Affaire Bénédicte Belair : "on a été maltraité", une plainte déposée contre l'ex-procureur de Senlis pour manquements graves dans la conduite de l'enquête

Plus de sept ans après la mort de Bénédicte Belair à Pont-Sainte-Maxence dans des circonstances encore non élucidées, la sœur de la victime a saisi le Conseil national de la magistrature contre le procureur de Senlis de l'époque : elle lui reproche des manquements graves dans la conduite de l'enquête et plusieurs fautes disciplinaires.

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C'est un nouveau rebondissement dans l'affaire Bénédicte Belair. Sa sœur, Sylvaine Grévin, a saisi le Conseil national de la magistrature à l'encontre de l'ancien procureur de Senlis, Jean-Baptiste Bladier, et de la juge d'instruction en charge du dossier de la mort de la jeune femme en avril 2017.

Sylvaine Grévin reproche aux deux magistrats des manquements graves dans la conduite de l'enquête et pointe plusieurs fautes disciplinaires.

Affaire classée sans suite et scellés détruits

Le 4 avril 2017, Bénédicte Belair est retrouvée morte par son conjoint à son domicile de Pont-Sainte-Maxence dans l'Oise. Le corps de la jeune femme est retrouvé à moitié dénudé et présente de nombreux hématomes dans le dos et sur le ventre ainsi qu'une plaie béante sous l'œil gauche.

Six mois plus tard, l'enquête préliminaire conclut à un décès accidentel causé par une chute. L'affaire est alors classée sans suite.

Sylvaine Grévin, la sœur de la victime, ne croit pas à l'accident. Selon elle, Bénédicte a été victime d'un féminicide. La jeune femme subissait en effet des violences conjugales pour lesquelles son compagnon avait d'ailleurs été condamné en 2012. Quelques jours avant le décès de Bénédicte Belair, un gendarme était intervenu chez elle à ce titre après qu'elle avait signalé être à nouveau victime de violences conjugales. Sylvaine Grévin estime que l'enquête a été bâclée.

Elle porte donc plainte avec constitution de partie civile. Une information judiciaire est alors ouverte pour meurtre par conjoint en 2018, 9 mois après la mort de Bénédicte Belair. Mais onze mois plus tard, Sylvaine Belair découvre dans le dossier d'instruction auquel elle a désormais accès en tant que partie civile que le procureur de Senlis, Jean-Baptiste Bladier, a fait détruire des scellés : des prélèvements sanguins faits sur la scène de crime et l'ensemble des vêtements de la victime, notamment son pantalon sur lequel de l'ADN aurait pu être identifié.

Violences conjugales

"Dès 2019, j'avais adressé au procureur Bladier plusieurs courriers pour lui parler de dysfonctionnements annexes liés aux directeurs d’enquête de l’époque, des gendarmes, sans qu’il n’y ait de suite, explique celle qui est par ailleurs présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides. Il faudra attendre que j’assigne l’État pour que le procureur Bladier prenne contact avec mes avocats. Il a lui-même confirmé qu’il avait fait détruire par erreur les scellés. Il a également ajouté que deux autres scellés avaient été détruits sans son autorisation par cette brigade de gendarmerie de Pont-Sainte-Maxence, des scellés très importants puisqu’il s’agissait notamment du cerveau de ma sœur."

Pour la destruction des scellés, l'État sera condamné en mai 2021 à verser 15 000 € de dommages-intérêts à Sylvaine Grévin pour faute lourde : les scellés ont été détruits hors de tout cadre légal alors même que deux informations judiciaires étaient en cours.

Sylvaine Belair reproche également au procureur de Senlis et à la juge d'instruction en charge du dossier à l'époque d'autres fautes. Notamment de ne pas avoir pris en considération que le conjoint de la victime avait déjà été condamné pour avoir commis des violences sur Bénédicte Bélair.

Elle a donc saisi le Conseil supérieur de la magistrature au mois de juillet. La plainte vient d’être enregistrée. "Ce n'est pas du tout une démarche vindicative, précise-t-elle. Ces magistrats doivent répondre de leurs actes. L’État a été condamné pour ces faits. Mais l’État, c’est vous, c’est moi, ce sont les justiciables qui ont contribué au paiement d’indemnités. Et ces deux magistrats, le procureur et la juge d’instruction de l’époque, ont continué leur carrière. Nous, on a été maltraité par cette juridiction."

Le compagnon mis en examen

Pour la famille, cette saisine du Conseil national de la magistrature pour fautes disciplinaires a surtout pour but de faire avancer l’enquête qui est toujours en cours et d’obtenir réparation. Mais les saisines sont nombreuses - près de 500 en 2023 - et elles aboutissent rarement. Depuis 2012, une seule a entraîné la sanction d’un magistrat.

Contacté, l’ancien procureur de Senlis, aujourd'hui procureur de Meaux et vice-président de la conférence nationale des procureurs de la République, n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

En janvier 2023, le compagnon de Bénédicte Belair a finalement été mis en examen pour violences aggravées à son encontre, entre janvier 2015 et avril 2017. Il a également été placé sous le statut de témoin assisté pour meurtre, un statut intermédiaire entre celui de témoin et celui de mis en examen.

Avec Narjis El Asraoui / FTV

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