Après des mois de chômage partiel, l'entreprise de verrerie Saverglass a proposé une baisse de salaire à ses employés. Les syndicats de l'usine de Feuquières rejettent majoritairement l'accord et demandent par ailleurs un audit des comptes de l'entreprise par un cabinet externe. Deux autres usines ont rejeté la proposition de la direction, la baisse de salaires n'aura pas lieu.
C'est une réunion houleuse qui a eu lieu, le 13 novembre, entre la direction de Saverglass et le comité social et économique (CSE) de l'entreprise, qui réunit les élus des syndicats. Ces derniers ont voté pour un audit extérieur des comptes de l'entreprise. Depuis plusieurs mois, la société de verrerie de luxe, installée à Feuquières, dans l'Oise, fait face à une baisse des commandes.
La direction a donc opté pour le chômage partiel en février dernier. Pendant six mois, les ouvriers ont travaillé une semaine de moins chaque mois. Mais la loi n'autorise pas plus de six mois d'activité partielle, consécutifs ou non, pour une période de douze mois.
La direction de Saverglass a donc proposé, en octobre, de réduire les salaires de ses ouvriers. Les syndicats de Saverglass avaient jusqu'au 13 novembre pour se prononcer. À Feuquières dans l'Oise, la CGT et la CFDT ont affirmé qu'ils refusent de signer l'accord. Le site d'Arques, dans le Nord, l'a aussi rejeté, tout comme l'usine de Belgique. Les syndicats des sites du Havre, en Seine-Maritime, et de Coulommiers, en Seine-et-Marne, ont pour leur part signé l'accord. Mais cela ne suffira pas à sa mise en œuvre.
Accords de performance collective : une négociation entre syndicats et direction
Depuis les ordonnances de 2017 venant réformer le Code du travail, souvent surnommées "ordonnances Macron", une entreprise en difficulté peut en effet signer un accord de performance collective (APC) avec les représentants syndicaux. Cet accord ouvre la voie à une modification des contrats de travail des employés, y compris au niveau de la rémunération, il est donc possible de décider ainsi d'une baisse des salaires.
Pour que cet accord soit adopté, il doit être signé par les organisations syndicales représentant au moins 50 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Une deuxième voie est possible si cette représentativité n'est pas atteinte : avoir la signature des syndicats représentant 30 % des suffrages, c'est ce que l'on appelle couramment un accord minoritaire.
Dans ce deuxième cas, une consultation des salariés est organisée dans un délai de deux mois. L'accord est adopté ou rejeté selon le résultat de ce suffrage. Le salarié peut ensuite, individuellement, refuser cet accord, cela ouvre alors la voie à son licenciement économique.
L'accord de performance collective proposé aux salariés de Saverglass, d'après le directeur des ressources humaines de l'entreprise, Éric Barthélémy, propose les conditions suivantes : "5 % de réduction de salaire sur un maximum de six mois, ce qui fait globalement un jour par mois sur six mois. Ce n'est pas 7 % comme ce qui a été dit. C’est récupérable si l’on a atteint nos objectifs de vente en juin. La contrepartie est le maintien des emplois CDI pendant au moins six mois. Il y aurait un suivi chaque mois, selon les performances, l’accord pourra être étendu."
Un accord inacceptable pour la CGT et la CFDT du site de Feuquières, qui ont indiqué leur refus de le signer. Ce qui empêche l'entreprise d'atteindre les 30 % de représentativité sur le site, mais le groupe dont fait partie Saverglass possède plusieurs usines, où des consultations ont également été menées.
"Par équité entre les sites, nous avons décidé que si un site refusait l'accord, il ne s'appliquait pas", indique Éric Barthélémy. Deux usines de France l'ayant rejeté, tout comme l'usine belge qui a donné une réponse négative ce vendredi 15 novembre, le projet est définitivement enterré.
"Il y a de l’argent, on n'est pas au bord du dépôt de bilan"
Autre décision du CSE de Feuquières, la certification des comptes de l'entreprise, qui sera effectuée par un cabinet indépendant. D'après Nicolas Cocuel, il a été voté à dix voix pour et une contre. "Ça a été très houleux, les échanges avec la direction ont été assez violents" résume l'élu CGT. Pour lui, cette décision est nécessaire, car les syndicats manquent de données sur le chiffre d'affaires de l'entreprise.
"Il n’y a jamais de chiffres marqués lors des CSE, on a uniquement les chiffres en pourcentages pour ce qui concerne les résultats de l'entreprise. Baisser les salaires, quand il y a une certaine rentabilité, il ne faut pas exagérer. Il y a de l’argent, on n'est pas au bord du dépôt de bilan. L’expertise nous servira à prouver qu’il y a encore de l’argent dans les caisses. Quand on vous donne des chiffres à l’oral et que l’on ne marque rien au procès-verbal, c’est quand même curieux" questionne le représentant de la CGT.
"On ne va bien entendu pas écrire des chiffres sur des documents qui sont diffusés, se défend le DRH Éric Barthélémy. La situation de l’entreprise est communiquée tous les mois avec des graphiques et des courbes, il y a des échelles en euro à côté, l’ensemble des données est communiqué, on donne l’écart par rapport au chiffre d'affaires, on fait les analyses par marché, les tendances sur les mois à venir... Pour moi, il n'y a pas d'opacité."
Il reconnaît que "la tension est compréhensible" dans le cadre de la négociation de l'APC. "La situation de l’entreprise, avec un accord inédit, crée une peur, donc ils veulent un état détaillé des comptes qui permettrait d’être rassurés. Je pense que la demande vient de là" indique Éric Barthélémy.
Pour l'accord sur la baisse des salaires, auquel a direction renonce définitivement ce vendredi 15 décembre face au rejet de trois des cinq sites consultés, le DRH regrette "qu'une solution aussi simple n'ait pas pu être mise en place. On procèdera à des mesures plus classiques" annonce Éric Barthélémy, sans préciser lesquelles pour l'instant.