Témoignage. Atteinte d'un handicap neurologique après une chute à cheval, elle devient paratriathlète : "tous les 100 mètres réalisés, c’était une victoire"

Publié le Écrit par Anne-Sophie Roquette
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Positive, battante, voire combattante, Coline Grabinski a réussi à se reconstruire grâce au sport. Atteinte d'un handicap neurologique invisible à cause d'une chute à cheval il y a 10 ans, elle s'est reconvertie dans le paratriathlon. Si elle n'a pas pu se qualifier pour les Jeux paralympiques de Paris 2024, elle revient sur son parcours jonché de petites et grandes victoires.

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Nous avions rencontré Coline en mars dernier. Lors de notre entretien, nous avions évoqué les Jeux paralympiques de Paris 2024. Des heures et des heures d’entrainement, de courage, pour essayer de se qualifier. La sélection a été annoncée le 10 juillet dernier, Coline Grabinski ne fera pas partie de l’équipe de France de triathlon : "J’ai réalisé des courses à mon niveau en donnant tout ce que j’avais et pouvais. Ma pathologie n’a pas beaucoup évolué ces derniers mois, ne me permettant pas de réduire les 40 minutes de différence que j’ai avec mes concurrentes. Concrètement, elles finissent leurs courses quand je commence à peine mes 5km de course à pied, ce qui demande beaucoup de force mentale pour rester mobilisée. Cette grosse différence est liée à mon handicap car mon investissement à l’entraînement comme sur l’extra sportif, nutrition, soin, récupération est quasi irréprochable. C’est pourquoi je peux être triste, mais je n’ai pas de regrets car je sais que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir."

Coline a toujours été une compétitrice dans l’âme. Enfant, elle pratique l’équitation et plus particulièrement le saut d’obstacles. De 12 à 18 ans, elle participe aux compétitions de concours complet. À 25 ans, une chute sur une barrière lui brise les vertèbres, elle ne marchera plus jamais naturellement. 10 ans plus tard, elle se souvient parfaitement de ce moment-là : "Je me vois à terre, consciente, en train de rassurer les personnes autour de moi, tout va bien, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave. J’ai découvert depuis, que j’ai une forte capacité à gérer la douleur. " Lors de l’arrivée des pompiers, ils lui demandent si elle peut bouger les orteils, les jambes. C’est à cet instant qu'elle se rend compte que quelque chose ne va pas, que c’est bien plus grave que ce qu’elle imagine, car elle ne peut plus bouger ses membres inférieurs.

Emmenée aux urgences, avant de passer au bloc opératoire, elle pose deux questions au neurochirurgien qui va l’opérer : "Vais-je remarcher ? Vais-je pouvoir à nouveau faire du sport ?" Il a répondu oui. "Il a dit oui, mais sans préciser si j’allais savoir remarcher seule, si ce serait avec un déambulateur, des aides… Moi, je me suis accrochée à son oui, il m’a donné la chance d’y croire."

Atteinte d'une paralysie légère des membres inférieurs

Elle s’est fracturé deux vertèbres lombaires et sa moelle épinière a été fortement comprimée. Alors, tous les nerfs qui vont du bassin jusque dans ses jambes dysfonctionnent et les contractions des différents muscles se font de façon inégale, non automatiquement et difficilement.

Ses muscles ont, de ce fait, moins de force et ne se développeront jamais énormément même avec une grosse charge d’entraînement. Il faut savoir que dans cette situation, les facteurs extérieurs comme le stress, les changements de température, impactent également beaucoup sa force musculaire, elle est plus rapidement fatiguée quand elle produit un effort.

Direction Berck-sur-Mer et le centre Jacques Calvé. Elle y reste 10 mois (de novembre 2014 à août 2015). "J’ai vécu ma rééducation comme un sportif de haut niveau.10 mois intenses à fond et quand je suis sortie, je réussissais à marcher avec des releveurs de pied et des bâtons de marche et encore des douleurs." Elle était debout alors qu’elle avait 80% de chance de sortir en fauteuil.  

Il faut bien comprendre que la marche naturelle, c’est terminé pour Coline. Pour marcher, et à plus forte raison courir, cela nécessitera toute sa vie une concentration de tous les instants pour que son cerveau transmette l’information aux jambes, car Coline est atteinte de paraparésie qui est une forme atténuée de la paraplégie. "Parfois quand je cours avec des amis, ils me parlent, me posent une question, je suis incapable de leur répondre tant je suis concentrée sur l’enchaînement de mes foulées".

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Une para-triathlète qui rêve de Paris 2024 ©France Télévisions

>>> Voir ou revoir l'émission avec Coline Grabinski en cliquant sur l'image

Bien sûr, le retour à la maison n’est pas facile. Il faut reprendre sa place dans la vie. Elle se retrouve confrontée au regard des autres. "Ce qui me choquait le plus, c’est que mon handicap était si peu visible, que des inconnus se permettaient de me parler ouvertement de mes séquelles, ils me faisaient remarquer que je boitais sans prêter attention à ma difficulté à l’entendre après cette épreuve de la vie…"

Coline s’accroche, elle travaille dans l’Oise à Beauvais pour la Direction départementale des territoires de l’Oise (DDT Oise) où elle est adjointe au service de l’eau, de l’environnement et des forêts. Un métier qu’elle aime particulièrement même s’il est prenant : elle travaille environ 40 heures par semaine.

Une reconstruction grâce au paratriathlon

Le sport, elle s’y est remise très vite. Elle est même remontée à cheval, mais n’a pas repris la compétition, tout en ne s'interdisant pas d’en refaire plus tard.

Elle se met à la natation, sport qu’elle pratiquait un peu, mais qui est le plus facile avec son handicap. Elle le fait en club, avec des valides. Elle fait aussi un peu de vélo, car elle aime bien. Et courir ? "C’est une galère sans nom pour réussir à enchaîner les foulées, mais j’aime bien relever les défis, et à tous les 100 mètres réalisés, c’était une victoire".

Elle se met donc au paratriathlon en 2018. En 2019, elle remporte son premier titre de championne de France (catégorie PTS4 déficience modéré). "Pour moi, c’est le plus beau titre que j’ai remporté, quand je monte sur le podium, je suis la femme la plus heureuse du monde ! Personne n’a autant le sourire que moi à ce moment-là". Une victoire et une revanche pour Coline qui conserve le maillot tricolore trois années de suite.

20 heures d'entraînement par semaine

Elle s’entraîne sans relâche, 20 heures par semaine, avant et après le travail. Elle s’est bien sûr entourée pour y arriver. Son kinésithérapeute, Vincent Beaune, l’a suivie dès sa sortie du centre de rééducation. Il l’a tout de suite considérée comme une sportive et non comme une personne handicapée. Il l’a soutenue, lui a redonné confiance quand elle n’y croyait plus et elle sait qu’elle n’aurait jamais réussi à courir à nouveau sans lui. Et pourtant, il lui a avoué bien après : "Il m'a dit : Je n’y croyais pas, je t’ai accompagnée, mais je ne pensais pas que tu y arriverais", nous raconte-t-elle en éclatant de rire.

La personne qui l'inspire le plus ? "Mon coach de course à pied, Jean-Marc Gossart. Il est aussi préparateur physique dans le monde du rugby et fait de l’ultra-trail. Son rôle n’est pas facile, car il doit tout combiner avec moi. Prendre en compte mon travail, mon stress car j’ai de fortes responsabilités dans mon job, la fatigue qui s’accumule plus rapidement. Au début, c'était drôle, il ne voyait pas l’extraordinaire dans ce que je faisais."

Coline n’est pas une athlète comme les autres, vous l’aurez compris. Dans le cadre des séances d’entraînement, son coach ne peut pas établir un plan de travail sur plusieurs semaines, voire mois, trop de facteurs entrent en compte au quotidien.

Athlète de haut niveau internationale

Alors, elle se donne à fond, et se donne tous les moyens. Aujourd’hui licenciée au Triathlon Club de Liévin (62), elle est athlète de haut niveau grâce à ses performances en France, mais aussi lors de compétitions internationales où son palmarès s’enrichit en remportant des médailles dans la catégorie PTS3 (déficience importante).

J’espère à mon humble niveau, en ayant montré depuis 4 ans que l’on peut avoir de très lourdes séquelles mais totalement invisibles, essayer d’ouvrir la réflexion à une meilleure prise en compte des handicaps neurologiques invisibles.

Coline Grabinski

Cependant, elle n’en a pas le statut (le nombre de places est limité), d’où ses entraînements matin et soir, d’où la prise en charge financière personnelle pour participer aux compétitions. Elle n’a pas pu participer, faute de moyens, à la World Série de Montréal, dernière épreuve qualificative pour les Jeux paralympiques 2024. "J’ai perdu beaucoup de sponsors, de facilités d’entraînements ces dernières années et les soutiens ont été difficiles à trouver et peu nombreux malheureusement. J’ai pu compter sur le soutien inconditionnel de mon coach, Jean Marc Gossart - Athlète Performance - dans tous les moments difficiles et je lui en suis très reconnaissante. Car j’ai toujours pensé que le plus important restait de s’entraîner extrêmement dur et cela, il m’a toujours permis de le faire même lorsqu’il fallait décaler des séances avec mes contraintes professionnelles." Même si Coline a quelques partenaires qui la suivent et elle les en remercie, ce n’était pas suffisant pour participer aux épreuves qualifiantes.

 

"Les catégories qui permettent de classifier les athlètes en fonction de leurs handicaps sont revues après chaque olympiade. J’espère à mon humble niveau, en ayant montré depuis 4 ans que l’on peut avoir de très lourdes séquelles, mais totalement invisibles, essayer d’ouvrir la réflexion à une meilleure prise en compte des handicaps neurologiques invisibles."

Avec dix années de recul, cet accident de cheval a-t-il changé sa vie en positif ou pas ? "Quand tu sais que te lever du lit le matin, faire trois pas, c'est un miracle, que grâce à ton handicap, tu peux rebondir dans le sport, que tu vis des moments incroyables… Je savoure tout ce chemin parcouru, toutes ces petites victoires quotidiennes, ces petits progrès chaque jour, sincèrement, je ne regrette rien et à postériori oui, malgré des moments atroces, c’est une belle chose qui me soit arrivée dans la vie".

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