Témoignage. Elle réalise son homosexualité après 20 ans de mariage avec un homme : "ça m'avait complètement échappé"

Publié le Écrit par Romane Idres

À l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les LGBTphobies, nous vous racontons le parcours de Chantal Ledoux. Elle a réalisé son homosexualité à 40 ans, alors qu'elle était mariée à un homme depuis vingt ans. Aujourd'hui, elle milite auprès de SOS Homophobie.

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Le pin's arc-en-ciel qu'elle arbore fièrement sur sa poitrine fait écho à la décoration de son salon. Sur les murs comme dans la bibliothèque, on trouve de nombreuses références à l'homosexualité et à la lutte contre les discriminations. Chantal nous a reçus dans sa maison amiénoise pour nous raconter son parcours singulier, et nous parler de ses combats. Il suffit de discuter avec elle quelques minutes pour comprendre qu'elle est aussi chaleureuse que son caractère est affirmé. 

À 70 ans, c'est une retraitée très active. Militante à la Ligue des droits de l'homme et au Planning familial, elle intervient également dans les établissements scolaires avec SOS Homophobie. Sa façon à elle d'être actrice des changements de la société, pour que les jeunes générations ne vivent pas ce qu'elle a vécu. 

Vingt ans de mariage avec un homme

Tout commence à l'aube des années 70, alors qu'elle est adolescente à Laon, et qu'elle se met en couple avec un garçon. "C'étais assez classique, un amour de lycée, et par la suite on est venus faire des études à l'université à Amiens. Vient le premier rapport sexuel, et très vite je suis tombée enceinte. Il faut dire qu'à l'époque, pour avoir une contraception, il fallait l'autorisation des parents, c'était pas simple", se souvient-elle. Ils se marient alors, et font un deuxième enfant deux ans plus tard. 

S'ensuivent vingt ans de vie commune. Mais peu de temps avant se souffler ses 40 bougies, Chantal voit sa vie bouleversée : elle tombe amoureuse d'une femme. "Dans un premier temps, ça a été une surprise. Mais très rapidement, en réfléchissant, je me suis rendue compte que depuis l'adolescence, même au lycée, j'avais toujours été attirée par les femmes, par les copines, mais le poids de la société faisait que pour moi c'était un interdit, c'était impossible. Ça m'avait complètement échappé, mais tout s'est révélé après coup." Elle décide alors de divorcer, et ne cache à personne la raison de la rupture : ni à son mari, ni à ses enfants, ni au reste de sa famille. "Ça a été chaud bouillant avec mon ex-conjoint. Il y avait la rupture, mais aussi le fait de rompre avec lui pour une femme, ça a été un choc pour lui. Un choc et de la colère, une incompréhension", explique-t-elle.

Heureusement, Chantal bénéficie d'un grand soutien de ses proches, en premier lieu auprès de ses frères et sœurs. "Pour mes parents, ça n'a pas été simple. Ça a été un choc, ils étaient quand même relativement âgés à l'époque. Mais ils ont parfaitement accepté quand mes frères et sœurs leur ont expliqué et les ont apaisés par rapport à toutes leurs questions, et les choses se sont très bien passées." Ses enfants, encore adolescents, se font également à l'idée. 

"On reste toujours dans les stéréotypes hétéros"

Nous sommes alors au début des années 90. Le tabou autour de ces questions commence à se lever, et l'homosexualité s'invite de plus en plus au cinéma et dans la musique. Mais au quotidien, les couples de même sexe restent souvent discrets, surtout dans les petites villes. "Avec ma compagne, se donner la main, on le faisait très rarement. J'ai eu des insultes. Même au restaurant, quand on a une complicité entre femmes, il y a des regards, se désole-t-elle. Aujourd'hui, les choses ont bien évolué, mais j'ai quand même des copines qui disent qu'elles ne se donnent pas la main, qu'elles font attention."

Ces expériences l'ont convaincue de devenir une militante active de la lutte contre les LGBTphobies. "C'est douloureux. Déjà d'être dans une société où il n'y a que des hétéros, où on ne peut pas forcément parler de notre relation de couple dans le monde du travail, mais même au niveau des enfants : aux petites filles, on demande 'alors, tu as un amoureux ?', on reste toujours dans les stéréotypes hétéros, regrette-t-elle. On est minoritaires, c'est vrai, mais ce n'est pas pour ça qu'on ne doit pas exister dans la société."

"Ce sont mes petits-enfants qui m'ont posé la question de la bisexualité"

Dans les établissements scolaires, elle sensibilise les adolescents à ces questions. "Dans certaines interventions, quand on montre une vidéo avec un baiser entre deux garçons, il y a deux types de réactions : ceux pour qui c'est complètement cool, et ceux qui se cachent les yeux. Il faut les faire réfléchir sur le fait que c'est deux personnes qui s'aiment. Pourquoi n'aurait-on pas les mêmes droits que les autres ?"

Si elle sait qu'il y a encore beaucoup de raisons de se battre, elle est tout de même ravie par le chemin parcouru. "Quand je croise des jeunes couples de lesbiennes qui s'embrassent, je trouve ça génial ! Je trouve ça génial aussi, quand je vais dans les lycées et les collèges, de voir qu'il y a plein de choses qui sont naturelles chez les ados aujourd'hui, c'est super. Je suis heureuse de voir cette évolution (...) Le fait que dans les vidéos, dans les films, il y ait beaucoup plus de présence de gays et de lesbiennes contribue à avoir un regard que notre génération n'avait pas. Les vedettes qui témoignent, ça n'existait pas. Les ados eux-mêmes le disent, ça les aide de pouvoir s'identifier à quelqu'un, ils se disent qu'ils ne sont pas seuls."

Aujourd'hui, Chantal est grand-mère. Elle parle librement de ces sujets avec ses petits-enfants. Elle parle de ses regrets, répond à leur question. "Ce sont eux qui m'ont posé la question de la bisexualité. Je me revendique en étant lesbienne, mais c'est vrai que, de par mon parcours, on peut s'interroger !", s'amuse-t-elle. Le contact avec les jeunes générations lui permet de continuer d'apprendre et de pousser ses réflexions. Au fil du temps, elle s'est intéressée par exemple aux questions de genre et de transidentité. 

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