Féminisation de la pauvreté en France : "Derrière les chiffres, il y a de la détresse et des larmes"

Les premières victimes de la pauvreté en France sont les femmes, constate le Secours Catholique dans son dernier rapport. En Picardie, la tendance nationale se confirme. Ces femmes sont à la recherche d'aide, mais aussi d'écoute et de lien social.

Juanna est bénévole depuis 20 ans au Secours catholique de Creil (Oise). Mais en 2003, lorsqu'elle franchit pour la première fois les portes de l'association, c'est pour demander de l'aide. Tout juste à la retraite après des années comme ambulancière, elle vient chercher de quoi lui permettre de se nourrir, le temps de toucher sa première pension.

"Au Secours catholique, il y a toujours quelqu'un qui vous écoute"

Depuis ses 44 ans, Juanna est mère célibataire de cinq enfants. "Mon mari est parti au bout de 25 ans de mariage. Et il est décédé en 2001." À la permanence de Creil, fermée temporairement pour rénovation, Juanna a vu passer "beaucoup de mères célibataires et de femmes seules, de toutes nationalités" qui sont parfois contraintes de "choisir entre nourrir leurs enfants et payer les factures".

À 81 ans, Juanna leur apporte, à son tour, l'aide dont elle a pu bénéficier lorsqu'elle en avait besoin. "Au Secours catholique, il y a toujours quelqu'un qui vous écoute. On fait un accueil café le matin, on discute avec eux. Et tout le monde est accueilli", appuie la bénévole.

De plus en plus de femmes plus âgées en milieu rural

En 2022, 1 027 500 personnes ont été accueillies par le Secours catholique, dont 20 000 personnes par la délégation de l'Oise. Parmi elles, 51,3 % sont des femmes, indique le rapport de la délégation oisienne.

Dans le département, 19,1 % des personnes accueillies sont des mères isolées (contre 1,9 % de pères isolés) et 27,2 % sont des femmes seules sans enfants (contre 36,2 % d'hommes seuls). Et si les personnes de nationalité française sont plus nombreuses à pousser la porte de l'association que les personnes étrangères, l'écart tend à diminuer d'années en années.

Comment expliquer cette surreprésentation des femmes parmi les personnes franchissant la porte de l'association ? "Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. D’autres voudraient bien travailler, mais leur situation administrative les en empêche", indique le rapport 2023 sur la pauvreté en France de l'association, publié le 14 novembre.

Si les femmes font davantage appel au Secours catholique, c’est aussi parce que, neuf fois sur dix, ce sont elles qui assument la charge des enfants quand les couples se séparent.

Rapport sur l'état de la pauvreté en France 2023 - Secours catholique-Caritas

"En milieu rural, nous accueillons de plus en plus de femmes plus âgées qui nous sollicitent pour des problèmes d'isolement et de mobilité", observe Nadine Eliard, présidente de la délégation Picarde (Aisne et Somme). Ainsi, 25 % des personnes accueillies sont des femmes seules sans enfants, et 23 % sont des mères seules.

Bénévole au Secours catholique depuis 16 ans, Nadine Eliard constate qu'il est "toujours très compliqué de venir demander de l'aide et que ce sont souvent les femmes qui s'y collent".

"Retrouver du lien social et avancer"

"Derrière les chiffres, il y a de la détresse et des larmes", souligne Françoise Smessaert, présidente de la délégation Oise. Le Secours catholique note qu'au-delà des demandes d'aides financières et alimentaires, un besoin d'écoute croissant de la part des personnes accueillies se fait ressentir. L'écoute représente ainsi 57 % des besoins exprimés en 2022 au niveau national, devant l'aide alimentaire (51 %) et l'aide au paiement des factures (19 %).

On est tous pauvres de quelque chose. Mais on n'est pas pauvre uniquement financièrement.

Françoise Smessaert, présidente de la délégation Oise du Secours catholique

L'association organise ainsi de nombreuses activités et des ateliers divers "pour retrouver du lien social, confiance en soi et avancer", résume Nadine Eliard.

Apprentissage du français, accompagnement scolaire, atelier cuisine, atelier mandalas, jeux de cartes… "Tout est fait pour favoriser l'échange entre les personnes, et entre personnes accueillies et bénévoles. Parfois, les échanges passent mieux entre personnes qui sont dans la même situation", note Françoise Smessaert.

Un lieu d'écoute mobile pour les territoires ruraux

Depuis un an, des véhicules itinérants appelés "fraternibus" sillonnent les territoires ruraux de Picardie pour aller vers les personnes les plus isolées, pour lesquelles il est parfois impossible de se rendre dans les lieux d'accueil de l'association malgré un maillage dense.

Cela permet de leur donner un lieu pour retrouver un peu de lien social, leur proposer de l'écoute, et de l'aide aux formalités. Mais on se rend compte que l'essentiel, c'est de se retrouver autour d'une table et de discuter.

Nadine Eliard, présidente de la délégation Picarde (Aisne et Somme) du Secours catholique

La délégation Picarde compte 550 bénévoles répartis en 47 équipes, celle de l'Oise est composée de 644 bénévoles divisés en 30 équipes locales. Le Secours catholique accueille tout le monde, sans conditions de ressources et quelle que soit leur religion. "L'accueil est inconditionnel au Secours catholique. C'est essentiel dans notre philosophie", appuie Françoise Smessaert.

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