Depuis plusieurs années, de septembre à janvier, une partie des feuilles mortes de Paris voyage sur la Seine pour être valorisées en compost à Ermenonville dans l'Oise. Un dispositif qui permet un gain en termes d'émission de CO2 à plus d'un titre.
Dès le début du mois d'octobre, un étrange ballet se met en place sur les berges de la Seine : des camions verts de la mairie de Paris s'arrêtent régulièrement aux ports de Bercy et de Tolbiac où ils déversent leur chargement. Un chargement inhabituel puisqu'il s'agit de feuilles mortes.
Des barges non motorisées
C'est le dispositif Feuilles en Seine, lancé il y a 4 ans par la municipalité de la capitale : les feuilles mortes ramassées dans les rues parisiennes sont recyclées en compost à Ermenonville. Mais avant d'arriver dans l'Oise, elles cheminent selon un processus désormais bien rodé. "C’est un dispositif qui existe dans à peu près les mêmes configurations depuis 4 ans, nous explique Antoine Guillou, adjoint à la mairie de Paris en charge de la propreté, des déchets et de l'assainissement. L’idée générale est de collecter le maximum de feuilles mortes séparément d’autres déchets pour les valoriser ensuite par le compostage. Celles qui ne peuvent pas être collectées séparément vont à l’incinération."
Les barges peuvent transporter jusqu'à 500 tonnes de feuilles. C'est peu comparativement aux barges industrielles que l’on a qui peuvent transporter jusqu’à 2 000 tonnes et qui font plus de 80 mètres de long.
Janina Baigus, directrice adjointe des activités portuaires de Cemex France
Les feuilles sont donc balayées puis stockées dans des parcs à feuilles installés sur l'espace public de la ville. Une fois plein, ces parcs sont vidés. Les feuilles sont alors transportées par les agents techniques de la mairie jusqu'aux ports de Bercy et de Tolbiac où elles vont être rassemblées avant d'emprunter un moyen de transport inattendu : les feuilles mortes remontent la Seine en barge non motorisée.
Des barges affrétées spécialement par l'entreprise Cemex, plutôt habituée au transport de gravier et de béton sur la Seine. "Notre rôle sur ce chantier, c’est de massifier sur le site et de faire transiter les matériaux, indique Janina Baigus, directrice adjointe des activités portuaires de Cemex France. Les feuilles ne sont pas stockées : elles sont déchargées dans un endroit précis parce qu’elles ne peuvent pas être déchargées directement dans la barge. Ensuite, elles sont reprises par une pelle hydraulique et transférées dans les barges. Elles sont de taille moyenne et peuvent transporter jusqu'à 500 tonnes. C'est peu comparativement aux barges industrielles que l’on a qui peuvent transporter jusqu’à 2 000 tonnes et qui font plus de 80 mètres de long. Le transport par barge des feuilles mortes permet d’éviter à une centaine de camions de circuler."
Du compost commercialisé localement
Les feuilles sont apportées tous les jours, en quantité variable : certains jours, Cemex en réceptionne seulement 3 tonnes et d’autres, 20 tonnes. En cette mi-saison, déjà 450 tonnes ont été transportées par Cemex. Selon les projections, le même tonnage qu'en 2023 devrait être atteint cette année, soit 1 000 tonnes.
Dès qu'une barge est remplie d'à peu près 250 tonnes de feuilles, elle part pour le port de Gennevillers où elle est vidée sur un site de tri : "certaines feuilles peuvent être polluées avec des petits morceaux de plastique par exemple", précise Janina Baigus. Il faut entre 4 et 6 heures à la barge pour arriver dans les Hauts-de-Seine.
Ce dispositif ne nous fait pas particulièrement faire d’économies. C’est l’enjeu environnemental qui nous motive.
Antoine Guillou, adjoint à la mairie de Paris en charge de la propreté, des déchets et de l'assainissement
Une fois le tri effectué, direction Ermenonville, dans l'Oise, en camion cette fois, où une plateforme spécialisée dans la valorisation et le traitement des déchets organiques va s'occuper de les composter. Une nouvelle fois triées, les feuilles sont broyées. Le broyat est ensuite laissé en fermentation entre 3 et 6 mois avant d'être tamisé et vendu à des coopératives, des agriculteurs ou encore des paysagistes locaux.
En 2023, les 500 tonnes de feuilles mortes de la ville de Paris ont permis de produire 200 tonnes de compost.
En juillet 2025, la mairie de Paris lancera un nouvel appel d’offres pour le dispositif Feuilles en Seine. Avec le même cahier des charges. "L’idée est de conserver le principe. Ce sur quoi on travaille pour améliorer le dispositif, c’est le volume de feuilles collectées séparément. Le principal levier d’amélioration, c’est de nous assurer que les feuilles mortes ne sont pas mélangées avec d’autres déchets. Ce dispositif ne nous fait pas particulièrement faire d’économies. C’est l’enjeu environnemental qui nous motive", conclut Antoine Guillou.
En 2023, 4 500 tonnes de feuilles mortes ont été ramassées à Paris. Seules 1 400 tonnes ont pu être valorisées en compost.