Calais : après la garde à vue d'une bénévole de l'Auberge des migrants, les associations dénoncent une escalade des violences

La bénévole de l'Auberge des migrants interpellée au cours d'un démantèlement de camp sera convoquée au tribunal au mois de mai. Cette arrestation pour "coups portés à un CRS", dont l'association récuse le fondement, révèle une montée des tensions à Calais.

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Depuis le début de la semaine, trois démantèlements de campement de migrants ont eu lieu. Le dernier en date : celui de Coquelles, près de Calais, où une centaine de personnes exilées a été expulsée et 80 tentes saisies par une équipe de 150 policiers et gendarmes.

Une bénévole placée en garde à vue

C'est justement au cours d'une de ces évacuations, mardi 4 janvier, qu'a été interpellée une bénévole de l'association de l'Auberge des migrants. Cette dernière, présente sur le camp pendant l'opération des forces de l'ordre, a été conduite en garde à vue.

La préfecture du Pas-de-Calais l'accuse d'avoir " refusé de quitter la zone de démantèlement" et d'avoir " tenté de porter des coups à un CRS affecté à cette mission". La militante associative est sortie du commissariat de police de Calais mercredi 5 janvier. Elle devra se présenter au tribunal au mois de mai prochain.

L'association dément la version du préfet

Le coordinateur de l'Auberge des migrants, Pierre Roques, récuse la version des faits présentée par la préfecture . Il délivre la sienne : "Un CRS a attrapé notre collègue par le col pour la mettre dehors, elle a eu le malheur de mettre les mains en avant pour se protéger, et ils l'ont arrêté. Elle a eu un réflexe de protection. Elle n'a pas réagi de manière violente."

Pierre Roques explique que la bénévole interpellée et son équipe " se trouvaient sur un des campements pour prévenir les gens de l'arrivée de la police afin qu'ils récupèrent leur matériel."

La récupération des tentes et du matériel par les migrants, voilà un des points de crispation principal. Depuis la venue du médiateur du gouvernement, Didier Leschi, au mois de novembre dernier, un protocole oblige à prévenir les migrants 24 heures avant chaque opération d'évacuation pour qu'ils puissent récupérer leurs affaires. Et pourtant, "30 tentes ont été saisies deux fois dans la semaine" s'offusque Pierre Roques. Le préfet de répondre : "un délai suffisant a été laissé aux migrants lors de cette opération, comme c'est le cas pour toutes les opérations".

Arrestation sur fond de tensions

Cette interpellation s'inscrit dans un contexte d'escalade des tensions entre les associations de terrain et les forces de l'ordre. " Les interventions sont de plus en plus musclées depuis quelques semaines, assure le coordinateur de l'Auberge des migrants. Avant ils menaient ces opérations avec quatre vans de la gendarmerie, aujourd'hui il y a une douzaine de vans de CRS."

Ces derniers jours plusieurs événements violents, pas forcément liés les uns aux autres, se sont déroulés lors d'opérations d'évacuation. Le 30 décembre, le démantèlement d'un camp de migrants a dégénéré et s'est terminé par l'échange de projectiles entre CRS et exilés.

Le dimanche 2 janvier, une nouvelle opération d'expulsion conduite dans la commune de Marck, a été dénoncée par des membres de Human Rights Observer, présents sur place. "Durant l'expulsion d'un lieu de vie, les exilés ont été coursés et gazés par les CRS, au moins 30 tentes et 5 bâches ont été saisies. Nos observateur.rice.s ont été violemment poussé.e.s", a déclaré, dans un tweet, le projet lié à l'Auberge des migrants.

Jean-Claude Lenoir, à la tête de l'association Salam, constate "un durcissement énorme" des opérations des forces de l'ordre. "Ce qui est très grave, c'est que la violence se banalise, ajoute-t-il. Et le risque, c'est que cela devienne une passerelle vers une ouverture à toujours plus de violence."

La politique "assumée" du démantèlement

De son côté, l’État défend sa doctrine de démantèlement systématique, qui n'a d'autre but que d'éviter l'émergence d'une nouvelle jungle. Présente lors de l'intervention du jeudi 6 janvier, à Coquelles, la sous-préfète de Calais, Véronique Depres-Boudier a tenu à rappeler la doctrine immuable du gouvernement : "La politique mise en œuvre à Calais est une politique assumée de non fixation des personnes sur des campements, sur des terrains qui sont la propriétés d'autrui."

Avant de poursuivre : "Si on les laisse s'installer, ces campements grossiront, ce qui conduira, comme à chaque fois, à des troubles à l'ordre public. Le risque de ces campements, c'est qu'ils finissent par laisser s'infiltrer tous les trafics, notamment les trafics de passeurs."

La préfet évoque "les risques" auxquels s'exposent les policiers

Concernant les accusations de "durcissement" des interventions des forces de l'ordre, la préfecture explique que le dispositif mis en place lors des opérations de démantèlements "est adapté en fonction de l'évaluation des risques".

Et d'ajouter : "le comportement des migrants lors de l'opération du 30 décembre, et le nombre de blessés dans les forces de l'ordre (2 sérieusement atteints et une cinquantaine blessés à des titres divers) montrent les risques auxquels les forces de l'ordre sont exposées."

Au mois de décembre 2021, Human Rights Obersver décompte 125 expulsions de lieux de vie informels, 199 tentes et bâches saisies et 8 arrestations.

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