Mobilisés contre le Canal Seine Nord Europe, des bateliers de l'Oise inquiets : "il ne faut pas faire mourir cette commune"

Environ 150 personnes étaient mobilisées à Longueil-Annel dans l'Oise, dimanche 24 septembre, pour protester contre une portion du Canal Seine Nord Europe, qui prévoir de reboucher une partie sauvage de la vieille Oise. Les bateliers de la commune craignent également un bouleversement de leur mode de vie.

Connue pour sa cité des bateliers, la commune de Longueil-Annel dans l'Oise va voir sa morphologie transformée par le chantier du Canal Seine-Nord Europe. Cette "autoroute fluviale" de 107 kilomètres doit en effet passer à l'est de la petite ville.

Pour cela, une partie du bras ensauvagé de l'Oise qui serpente à proximité des canaux traversant Longueil-Annel va être rebouchée et transformée en zone humide. Ses habitants de l'eau doivent en être expulsés en 2025.

Près de la cité des bateliers, les "pénichards" craignent aussi que le canal traversant Longueil-Annel ne s'envase car il ne communiquera plus directement avec l'Oise. La société du CNSE avait dépêché un représentant sur place pour tenter de contenir leurs craintes.

"Nous ne rebouchons pas la rivière, nous la déplaçons de 200 mètres"

Entourés de citoyens mobilisés et de militants écologistes, Pierre-Yves Biet, directeur partenariats et territoires de la société du CNSE tentait de faire comprendre les nuances du projet et de défendre son bilan environnemental. 

Plus on mettra de marchandises sur les bateaux, mieux la région se portera

Pierre-Yves Biet, directeur partenariats territoire de la société du CNSE

"Nous allons transformer le bras actuel en zone écologique, qui fera partie des 400 hectares d’aménagements écologiques qui ont déjà commencé à être réalisés dans la vallée de l’Oise, détaille Pierre-Yves Biet. Nous ne couperons pas tous les arbres de la vieille Oise, nous en maintiendrons et en planterons d'autres, nous créerons des roselières et des prairies humides. Nous ne rebouchons pas la rivière, nous la déplaçons de 200 mètres."

Dans l'assemblée, cette dernière phrase lui vaut rires et huées, mais Pierre-Yves Biet continue malgré tout l'échange, rappelant aux participants que "ce projet a été conçu dans le dialogue, du tracé aux premiers aménagements. Il y a de fausses informations qui circulent sur les aménagements donc c’est important d’être présents pour expliquer.

Pierre-Yves Biet souligne que le projet vise à remplacer un million de camions et que le transport fluvial est plus "propre" que le transport routier pour l'instant privilégié. "Plus on mettra de marchandises sur les bateaux, mieux la région se portera", assure-t-il. 

"Tout est déjà créé, il faut laisser faire la nature"

Des arguments qui ne convainquent pas Nicolas Guerdin, membre du collectif des Citoyens de l’eau et habitant d'un méandre sauvage de la vieille Oise.

"Cela va devenir une autoroute fluviale alors que c'est une zone 100% écologique avec des martins-pêcheurs, des hérons, des poissons et des gens qui viennent pêcher le week-end, déplore-t-il. On nous annonce la création d'une zone humide avec un miroir d'eau de 20 à 30 centimètres, alors que tout est déjà là, tout est déjà créé, il faut laisser faire la nature."

Hélène Belmant, également membre du collectif et habitante de cette rivière depuis plus de huit ans, semble amère : "En septembre 2025, on est sommés de s'en aller, on nous dit de partir sans nous dire où aller. (...) Pour moi, redémarrer le moteur et repartir, ce n'est pas la fin du monde, mais face à mon bateau, il y a un couple de martins-pêcheurs et pour eux, c'est la fin. C'est pour eux qu'on se mobilise. Le canal passe carrément à travers cette rivière, toutes les espèces protégées vont disparaître. On aurait peut-être pu étudier un agrandissement de l'ancien canal, ou au moins essayer de ne pas tout détruire."

D'autres militants écologistes soulignent que le reboisement prévu par le CNSE ne sera "efficace" qu'au bout de plusieurs décennies, nécessaires à la pousse des arbres et au retour de la faune perturbée par les travaux.

Quel avenir économique ?

Au-delà de la question écologique, celle des transformations économiques à venir s'invite aussi lors de la mobilisation. Geneviève a vu la commune se transformer au fil du temps et elle craint que le CNSE ne participe à l'envasement du canal qui traverse Longueil-Annel, ruinant son économie tournée vers l'eau. 

"Tout a changé, il y a moins de bateaux et les entreprises sont parties, donc il faut absolument conserver ce qu'il reste, plaide Geneviève. Je ne suis pas directement impactée, mais le serai au bout d'un moment, car si l'eau ne bouche plus, elle pourrit. Tout va se réenvaser comme à l'époque où on ne draguait pas, l'environnement sera condamné. Un voisin parle déjà de partir car il a acheté sa maison pour ce cadre. On a le musée qui emploie aussi beaucoup de personnes, il y a la menuiserie, le chantier naval, ils paient des taxes et font vivre la commune. Il ne faut pas faire mourir cette commune."

Pierre-Yves Biet, lui, assure que ce projet est "une attractivité pour le territoire, avec de nouvelles implantations (ndlr. d'entreprises), au moment où on parle de réindustrialiser le territoire. Il y aura 6 000 emplois créés pour la construction dont sans doute 3 000 embauches, des ports qui vont s'implanter et attirer des activités.

Des visions de l'avenir qui divergent 

La société du CNSE semble convaincue que le projet et le développement économique qu'il doit induire sont compatibles avec la préservation de l'environnement, grâce aux mesures compensatoires prévues. Les Citoyens de l'eau réfutent cet argument. 

L'Autorité Environnementale, dans son dernier avis du 10 novembre 2022, émet un avis nuancé, où elle reconnait que de nombreuses mesures compensatoires sont proposées par le CNSE mais "recommande d’expliciter les modalités apparemment disparates de compensation retenues." L'agence environnementale pointe aussi du doigt l'approvisionnement en eau du CNSE, dont les modèles s'appuient sur des données trop anciennes.

Pour l'heure, les représentants du CNSE rencontreront à nouveau Les Citoyens de l'eau et mouvements écologistes engagés contre son passage à Longueil-Annel le 29 septembre. Cette réunion ne sera cependant pas ouverte au public.

La pétition lancée par Les Citoyens de l'eau contre le comblement d'une partie de la vieille Oise par la société du Canal Seine-Nord Europe a quant à elle déjà recueilli plus de 21 000 signatures. 

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