ÉPISODE 18. France 3 donne la parole aux champions de la région confinés. Aujourd’hui, l’athlète du RC Arras Esther Turpin (23 ans), spécialiste des épreuves combinées, et qui espère participer aux Jeux Olympiques de Tokyo l’an prochain.
"Bonjour, c’est Esther Turpin !" C’est avec une voix d’adolescente, mais plutôt enjouée, que la jeune Arrageoise nous rappelle. Visiblement, elle vit assez bien ce confinement que tout le monde découvre.
Et pourtant, cela ne devrait pas être évident pour cette jeune fille née à 13 000 km de Lille, sur l'île de La Réunion, au milieu de l’océan Indien. Native de Saint-Joseph, dans le sud-est de ce département d’outre-mer qui a vu naître de nombreux champions, c’est là qu’elle a grandi et a découvert l’athlétisme, dans la foulée de ses frères et sœurs.
Sacrée plusieurs fois championne de France chez les jeunes, Esther choisit de venir en métropole pour progresser. Elle arrive dans le Nord en septembre 2015. Un choc thermique qu’elle va rapidement absorber pour s’intégrer parfaitement à notre région avec un double objectif : réussir sa carrière sportive et faire des études supérieures.
Championne de France du pentathlon en salle à Liévin et championne de France élite d’heptathlon en 2018, elle est sélectionnée pour les championnats d’Europe de Berlin où elle termine à une honorable 11e place.
Parallèlement, elle poursuit des études à l’Institut de formation de psychomotriciens Raymond-Leclercq, sur le site d’Eurasanté, à Loos-lez-Lille.
En couple à Lille
Dans l’objectif d’obtenir son billet olympique, l’athlète du RC Arras est partie s’entraîner en début d’année à l’INSEP, avec le groupe de l’ancien champion de France du décathlon Sébastien Levicq.
Et c’est justement à l’Institut national des sports que Esther a effectué ses dernières séances, juste avant l’instauration du confinement. "Comme nous ne pouvions plus nous entraîner là-bas, j’ai préféré rentrer directement à Lille". Ce qui fut fait dès le 18 mars, où elle retrouve son compagnon dans leur appartement lillois. "C’était très important de ne pas me retrouver toute seule confinée à Paris". Depuis, elle partage ses journées avec son petit ami, lui-même étudiant dans une école de commerce.
Comme tout sportif de haut-niveau – Esther Turpin figure sur la liste des athlètes olympiques du Centre national olympique et sportif français – elle a entamé une préparation à domicile, pas évidente dans les épreuves puisque l’heptathlon, c’est sept disciplines différentes : 100 m haies, saut en hauteur, lancer du poids et 200 m la première journée ; puis saut en longueur, lancer de javelot et 800 m la seconde.
"Ça a été dur de prendre le rythme durant les 10 premiers jours. Aujourd’hui, ça va mieux". Entretemps, la jeune Créole a appris le report des Jeux Olympiques à l’été 2021. "C’est une décision parfaitement logique, vu la situation sanitaire. De plus, il y aurait eu trop d’inégalités entre les concurrents qualifiés pour les Jeux s’ils avaient été maintenus cet été."
Boucler les études
Pas question pour autant de relâcher l’entraînement, au cas où la saison estivale pourrait quand même avoir lieu avec d’éventuels championnats d’Europe, toujours prévus à Paris du 25 au 30 août.
"Tous les jours, j’ai une séance avec mon entraîneur en visioconférence avec WhatsApp. Mais ce n’est pas toujours évident. Ce matin par exemple, j’ai dû faire des exercices pour la hauteur sur le parking de la résidence. Sinon, je n’ai pas assez d’espace pour m’entraîner aux lancers ni de sautoir. Mais ce n’est pas grave. Il y a des choses bien plus importantes actuellement avec cette épidémie." Malgré ces conditions limitées, Esther s’entraîne une à deux heures par jour. "J’occupe mes journées comme je peux. Mais nous avons la chance d’avoir un appartement avec une terrasse, en rez-de-chaussée."
Le reste de la journée ? "Bonne question… Je passe énormément de temps au téléphone, notamment avec mes parents restés à La Réunion. Là-bas, l’épidémie commence seulement à arriver. Avec mon ami, nous regardons les séries TV et nous trouvons d’autres loisirs. Nous venons ainsi d’acheter un jeu de fléchettes."
C’est l’occasion aussi pour l’heptathlète arrageoise de réviser pour ses études de psychomotricité, une méthode thérapeutique destinée aux enfants, aux adolescents et aux adultes ayant des difficultés sur le plan moteur, comportemental, relationnel ou émotionnel. "Une spécialité paramédicale qui concerne aussi les personnes âgées. Le diplôme en principe se prépare sur trois ans", explique Esther. "Mais avec ma carrière d’athlète, je dois étaler cette formation sur 6 ans. Je l’avais suspendue cette année pour préparer les Jeux."
L’étudiante s’est donc replongée dans les cours, sachant que dans cette spécialité, la pratique en groupe est essentielle. "Le report des Jeux en 2021 va m’obliger encore à décaler mes études. Mais j’espère quand même terminer ma dernière année".