Comment les robots pallient la pénurie de main d'œuvre dans l'agriculture : "ils font des choses qu’aucun humain n'accepterait de faire"

Grande culture, maraichage, la robotique s’invite de plus en plus dans les fermes. En 5 ans, le nombre de robots a été multiplié par 6 dans les exploitations. Robot de traite, pousse-fourrage, machines à désherber, les outils autonomes sont de plus en plus nombreux en Picardie. Exemples dans l’Oise et la Somme.

À Tours-en-Vimeu (Somme), ne cherchez pas de salle de traite classique. Ici, c’est un robot qui s’en charge. "Les vaches se présentent d’elles-mêmes, explique Quentin Porquier, si elles viennent à la traite, c'est qu’elles en ressentent le besoin, quand elles en ont envie et pas parce que c’est l’heure et que nous les poussons à y aller". Le robot permet ainsi une traite adaptée à chaque animal en régulant leur passage : une vache qui n’a pas besoin d’être traite ne sera pas autorisée à entrer dans la stalle. 

Une salle de traite 2.0, mais également un mini-laboratoire. Pour chaque passage, le robot collecte des informations pour un total de 4 000 données par jour et par vache. Une fois compilées dans des tableurs et des graphiques, elles permettent à l’éleveur de surveiller la santé de son troupeau et de gagner en productivité. "Grâce à toutes les données que l’on a, on réagit beaucoup plus vite, on arrive à anticiper et à ajuster au mieux. Par exemple, une mammite [maladie du pis de la vache], le robot la repère tout de suite, ne prélève pas son lait pour éviter la contamination et on peut la soigner immédiatement."

Un élevage laitier 2.0 

En matière de robotique, Quentin Porquier ne s’est pas arrêté à la traite. Le nettoyage des litières est confié à une machine autonome tout comme la distribution de l’alimentation. Des outils qui ont permis à l’éleveur de s’installer il y a 2 ans, de reprendre l’exploitation de ses parents et d’augmenter la taille de son élevage. "Aujourd’hui, pour qu’une exploitation fonctionne, il faut produire plus, donc avoir plus de bêtes, explique l’éleveur, et tout seul ce n’est pas gérable. J’ai vu mes parents tout faire manuellement pendant des années avec 80 vaches, là avec 140, c'était impossible."

La solution : investir près d’un million d’euros dans la robotisation de son exploitation. L’investissement est lourd, mais devrait porter ses fruits d’après l’éleveur, notamment face à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le secteur : "de moins en moins de personnes qui viennent toquer à notre porte pour travailler dans les fermes et le robot ça remplace quand même un salarié. Surtout qu’ils font des choses qu’aucun humain n'accepterait de faire comme pousser le fourrage en pleine nuit par exemple."

Gain de temps, augmentation de la productivité et bien-être animal, des raisons qui ont poussé Quentin Porquier à robotiser son exploitation. Une démarche de plus en plus courante chez les jeunes exploitants : désormais, 1 élevage sur 4 en France utilise un robot de traite. 

Première ferme maraîchère des Hauts-de-France

L’élevage n’est pas la seule activité agricole concernée par l'essor des nouvelles technologies : la robotique s’invite aussi dans l’agriculture maraîchère. À Lagny-le-Sec dans l’Oise, une ferme robotisée et connectée de 5 000 m² a ouvert ses portes en avril 2024. L’une des rares sur le territoire national et la toute première dans les Hauts-de-France. 

Sous la serre, des légumes biologiques et de saison sont cultivés. Au sol, rien de particulier, au plafond en revanche, un portique de 9 mètres de long sur lequel se déplace une structure modulable. "Le robot porte-outils va aller chercher différents outils à sa disposition pour aplanir, remuer, désherber, semer et repiquer", explique Antoine Mahé, ingénieur en robotique. Si l’automate peut réaliser certaines tâches seules, uniquement guidé à distance par les maraîchers, il est plus souvent utilisé pour aider les professionnels dans les tâches pénibles. 

Pour Robin Lalieux, maraîcher depuis 2 ans et chef d’exploitation de la ferme robotisée, le robot leur facilite la tâche. "Planter un rang de salade à la main m’aurait pris une heure et demie, voire deux heures, à quatre pattes, alors que là, je le fais en cinq minutes et je reste debout tout du long, explique-t-il avant de conclure, en fait, toutes les tâches les plus pénibles vont être réalisées par le robot qui nous accompagne, sans nous remplacer pour autant."

L’automatisation permet ainsi de diminuer la pénibilité du travail et de pallier le manque de main-d’œuvre dans le secteur. Contre plusieurs dizaines de maraîchers nécessaires sur un site traditionnel, la ferme robotisée en compte trois. 

Favoriser le circuit court 

Pour le maire de Lagny-le-Sec, Didier Doucet, à l’origine de l’installation de la ferme sur la commune, l’objectif est de fournir à la population des légumes produits à côté de chez eux : "l’idée première était que l’on puisse fournir des légumes à la cantine scolaire, explique-t-il, on a aussi un projet de résidence sénior qui serait intéressée. L’idée était vraiment de donner accès à des produits locaux, de belle qualité, en bio et à des tarifs corrects."

Au même prix que dans les magasins bio, les légumes de la ferme sont vendus via un distributeur automatique situé à l’entrée du site. "Dès son lancement, ils ont rencontré un vrai succès, s’enthousiasme le maire de la commune, les casiers étaient vides en moins de trois jours." D’ici 2025, l’objectif est de produire 15 tonnes de légumes bio par an. 

"L'objectif, c'est d'industrialiser la permaculture

Si la commune est propriétaire du site, c’est la société Néofarm, concepteurs de fermes maraîchères innovantes, qui l’exploite. Fondée en 2018, la start-up met en avant un modèle d’agriculture ancré localement, fonctionnant avec un minimum d’intrants et d’énergie fossile, mais transposable à grande échelle. "L’objectif, c'est d’industrialiser la permaculture, détaille Thibault Millet-Taunay, directeur général de Néofarm, aujourd’hui leur production n’est pas suffisante pour nourrir la population dans son ensemble, mais demain notre technologie va nous permettre de produire plusieurs milliers de tonnes de légumes bio et locaux."

Contrairement aux idées reçues, robot et permaculture ne s’opposent pas "parce qu’il est suspendu et très peu gourmand en énergie, notre robot permet de cultiver sur une grande surface tout en maintenant l’équilibre de biodiversité et en restant résilient pour l’environnement." Avec Lagny-le-Sec, la start-up compte désormais quatre fermes maraîchères robotisées en France.

Élevage, maraîchage et même viticulture, les robots sont de plus en plus présents dans le monde agricole. Une solution encouragée par l’État qui a lancé, il y a un an, le "Grand Défi Robotique Agricole" pour accélérer la transition agroécologique et financé à hauteur de 21 millions d’euros.

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