Une décharge sauvage empoisonne la vie d'un village de l'Oise depuis 6 ans : "pour nos enfants, pour la planète, ce n'est pas possible"

Depuis six ans, une décharge sauvage s'est développée aux abords d'Orry-la-Ville, dans l’Oise, au grand désespoir des habitants de la ville. Dimanche 14 avril, élus et habitants organisaient une marche, comme chaque année, pour alerter les pouvoirs.

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Les déchets s’étendent sur un hectare, cachés dans un bois à l’écart de la commune d’Orry-la-Ville. Des pneus, des bidons, des épaves de véhicules, entassés en pleine campagne isarienne. Six ans d’accumulation et 6000 m3 de déchets.

Le ras-le-bol des habitants

Chaque année, les habitants se mobilisent pour dénoncer ce non-sens écologique. Dimanche 14 avril, pour la sixième édition, ils se sont réunis dans le centre-ville, pour entamer une marche de deux kilomètres jusqu’à la décharge. Parents, enfants, accompagnés du maire de la commune, ont brandi leurs banderoles et scandé leur mot d’ordre : "Nettoyage immédiat, non à la décharge sauvage". "Au quotidien, ça ne m’incommode pas. Mais je sais qu’elle est là et que ça pourrait aller plus loin si on laisse faire", s’agace cette habitante. Cet autre manifestant pointe le risque environnemental. "C’est insupportable de savoir qu’à côté de chez soi, on a une décharge à ciel ouvert depuis tant d’années. Pour nos enfants, pour la planète, ce n'est pas possible".

Une décharge sauvage et illégale

Les habitants, la mairie et l’association Roso, un regroupement indépendant d’organismes de sauvegarde de l’Oise ont pris les choses en main, dès la découverte de cette décharge. En 2019, une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Senlis. D’après le maire de la commune, les enquêteurs ont découvert une décharge régulièrement alimentée par une entreprise de Seine-Saint-Denis, TLM Pro.

Ils ont récupéré des déchets issus d’entreprises de la région parisienne et les ont entreposés là.

Nathanaël Rosenfeld, maire d'Orry-la-Ville

Le terrain appartient à un propriétaire privé qui possède ce terrain de loisir. Il le loue à une entreprise de Noisy-le-Sec qui avait annoncé qu’elle allait y entreposer des bennes et des camions. "Au lieu de ça, ils ont récupéré des déchets issus d’entreprises de la région parisienne et les ont entreposés là. C’est une entreprise peu scrupuleuse qui s’est engouffrée dans la brèche du "recyclage" des déchets. C’est une mafia avec des ramifications en Seine-Saint-Denis et en Ile-et-Vilaine", ajoute Nathanaël Rosenfeld.

Des déchets inertes et toxiques

En 2019, la préfecture de l’Oise a délivré un arrêté de mise en demeure, suivi d'un arrêté de suspension, afin de mettre un terme "à la poursuite de l'activité de la société en situation irrégulière". "Cet arrêté impose notamment à l'entreprise d'interdire le stockage de tout nouveau déchet sur le site, de procéder sans délai à leur enlèvement, et de les faire évacuer vers des filières de traitement dûment autorisées", précisait alors la préfecture. À la suite de cet arrêté, l’entreprise n’a pas satisfait à ses obligations. La préfecture de l’Oise a publié un second arrêté en 2021 pour fermer définitivement la société TLM Pro sur ce terrain, évacuer les déchets et réaménager le site.

Ici, il y a de tout. Les déchets sont mélangés. Des déchets inertes, mais aussi des produits toxiques qui s’épandent dans les nappes phréatiques et peut-être de l’amiante

Didier Malé, président de l'association Roso

Trois ans plus tard, la montagne de déchets culmine toujours dans le bois d’Orry-la-Ville et le maire et ses administrés dénoncent les lenteurs de la justice et l’inertie des pouvoirs publics. "La préfecture et l’Ademe ont fait des analyses sur site qui ont conclu qu’ils ne pouvaient rien faire, car le terrain est privé et les déchets présents sont, selon eux, des déchets inertes. Or, si on regarde bien, on voit des fibrociments, des bidons d’huile et d’essence et des pneus", insiste l’édile.

Accompagné par l’association Roso, il tente d’obtenir des aides de l’État pour procéder à l’évacuation des déchets. "Ici, il y a de tout. Les déchets sont mélangés : des déchets inertes comme de la brique ou de la terre, mais aussi des produits toxiques qui s’épandent dans les nappes phréatiques et peut-être de l’amiante. Le maire se bat tout seul, on lui donne un coup de main. On va réactiver le dossier pour que les fonds Ademe soient débloqués pour enlever ces déchets. Cela ne pourra pas être fait par l'entreprise parce qu'elle est insolvable", explique Didier Malé, président de l’Association Roso.

Des aides qui tardent à venir

Sans ces aides, la commune ne peut pas, à elle seule, prendre en charge l’évacuation de la décharge. Le maire a fait installer une porte pour faire cesser les dépôts, mais tout reste à faire. "C’est extrêmement coûteux de nettoyer ce terrain. Le tarif a été évalué à 1,5 million d’euros. Ce n’est pas supportable pour une commune de notre taille", affirme le maire qui envisage de racheter le terrain au propriétaire. "Si la commune acquiert le terrain, nous pourrons essayer de mobiliser les fonds", ajoute-t-il. L’association Roso a rendez-vous, mardi 16 avril, avec la Préfecture de l’Oise et la DREAL ( Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement) pour tenter de faire avancer ce dossier.

 Avec Christelle Juteau  / FTV

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