La France a annoncé le rapatriement de 51 personnes depuis les camps de prisonniers du Nord-Est de la Syrie, qui détiennent encore les femmes et enfants de djihadistes. Dans le Pas-de-Calais, une habitante retrouve enfin sa fille et ses petits-enfants.
Elles sont 16 mères, et surtout 35 enfants à avoir regagné le sol français, depuis les camps de détention pour djihadistes du Nord-Est de la Syrie. Jusqu'à présent, la France appliquait une politique au cas par cas, à rebours des autres pays européens et jugée "inhumaine" par les familles restées en France. Ce 5 juillet marque donc le premier rapatriement de groupe de femmes et d'enfants depuis la chute du califat autoproclamé par l'Etat Islamique, en 2019.
Les mères rapatriées, âgées de 22 à 39 ans, ont été remises aux autorités judiciaires, placées en garde-à-vue ou sous mandat d'arrêt. Douze d'entre elles sont arrivées accompagnées de leurs enfants, les autres ayant accepté le rapatriement préalable de leur famille. Les enfants, en effet, ont tous été confiés aux services d'aide à l'enfance, à l'exception de l'un des mineurs, également placé en garde-à-vue. Sept d'entre eux sont arrivés orphelins ou séparés de leurs parents et sont considérés comme des enfants isolés.
Dans le Pas-de-Calais, le combat d'une famille enfin terminé
Parmi les personnes rapatriées, on retrouve la famille d'une habitante du Pas-de-Calais. Sa fille, gravement malade, et ses petits-enfants étaient détenus depuis 3 ans et demi dans le Nord du Kurdistan syrien, au camp de Roj. Pour s'assurer de l'avenir le plus paisible possible pour ces enfants, alors que ces rapatriements sont au coeur des polémiques, cette habitante a désormais souhaité conserver son anonymat. Emmanuel Daoud, avocat de plusieurs familles ayant des proches dans les camps syriens, réagit à ces rapatriements. "C'est un immense soulagement, et une grande joie. Ce n'est pas le temps de la polémique, mais il était temps que l'on fasse preuve d'humanité au plus haut niveau de de l'Etat et qu'on respecte le droit international et les engagements de la France. Il ne faut pas non plus oublier ceux qui restent sur place, dans une situation tout aussi intolérable et qui doivent se demander aujourd'hui : et nous, est-ce qu'on nous a oubliés ?"
Les conditions de vie et de détention dans le camp de Roj sont particulièrement difficiles et dégradantes : "[Les enfants] grandissent entourés de barbelés, dans la boue ou la poussière, et dorment sous des tentes de fortune été comme hiver. [Ils] manquent de soins adaptés, ne bénéficient d’aucun soutien psychologique, et ne sont pas scolarisés. Selon les Nations unies, des centaines de personnes détenues à al-Hol et Roj – dont au moins la moitié sont des enfants – sont déjà mortes ces trois dernières années, notamment en raison du manque de soins médicaux, de l’insalubrité, d’accidents comme des incendies de tentes et de l’insécurité grandissante" écrit la Ligue des Droits de l'Homme le 23 mai 2022.
"L'urgence est désormais de rapatrier tous les enfants"
Le Collectif des familles unies, qui regroupe des proches de Français partis en Syrie, demandaient ces rapatriements depuis plusieurs années, et a salué l'annonce du retour de ces 51 personnes, sans perdre de vue la suite du combat. "Nous nous félicitons de cette opération menée en quelques heures, mais nous ne pouvons que regretter ce temps perdu qui a nécessairement contribué à ajouter de la souffrance à la souffrance et du traumatisme au traumatisme. Nous espérons surtout que ce rapatriement signe la fin de cette abjecte politique du "cas par cas" qui revient à trier des enfants, à séparer les fratries et à arracher des enfants à leurs mères abandonnées dans le camp."
Le collectif, qui affirme que 150 enfants et leurs mères restent prisonniers du camp de Roj, pose ce cruel constat : "Encore une fois, des enfants français restent dans le camp et regardent leurs petits copains, français cette fois, rentrer dans notre pays. L’urgence est désormais de rapatrier TOUS les enfants avec leurs mères." 126 femmes et enfants ont été rapatriés en France depuis 2016, venus des anciens bastions du califat islamique.
Fin avril, la défenseure des droits, Claire Hédon, avait également plaidé pour un rapatriement rapide de tous les enfants français détenus au Nord-Est de la Syrie. En février, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU condamnait déjà le refus de la France de rapatrier ces enfants, estimant que cette décision "violait leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants".