Un procès opposait l'État et la Ligue de protection des oiseaux à un agriculteur et une entreprise de BTP ce lundi 23 octobre au tribunal judiciaire de Senlis. Ces derniers sont accusés d'avoir détruit 20 hectares d'un site où étaient présentes 66 espèces protégées.
À la frontière entre l'Aisne et l'Oise, l'ancienne sucrerie de Vauciennes traitait plus de 170 000 tonnes de betteraves par saison dans les années 50. Elle ferme le 31 décembre 1999 et deux ans plus tard, l'intégralité des bâtiments sont rasés.
Mais le site dont les terres ont été vendues à un agriculteur fait encore parler de lui en octobre 2023 : il est en effet l'objet d'un procès pour destruction d'habitat d'espèces protégées qui s'est déroulé le 23 octobre au tribunal judiciaire de Senlis.
Sur le banc des accusés, le propriétaire du terrain et une entreprise de traitement de déchets de chantiers, la Samog, filiale du groupe Lhotelier. En face, la DREAL qui représente l'État et a porté plainte, ainsi que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui s'est constituée partie civile.
"On se bat tous les jours pour préserver les espèces et là on nous fout 20 hectares en l’air"
L'histoire commence en 2020 : "Nous avons eu connaissance de l’affaire par nos ornithologues, qui ont remarqué une dégradation du site à l’automne, après des travaux, se souvient Olivier Robert, délégué de LPO dans l'Oise. Nous avons pris contact avec l’OFB qui nous a informés qu’une enquête était en cours, en partenariat avec la section recherches de la gendarmerie de Senlis. Ils avaient été alertés par la DREAL, car il y avait eu des coupes sur certains terrains appartenant à l'État. Quand l'enquête a abouti, nous nous sommes constitués partie civile pour faire valoir notre préjudice moral, parce qu'on se bat tous les jours pour préserver les espèces et là, on nous fout 20 hectares en l’air !"
L’intensification de l’agriculture est à l'origine de la disparition des oiseaux en Europehttps://t.co/63Hzqjqa3M pic.twitter.com/IrVVDTmfJz
— Bertrand Bed'Hom (@bedhom) May 16, 2023
Les travaux en question, ce sont la coupe d'arbres et le terrassement d'une parcelle. Ils auraient entraîné la destruction de l'habitat de 66 espèces protégées. Si l'OFB a choisi de retenir ces 66 espèces en raison de leur fragilité, Olivier Robert ajoute "j’ai regardé dans l’historique papier, des dizaines d’autres espèces avaient été recensées par nos ornithologues."
"Un paysage lunaire, où il n’y a plus rien, avec un préjudice irréversible"
Le passionné d'oiseaux cite par exemple la présence sur le site du petit gravelot, un petit oiseau des zones humides dont la population aurait chuté de 58% au niveau national ces dix dernières années. Ou encore le pipit farlouse, un passereau dont 75% des individus ont disparu en 18 ans. La zone abîmée comportait en outre 3,5 hectares de zone humide, d'après la LPO.
"Ce procès n’a rien d’anecdotique, il est exemplaire parce qu’on a véritablement affaire à des intervenants qui ont tout fait pour éviter de respecter la loi, souligne l'avocat de la LPO de l'association Christian Bousserez. La loi exige de faire un inventaire, ça n’a pas été fait, ils ont essayé de court-circuiter la procédure. On est parti d’un paysage où il y avait 66 espèces protégées à un paysage lunaire, où il n’y a plus rien, avec un préjudice irréversible. À un moment où ces espèces sont en voie de déclin, certaines en voie de disparition, les conséquences sont graves."
Il faudra attendre jusqu'au 20 novembre pour connaître le verdict. Les accusés risquent jusqu'à 250 000€ d'amende et trois ans de prison. Leurs avocats ont refusé de s'exprimer.
Avec Anthony Halpern / FTV