailler en réseau, les uns avec les autres. "C’est vraiment un soutien à la fois psychologique et financier", poursuit-elle. Évidemment, on se fait de la promotion les uns, les autres et c’est ce qui nous booste et nous fait connaitre", notamment sur le côté picarde, pour son cas.
"On a de tout" au Moulin de Visse
Chantal fait partie des clients habitués et à l'entendre, elle est conquise par le marché. "On a de tout : des produits de l’épicerie, des produits sucrés, salés, de l’huile, des produits vaisselles… Je n’achète plus qu’ici." Dans le camion de Pascaline, par exemple, elle trouve "absolument tout : l'épicerie, les produits de beauté. Je ne vais plus dans les grandes surfaces", avoue-t-elle.
Je viens avec mes pots, mes boîtes. Je les donne à Pascaline, elle me les remplit et quand je reviens chez moi, tout est prêt : je n’ai plus qu’à ranger mes pots. Tout est fait.
Chantal, une cliente fidèle
Ce qui rend la visite des clients agréables, c'est le fait de connaître : "tout le monde et tout le monde se tutoie, c'est super sympa, il a une ambiance formidable."
Avec les commerçantes, Laurence Devismes appelle ce moment, "le rendez-vous des copines. Ça fait maintenant un an et demi que ça dure, même un peu plus". Les productrices se rejoignent, et en plus des ventes, elles se racontent leurs "petites histoires", lâchent ce qu'elles ont gardé en elles pendant deux semaines, "et puis ça va mieux après, on part détendues". C'est presque thérapeutique.
À l'avenir, le Moulin de Visse est amené à grandir de plusieurs façons, d'autant plus qu'il y a beaucoup d'espace à remplir. " On voudrait faire des chambres d’hôtes, des ateliers en place, un café solidaire aussi, imagine la propriétaire des lieux, des idées pleines la tête. Vraiment mettre plein de belles choses en place pour créer du lien social, c’est vraiment l’idée : pour la solidarité."
Retrouvez l'intégralité de l'émission Hauts féminin présentée par Marie Sicaud, ci-dessus et sur france.tv.