Un nouveau projet éolien suscite de vives réactions. Royaucourt, dans l’Oise, envisage d’implanter de nouvelles éoliennes. Mais entre les nuisances dénoncées par les habitants, la saturation du paysage et la manne financière que rapporte un parc éolien, le débat est lancé.
C’est dans un champ à la sortie de Royaucourt, dans l’Oise, que trois nouvelles éoliennes pourraient bientôt être implantées. Le village, d'une superficie de 1 000 hectares pour 200 habitants, en compte pourtant déjà 14.
Selon la procédure, une enquête publique est en cours. Le commissaire-enquêteur est déjà venu deux fois pour informer les administrés sur le projet, mais aussi pour recueillir leur avis quant à cette nouvelle implantation. Installé dans la mairie, il écoute une dame qui a, posée devant elle, une pochette bleue en carton. À l’intérieur, tous ses griefs à l’encontre du projet.
Trop nombreuses, trop hautes, trop larges
"J’ai signalé toutes les nuisances sonores, visuelles, écologiques, de tous ordres, explique-t-elle. Les pales qui tournent en permanence devant le soleil avec des ombres qui tournent dans les pièces des maisons, les clignotants rouges la nuit, le bruit des pales qui empêchent d’ouvrir les fenêtres même la nuit. On a eu il y a quelque temps un problème de grincement qui était insupportable. On a eu aussi des problèmes avec la télé et les champs hertziens qui étaient hachés par les pales qui tournaient. Quand je vois les nuisances de l’éolien, je dis que dans une région qui est déjà en surdosage, il faut finir par dire stop. Ou les envisager dans des zones qui ne gênent personne. Là, on arrive à un véritable problème de saturation dans le secteur."
On a des éoliennes qui dépassent les 200 mètres de haut avec des pales qui font dans certains cas jusqu’à 150 mètres de diamètre. Et ça tourne à 350 km/h. Ca devient complètement fou.
Laurent Balaine, président de Vent debout en Santerre
Une surdensité de l’éolien contre laquelle se bat l’association Vent debout en Santerre. Elle surveille dans le détail tous les projets d’implantation. Et pointe du doigt la surenchère technique des promoteurs. "On a fait des lois il y a quinze ans en disant, les éoliennes, ce n’est pas en dessous de 500 mètres des maisons, précise Laurent Balaine, fondateur de l’association. Mais à l’époque, elles faisaient entre 80 et 100 mètres de haut. Avec des diamètres de pales qui faisaient 60 mètres. Aujourd’hui, elles sont aussi hautes que la tour Montparnasse à Paris. Ici, on a des éoliennes qui dépassent les 200 mètres de haut avec des pales qui font dans certains cas jusqu’à 150 mètres de diamètre. Et ça tourne à 350 km/h. Ici, dans ce dossier, on est à 117 mètres de diamètre de pales et 150 mètres de haut. Mais ça devient complètement fou."
Et d’ajouter : "c’est la saturation complète, le ras-le-bol. Dans mon secteur il y avait, en 2021, 118 éoliennes. Le soir, quand je sors de chez moi, j’ai l’impression de vivre à l’aéroport de Roissy et de voir clignoter toute la nuit. On est complètement saturé. Théoriquement, les éoliennes, c’est super. Mais il faut le vivre. Dans la Somme, on a dix fois la densité d’éoliennes du reste de la France. Ici, on est dans un des coins qui a la densité la plus élevée de France. S’il y avait la même densité d’éolienne au niveau national, on en aurait 100 000 au lieu d’en avoir 10 000."
Dans son dernier rapport datant de 2022, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France confirme en effet que la région est la première de France en nombre de parcs éoliens et de puissance électrique produite.
Une manne financière non négligeable
Un argument que Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, a fait valoir dans un courrier adressé à la sous-préfète de l’Oise dans lequel il indique l’opposition de la Région à ce projet. Il rappelle que 28 % des éoliennes en France sont implantées dans la région alors que les Hauts-de-France ne représentent que 6 % du territoire national.
On a pu financer l’enfouissement des réseaux d’électricité, de téléphonie, d’internet par exemple. Ce sont des investissements de plus de 2 millions d’euros.
Laurent Gesbert, maire DVD de Royaucourt
Le maire de Royaucourt, lui, est partagé. Comme ses administrés, il estime qu'effectivement, le paysage est saturé. Mais le maire qu’il est voit la manne financière qu’engendrent les éoliennes. "On ne va pas se mentir, c’est une ressource fiscale importante, avoue Laurent Gesbert, maire DVD de la commune. Les dotations de l’État sont en baisse perpétuelle depuis plusieurs années. Depuis 2018, les dotations de l'État pour la commune ont baissé de 45 %. Les éoliennes viennent apporter une fiscalité sans laquelle, dans nos villages ruraux, on ne pourrait pas investir. Nous, on fait le choix, lorsque le parc a vu le jour en 2018, de rendre à la population toute la fiscalité des éoliennes : actuellement, 50 % de cette fiscalité paie 100 % de nos emprunts. On a pu financer l’enfouissement des réseaux d’électricité, de téléphonie, d’internet par exemple. Ce sont des investissements de plus de 2 millions d’euros. Sans les éoliennes, une commune comme la nôtre n’aurait jamais pu investir 2 millions d’euros."
Selon lui, la fiscalité des éoliennes a également permis la réhabilitation de plusieurs logements, celle de la salle des fêtes et la construction d’un city stade.
Concernant l’implantation des trois nouvelles éoliennes, la motivation du maire n’est pas que financière : en accordant les dernières places libres, il espère échapper aux sollicitations incessantes des promoteurs.
Avec Camille Di Crescenzo / FTV