Témoignage. "C'était un guet-apens !" Manu, le Gilet jaune valenciennois éborgné à Paris, raconte ce qu'il s'est passé

Publié le Mis à jour le Écrit par Quentin Vasseur avec Anaïs Hanquet

Manuel et son épouse ne décolèrent pas.

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Manuel, le "Gilet jaune" valenciennois éborgné après avoir été blessé par un tir de grenade lacrymogène, a accepté de raconter ce qui s'est passé, lors du rassemblement, place d'Italie à Paris, qui marquait l'anniversaire du mouvement.

Ce qui a d'abord frappé le Nordiste de 41 ans, c'était l'absence totale de contrôle, de la part des forces de l'ordre. "Quand on est arrivés sur les lieux de la manifestation, on s'est demandé pourquoi on n'était pas contrôlés par la police parce qu'en général, même une petite manifestation de 300 personnes sur Valenciennes, on se fait fouiller trois fois les sacs ou les vêtements, avant de rentrer seulement sur les lieux."
 
 

"On était bloqués sur place"


En comparaison, "quand on est arrivés sur la place d'Italie, aucun contrôle, aucun policier, on pouvait rentrer facilement, quoi. En regardant autour, il y avait un petit peu de fumée, des feux par-ci, par-là, et on a regardé le milieu de la place d'Italie et on s'est dit qu'il y avait tout pour faire de la casse !" Sur place, "du matériel de chantier, des gros sacs de pavés... on voyait des casseurs avec des gros marteaux en ferraille, donc on s'est dit :'C'est pas normal !"
 

"Manu" en discute alors avec les autres Gilets jauns autour de lui, "et à un moment on a vu que tout était barricadé, toutes les sorties de la place d'Italie, toutes les artères étaient coincées par la police. On était bloqués sur place."

Le Nordiste et sa compagne tentent alors de quitter la place "parce qu'on était enfumés", avec "une très très forte odeur de lacrymo que j'avais jamais sentie auparavant, en un an manifestations. Je protégeais ma femme aussi."
 

 

"J'étais pas inquiet"


En essayant d'éviter les affrontements "à chaque coin de rue", Manuel parvient au bord de la place, sur une artère, mais "la police nous a dit : "Non, c'est pas par ici la sortie, vous sortez de l'autre côté". On a retraversé la place d'Italie tant bien que mal, avec tous les gaz, et de l'autre côté on a encore repoussé vers le milieu de la place
 
Sonnent 14 heures, qui marquent le début officiel de la manifestation. "La place d'Italie était coupée en deux : un côté où c'était le chaos, et de l'autre côté où les gens discutaient entre eux", parmi lesquels il se trouvait.

"On discutait avec la personne qui était à côté de moi, comme vous avez vu sur la vidéo. On se disait que c'était pas normal, que c'était le chaos, que tout était fait pour qu'il y ait de la casse, et qu'on pouvait pas sortir. Je voyais des affrontements mais je les voyais de loin. J'étais pas inquiet, je me disais que ça allait pas arriver vers nous vu qu'ici il y avait que des gens qui étaient tranquilles. J'avais pas d'armes, d'ailleurs je rigole même sur la vidéo !"

 

"Je me suis dit : 'Ça y est, j'ai plus d'œil'"


Puis survient le tir. "J'avais deux collègues en amont, entre la police et moi, qui ont vu la grenade lacrymogène passer au-dessus de leur tête. Et quand ils se sont retournés, ils ont vu que ça atterri dans mon œil. Le temps que je la voie, en un dixième de seconde, elle était dans mon œil. Je suis tombé tout de suite à terre, les street-medics m'ont directement pris". Des street-medics, qu'il "tient à remercier parce qu'ils ont fait un super travail".
 
Le Gilet jaune ne s'attendait pas, dans la position où il se trouvait, à recevoir un tel projectile. "Je m'y attendais pas du tout ! C'est pas la première manifestation que je fais en un an ! Je sais les dangers, je sais évaluer les risques qu'on peut avoir,... Non, je l'ai pas vue arriver ! Je me sentais pas en danger à ce moment-là !"
 

"Quand je l'ai vue arriver dans ma tête, je me suis dit : "Ça y est, j'ai plus d'œil" confie-t-il avant d'ajouter, ému : "J'ai entendu ma femme crier... et après les street-médics m'ont évacué jusqu'à la sortie de l'ambulance."
 
Ce tir ciblait-il précisément la foule ? Le Valenciennois en est convaincu. "Je peux pas dire que c'était visé, mais c'était délibérément tiré dans une foule pacifique, parce qu'il y avait pas de casse autour de nous. Il y avait rien qui était en danger, personne n'avait quoi que ce soit à jeter sur les forces de l'ordre."

 

"C'était une souricière, c'était une corrida humaine"


"De toute façon, pour moi, c'était un guet-apens. On s'est retrouvés en plein milieu d'une place où c'était un chaos total, c'était une souricière, c'était une corrida humaine."

Aujourd'hui, "Manu" se dit "en colère, déjà pour le policier qiu m'a tiré dessus comme ça, lâchement", et "contre le préfet qui donne les ordres et qui nous a laissés en plein milieu d'un chantier monstre". En colère, également, contre le gouvernement qui n'a pas eu le moindre mot pour lui.
 
La manifestation avait certes été annulée une demi-heure plus tôt, "mais bon, on était pas devant la télévision ! Personne n'avait pris de mégaphone pour prévenir que c'était annulé ! Et de toute faon, on aurait pas pu sortir. Ils auraient au moins pu faire un petit cordon pour évacuer les gens qui voulaient sortir, mais on a pas eu le droit de sortir."

 

"Les policiers sont là pour protéger le peuple !"


Le Nordiste a déposé plainte contre le préfet. Il espère par ce biais "obtenir réparation, et puis interdire ce genre d'armes de guerre. Les policiers sont là pour protéger le peuple ! C'est ce qu'on m'a appris à l'école ! Et là j'ai vu complètement l'inverse..."
 
Il espère également faire changer les choses, "parce qu'il y a eu beaucoup de victimes depuis un an, et beaucoup de victimes qui ont pas été reconnues. Les enquêtes traînent en longueur, il y a pas de vidéos, on ne sait pas qui c'est, il y a pas de RIO [Référentiel des identités et de l'organisation] sur l'uniforme qui normalement est obligatoire...

Lui s'estime en tout cas confiant dans sa plainte. "Ils peuvent pas dire que j'étais en train de faire quoi que ce soit ! Ils peuvent regarder toute la vidéo, toute la journée où j'étais là-bas, j'ai touché à rien ! Je suis quelqu'un qui respecte les lois, je ne fais pas de casse et je vais pas dans les manifestations pour casser ! Je suis là pour manifester mon mécontentement, ce qui est un droit, et mon droit, ce jour-là, on m'en a privé. Et on a en même temps coupé ma vie en deux !"
 
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