Législatives 2022 : de l'espoir et des interrogations pour les LR en Picardie : "il faut tout remettre à zéro dans ce parti politique !"

Les candidats investis LR-UDI dans les trois départements picards ont totalisé 16,42 % des voix au premier tour des élections législatives. Un score qui masque d’énormes disparités entre les circonscriptions. Si ce score jugé honorable par rapport à la présidentielle est mis en avant, beaucoup pointent aussi du doigt la nécessaire refondation du parti.

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Victor Habert Dassault, Julien Dive et Emmanuel Maquet. À eux trois, ces candidats Les Républicains (LR), chacun implanté dans un département, réalisent un tiers des voix obtenues par le parti dans les 17 circonscriptions picardes. "Il faut quand même considérer que certains sortants bien implantés ont bien résisté", note Christophe Coulon, président du groupe Majorité régionale Républicains et Indépendants, qui remarque une "prime aux sortants enracinés". Et d’ajouter : "sur les trois départements, on a au moins un député en bonne position pour l’emporter au second tour." 

"Cette droite qu'on disait asphyxiée ne l'est pas"

Le score le plus important a été réalisé par Julien Dive dans la 2e circonscription de l’Aisne, en ballottage favorable face au Rassemblement national. Le député sortant totalise 35,91% des voix, à peine moins que lors du 1er tour des législatives en 2017.

Victor Habert Dassault, lui aussi talonné par le Rassemblement national, réalise néanmoins une performance satisfaisante : 32,46 % des voix. Le score n’a rien à voir avec les 58,44% qu’il avait obtenus lors du premier tour de la législative partielle organisée après le décès de son oncle Olivier Dassault, mais après seulement un an de mandat et peu d’expérience en politique, le jeune député sortant parvient tout de même à sortir en ballottage favorable à l’issue de ce premier tour.

Parmi les Républicains qui parviennent à tirer leur épingle du jeu également, Emmanuel Maquet. Dans la 3e circonscription de la Somme, il totalise 26,57 % des voix derrière le candidat du Rassemblement national. Dans la 7e circonscription de l’Oise, Maxime Minot obtient lui aussi un score similaire. En deuxième position, avec 26,32% des voix, il sera opposé au PCF. La preuve pour lui que "cette droite qu’on disait asphyxiée ne l’est pas", même s’il estime aussi que sa personnalité, ses efforts pour relayer la parole des habitants à Paris et son ancrage local ont fait la différence.

 

Dernière figure LR à se distinguer : Pierre Vatin, dans la 5e circonscription de l’Oise. Avec 23,19% des voix, il se retrouve second derrière le Rassemblement national et peut lui aussi espérer conserver son siège de député à l’issue du second tour.

Un score catastrophique à la présidentielle

"C’est un soulagement par rapport à ce qu’on a vu à la présidentielle, confie Christophe Coulon. Nationalement, LR fait presque 11%. C’est deux fois le score de Valérie Pécresse à la présidentielle, mais il faut tout remettre à zéro dans ce parti politique."   

Même enthousiasme du côté de Pierre Savreux : "Les Républicains ont fait mentir les pronostics en se montrant capables de rester la première force d’opposition crédible à Emmanuel Macron, écrit le président de la fédération Les Républicains dans la Somme dans un communiqué. Ni la nébuleuse coalition d’extrême-gauche qui se disloque déjà avant même de siéger, ni le Rassemblement national ne sont en mesure d’apporter un projet alternatif sérieux au service de nos concitoyens."  

Mais cette prime aux sortants en Picardie masque aussi des résultats peu élevés dans bien d’autres circonscriptions. Des résultats que les principaux intéressés ne souhaitent pas forcément commenter à l’image d’Arnaud Dumontier, arrivé 4e dans la 4e circonscription de l’Oise, loin derrière Eric Woerth passé dans le camp de La République en marche.

Pas de commentaire non plus pour David Bobin, lui aussi 4e dans la 4e circonscription de l’Aisne cette fois. Autre coup dur pour le député sortant de la 5e circonscription de la Somme, Grégory Labille. Ses 18 mois de mandat n’auront pas suffi. "Je ne suis pas surpris que le RN soit au second tour, explique-t-il. Mais ne pas être au deuxième tour malgré la proximité, la présence auprès des habitants... Le travail n’est pas récompensé."

Sur le plan national, Grégory Labille est loin d’être le seul député sortant malmené au premier tour... "Beaucoup de députés ont quitté la famille des LR. Damien Abad en est le plus grand représentant. Evidemment, cela allait laisser des séquelles à l’échelle des circonscriptions", estime-t-il.  

Quel avenir pour LR ?

Eliminés dans 12 circonscriptions en Picardie, les LR représentent tout de même un nombre de voix non négligeable dans ces élections. Avec quelles conséquences lors du second tour ? Pas question d’accorder une voix à l’extrême-droite pour Christophe Coulon. "En tant que président du groupe des Républicains et à titre personnel, jamais une voix ne doit aller au Front national, répète-t-il. Clairement, c’est un combat historique. Mais je ne donne pas de consigne de vote car les politiques ne sont pas là pour donner des consignes aux électeurs. Chacun agira en son âme et conscience mais pas une voix au FN, c’est mon positionnement."  

S’il y a un point sur lequel les LR semblent s’accorder, c’est la volonté de continuer à constituer un groupe politique à part entière. À la question "Rejoindriez-vous la majorité présidentielle ?", la sénatrice Pascale Gruny répondait immédiatement sur notre plateau télévisé ce dimanche 12 juin : "Absolument pas, nous avons un autre projet."

Mais le projet en question n’a pas su convaincre suffisamment les électeurs. Et beaucoup s’interrogent. Sur l’abstention d’abord. C’est le sens de l’intervention du député sortant Emmanuel Maquet lors de la soirée électorale, pourtant qualifié pour le second tour : "Je crois que dans un pays qui s’abstient à plus de 50%, on a des questions à se poser (...) Je suis inquiet quand le RN est devant un certain nombre de députés sortants et plutôt en tête dans un certain nombre de circonscriptions. C’est forcément un signal inquiétant. Si on ne réagit pas, qu’est-ce qu’il en sera dans 5 ans ? "   

Autres inquiétudes concernant la façon même dont le parti s’est emparé de certains sujets de société. Christophe Coulon qui se dit très attaché à ce parti, se montre aussi très dur : "Quand personne ne vous écoute, il y a une raison. On n’a pas bossé ces cinq dernières années... LR s’est un peu enfermé sur la sécurité, le régalien mais il n’y a pas que ça...  Il faut aussi penser au pouvoir d’achat... Comment on va vivre demain... Comment on va s’en sortir à la fin du mois, l’évolution du monde du travail (…) sans quoi on disparaît..."     

Grégory Labille lui, éliminé, milite néanmoins pour plus de dialogue avec le territoire, avec les élus... "La baisse du pouvoir d’achat est réelle pour certains ouvriers et retraités et ces discours-là, on ne les a pas suffisamment portés à l’hémicycle. Est-ce que cela peut changer ? Je l’espère", indique celui qui va désormais reprendre son activité d’enseignant.

Dans l'Oise, Maxime Minot estime néanmoins que les sujets abordés par son parti parlent toujours aux électeurs. "Evidemment qu’il y a une perte de vitesse, concède-t-il, mais parce qu’on a une instrumentalisation de la vie politique. Cela fait des semaines qu’on nous rabâche que La République en marche et Nupes seront des rivaux. (…) Mais la sécurité, la défense de nos forces de l’ordre, le respect des valeurs de la République, on nous en a beaucoup parlé pendant la campagne. La valeur travail et l’équilibre entre droits et devoirs, c’est vraiment la colonne vertébrale de la droite et beaucoup nous en font part."     

S'appuyer sur les nouveaux visages

Et pour convaincre, plusieurs représentants du parti estiment qu'il va falloir s'appuyer sur ces députés élus ou réélus, et "donner un sacré coup de pied dans la fourmilière", ajoute même Maxime Minot. Et de s’expliquer : "il faut que les chapeaux à plume puissent laisser les nouveaux visages qui ont réussi à gagner prendre part à la renaissance même si je n’aime pas ce terme en ce moment…" Et pourquoi pas changer de nom, pour tourner la page du Sarkozysme, oublier cette présidentielle mal vécue pendant laquelle Nicolas Sarkozy a soutenu Emmanuel Macron… Maxime Minot n’écarte pas cette possibilité.   

Mais certains comme Christophe Dietrich, candidat arrivé en 4e position dans la 3e circonscription de l’Oise semblent plus inquiets. "Les gens n’ont pas choisi d’envoyer un élu local mais un message en allant vers les deux extrêmes. (…) Aujourd’hui, si on veut être efficace, il faut être sur le terrain. Tant que les partis n’auront pas compris que cela vient d’en bas…", regrette-t-il. 

Des actes, c’est ce que réclament les électeurs selon l’élu : "On ne va pas se trouver d’excuse, c’est une faute collective faite par tous ceux qui ont gouverné pendant 40 ans."

Le député sortant de la 1ère circonscription de l'Oise, Victor Habert Dassault, reconnaît que les scores réalisés au premier tour sont "un cri de colère". "Les habitants de la circonscription se sentent abandonnés par l’Etat, détaille-t-il. Dans certains villages, nous n’avons pas d’internet ni ne captons avec les téléphones portables. Il y a de moins en moins de médecins. Si vous n’avez pas un médecin de famille, c’est devenu mission impossible pour avoir une consultation. La désertification est encore plus importante pour trouver un spécialiste ou un dentiste".

Mais pourtant, il continue à croire à l’avenir de son parti. "Je souhaite profondément qu’il puisse continuer à se faire entendre. Nos projets sont crédibles, chiffrés ce ne sont pas des promesses en l’air pour obtenir des voix et uniquement se faire élire. Les LR est un parti sérieux attaché à nos territoires."

Maxime Minot non plus ne voit pas comment la droite ne pourrait pas renaître de ses cendres. Une position partagée par Christophe Coulon : "LR aura un groupe à l’Assemblée nationale, un groupe pas minuscule sans doute… et nous serons en capacité de peser… C’est le début d’une recomposition politique… (…) et l’horizon va être redistribué d’ici 5 ans". 

D'ici là, le parti devra déjà s'assurer d'avoir le groupe le plus large possible à l'Assemblée nationale à l'issue du second tour et il reste peu de temps aux candidats pour convaincre les électeurs.

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