Le Plateau picard, dans le nord de l'Oise, connaît une situation de stress hydrique critique cette année 2023. Une vingtaine de communes risquent de connaître une pénurie d'eau potable. Des solutions d'urgence ont été trouvées, mais la problématique risque de se répéter dans les années à venir à cause du dérèglement climatique.
"En ce moment, la flotte, c'est un peu galère !", constate Pascal Delaforge. Comme tous les autres habitants de Maignelay-Montigny, dans le nord de l'Oise, il a été informé que la situation était devenue critique dans la commune. Avec des nappes phréatiques presque à sec, le puits qui alimente la commune ne peut plus pomper suffisamment d'eau, et les coupures d'eau au robinet sont récurrentes depuis plusieurs semaines.
Alors Pascal fait encore plus attention que d'habitude à sa consommation d'eau. Récupérateur d'eau de pluie installé dans le jardin, arrosage du potager avec l'eau de la douche, fermeture du robinet en se savonnant les mains : il fait tout ce qu'il peut pour économiser. Inquiet pour l'avenir, il lance : "Je ne sais pas comment ça va se terminer tout ça, la planète commence vraiment à craquer !"
"Les capacités actuelles des puits ne nous permettent pas de dormir sur nos deux oreilles"
Toute cette situation est un effet direct du dérèglement climatique. La pluviométrie trop basse de cet hiver n'a pas permis aux nappes phréatiques de se remplir correctement, et les pluies de cette fin juillet ne suffisent pas à compenser le manque. Même s'ils étaient bien au fait de la problématique, les élus locaux sont surpris de voir le risque de coupures arriver si tôt. "On pensait être confrontés à ce problème courant septembre, c'est arrivé un peu plus vite que prévu", concède Olivier de Beule, président de la communauté des communes du Plateau picard.
Heureusement, ils avaient prévu des travaux : le puits qui alimente la commune a été connecté, ce mardi 1er août, à un autre puits situé 300 m plus loin mais un peu plus rempli. Ainsi, en cas de manque d'eau dans le premier puits, de l'eau pourra être prélevée depuis le deuxième pour éviter les coupures. Cette solution à 25 000 euros permet seulement de répondre à l'urgence, mais n'a rien de pérenne. "Ça ne règlera pas l'intégralité des problèmes, prévient Olivier de Beule. Les capacités actuelles des puits ne nous permettent pas de dormir sur nos deux oreilles." D'autant que les deux puits s'alimentent dans la même nappe.
D'après le ministre de la Transition écologique, qui s'est exprimé sur France inter ce 1er août, plus de 100 communes françaises sont actuellment privées d'eau du robinet. Rien que sur le Plateau picard, on compte une vingtaine de communes concernées par ce stress hydrique, soit un bassin de population de 20 000 habitants.
À Maignelay-Montigny, l'ensemble des habitants est sensibilisé. "C'est devenu une préoccupation majeure, tout le monde en parle dans la commune, confirme le maire Denis Flour. Chacun fait des efforts. On leur a demandé d'être raisonnables, d'économiser au maximum l'eau, et ils l'ont fait. On a réussi à passer le week-end sans interruption et je les félicite. Mais il faut continuer, aujourd'hui, demain, et a minima jusqu'au mois de septembre."
Le partage de l'eau, une question fondamentale
Les quelques jours de pluie donnent un peu de répit aux puits, limitant les besoins d'irrigation dans ce secteur très agricole. "Dans des périodes de tensions où nous, élus, avons le devoir de fournir de l'eau à la population, on s'inquiète sur les prélèvements, notamment par le monde agricole, précise le président de l'intercommunalité. Le partage de l'eau est un sujet important sur le Plateau picard en ce moment. On ne peut pas dire qu'il y a eu une utilisation de l'eau déraisonnable, mais il nous faut distribuer de l'eau à tous les acteurs et il faut être vigilant."
Par temps sec et en cas de fortes chaleurs, il préconise donc une irrigation en fin de journée, quand les températures sont plus basses et que l'évaporation est moindre. Pour les particuliers, la communauté de communes propose des subventions pour aider les habitants à s'équiper en récupérateurs d'eau de pluie. Tout est question de collaboration et de diplomatie. "On a une économie agricole qui est forte, il est hors de question de les priver d'eau, rassure-t-il. Il va falloir qu'on discute davantage, qu'on se mette autour d'une table et qu'on se partage l'eau de façon un peu plus efficace." Un dialogue déjà en cours et qui devra se poursuivre sur le long terme, car la problématique risque de se répéter, voire de s'accentuer.
En attendant, comme plusieurs communes du secteur sont à risques, un plan de crise est prêt à être déclenché : des camions-citernes pourront remplir les puits en urgence, et des bouteilles d'eau seront distribuées à la population.