Journée internationale contre l'homophobie et la transphobie : des chiffres et des témoignages en hausse qui inquiètent

Discriminations et agressions en hausse, lente visibilité... Le rapport sur les LGBTIphobies 2023 de SOS Homophobie dresse un constat alarmant. Dans les Hauts-de-France, certains témoignages vont en ce sens. Mais des associations et des initiatives locales sont toujours mobilisées pour changer les mentalités.

Ce 17 mai 2023 signe la journée internationale contre les LGBTphobies. Insultes, rejets, outing, discrimination, traquenard, invisibilisation... Les chiffres, témoignages et constats restent toujours aussi inquiétants. 

Le rapport sur les LGBTIphobies 2023 de SOS Homophobie, récemment sorti, s'inscrit dans un climat toujours délétère et préoccupant pour la communauté LGBT française, aussi bien au niveau quotidien qu'étatique. 

La polémique autour des propos homophobes de Caroline Cayeux l'été dernier, ancienne maire de Beauvais et Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, a cristallisé les craintes et les colères autour des LGBTIphobies. "Lorsque la parole LGBTIphobe s’exprime librement et sans la moindre conséquence au plus haut niveau de l’État, elle légitime les comportements violents dans tout le reste de la société", analyse le rapport. 

Les LGBTphobies encore bien présentes, la transphobie en hausse

Si la question avance doucement dans la société, les chiffres du rapport de SOS Homophobie au niveau national restent alarmants. Ceux de l'IFOP de 2022 aussi. Dix ans après la promulgation de la loi autorisant le mariage des personnes du même sexe, les agressions contre les LGBT et personnes perçues comme telles continuent d'augmenter. 

En tout, 184 d'entre elles ont été recensées par l'association en 2022, ce qui représente une agression homophobe ou transphobe tous les deux jours, "sans doute une maigre portion de la réalité des violences subies en silence, mais un chiffre déjà insupportable".

SOS Homophobie tire également la sonnette d'alarme sur l'explosion des violences transphobes : c'est +27% par rapport à l'année 2021 et +35% comparé à 2020. 

L'association explique en partie l'augmentation de ces chiffres par la libération de la parole et le fait que "la visibilité croissante des personnes trans dans les débats publics" qui "a pu également décupler les agressions à leur égard."

Des témoignages en Picardie, dans le Nord et le Pas-de-Calais

Le rapport de SOS Homophobie remonte de nombreux témoignages de tous les âges et identités de genre, dont certains situés dans les Hauts-de-France.

On retrouve celui d'un certain Anton, jeune homme de 30 ans. Il raconte qu'après avoir discuté en ligne avec deux autres hommes sur un site de rencontre, il s'est rendu sur le lieu de rendez-vous fixé dans une commune du Pas-de-Calais, tard dans la soirée. Dans un premier temps réticent en les voyant arriver, il va tout de même à leur rencontre. 

Il est alors violemment agressé physiquement par ces deux hommes, qui le rouent de coups de poing, de pied, et lui fracassent l’arcade sourcilière.

Extrait d'un témoignage d'Anton, habitant du Pas-de-Calais

Rapport annuel de SOS Homophobie sur les LGBTphobies

Il dit qu'il se souviendra "toute sa vie de son visage avec ce couteau" et a cru qu'il allait "mourir". C'est en parvenant à "récupérer un tesson de bouteille trouvé dans la rue pour se défendre" qu'il réussit à "en sortir". Traumatisé, il est retourné vivre chez sa mère et est suivi par un psychologue. 

Toujours dans le rapport, Léna, habitante de Picardie, rapporte avoir été licenciée "de manière abusive et lesbophobe par l’entrepôt logistique dans lequel elle travaillait depuis plusieurs années". Elle a d'abord été mise à pied, convoquée "sans avoir eu la possibilité de se défendre, et a finalement été licenciée pour harcèlement moral et sexuel". 

Pour elle, "la décision se fonde sur les témoignages calomnieux de collègues qui lui reprochent notamment d'avoir parlé de sexe", chose que Léna nie totalement. "Elle explique également avoir entretenu une relation avec son ancienne supérieure hiérarchique, ce qui a fait l’objet par la suite de sous-entendus et d’attaques déguisées de la part de collègues."

Le harcèlement avait depuis cessé, sans que sa hiérarchie ne se saisisse du problème ni ne sanctionne ses collègues. Léna souhaite entamer des négociations avec son ancien employeur, afin que le motif du licenciement soit requalifié, saisir les prud’hommes et porter plainte.

Témoignage de Léna, habitante de Picardie

Extrait du rapport annuel de SOS Homophobie sur les LGBTphobies

Une projection ciné pour les adolescents à Beauvais

À la veille de cette journée internationale, à Beauvais, un ciné-débat a été organisé au CGR. Le réalisateur du court-métrage "PD", Olivier Lallart, était présent face à des classes de collèges, lycées et CFA de la ville. Le but : sensibiliser, notamment la jeune génération (mais pas que), à l'acceptation de l'homosexualité et, plus largement, aux identités de genre. 

Le synopsis tourne autour de l'histoire d'un jeune homme qui découvre son homosexualité et doit faire face au regard - tantôt bienveillant, souvent violent - de ses camarades. 

Comment faire face à l'homosexualité d'un ami, un collègue ou même la sienne ? Et surtout comment faut-il se comporter ? Pour Olivier Lallard, il faut le faire avec "le plus de bienveillance possible". Le public est resté attentif et concentré durant toute la projection.

"Une personne qui découvre sa sexualité en région n'est pas vécu de la même façon à Paris"

Cette rencontre était essentielle pour le réalisateur originaire de l'Oise. "J'ai inscrit ce film dans le cadre de la région parce qu'il y a une part de mon histoire dedans", explique-t-il au micro de France 3 Picardie.

Pour lui, il était essentiel de "montrer comment aujourd'hui, une personne qui découvre sa sexualité en région et pas forcément à Paris, n'est pas vécue de la même façon, si on a grandi dans le 17ème (arrondissement de Paris) que si on a grandi dans la campagne."

D'où la "symbolique" de faire cette projection au CGR de Beauvais. D'autant plus qu'à la fin de la séance, il n'y avait aucun tabou : toutes les questions étaient possibles. "D'où vous est venue l'idée du film" ou encore "est-ce que c'était difficile de s'embrasser (entre deux hommes) et vous recommencez la scène ?". Les interrogations ont fusé dans la plus grande bienveillance. 

À la fin, les avis étaient unanimes. "Je trouve que c'est bien parce qu'il y a encore très peu de gens qui osent assumer d'être homosexuel, note un jeune élève. Donc je trouve ça important qu'il y ait des gens qui en parlent aux écrans pour sensibiliser les gens." Un autre tient à rappeler qu'il n'y a "pas de honte" à être LGBT.

Une projection essentielle, d'autant plus que les jeunes perçus comme LGBT sont plus particulièrement la cible de harcèlement scolaire

Vers qui se tourner en Picardie ?

Pour trouver de l'aide, plusieurs structures existent. On retrouve l'association SOS Homophobie, présente partout en France, Picardie incluse, qui organise un rassemblement sur la place de l'Hôtel de Ville à Amiens ce jeudi 17 mai avec les associations Divergenre et Flash Our True Colors.

Le collectif amiénoisféministe et lesbien Les bavardes et Clin d'Oeil LGBTQI+ à Compiègne sont également présents. Toutefois, pour beaucoup d'associations LGBT en Picardie, peu d'entre elles disposent de locaux

Autre innovation : l'application FLAG!, créée par une association de policiers et de gendarmes LGBT en 2020. Elle permet de signaler les actes de violence via son smartphone (Android et Apple) et de mieux orienter les victimes grâce à des agents formés pour ces cas de discriminations spécifiques.

D'autant plus que de nombreux récits de victimes font état de "refus de plainte" ou "de culpabilisation" dans le rapport de SOS Homophobie. 

Pour saisir davantage la réalité des personnes LGBT dans la région des Hauts-de-France, retrouvez le replay de notre émission Enquêtes de Région sur le sujet diffusé le 10 mai dernier.

Avec Narjis El Asraoui et Gabin Cransac / FTV

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