Eric Zemmour, candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle, a fait le déplacement à Calais ce 19 janvier. La maire LR Natacha Bouchart aurait refusé de le recevoir et les droites locales rivalisent dans leur opposition. Les habitants, eux, sont divisés.
Eric Zemmour, candidat d'extrême-droite à la présidence de la République, était à Calais ce 19 janvier, pour s'exprimer sur le volet de la politique migratoire. Le choix de la date ne doit rien au hasard. Emmanuel Macron est en ce moment même au parlement européen pour exposer les priorités de la présidence française de l'Union, effective depuis le 1er janvier 2022. Parmi elles, le dossier migratoire et en particulier la question de la frontière franco-britannique.
Calais, estime Eric Zemmour, est "le symbole du traité de Schengen qui ne fonctionne pas, le symbole d'une immigration folle". Imputant de nombreux maux à l'Union Européenne et aux réfugiés présents sur le littoral, il a poursuivi : "Depuis plusieurs années, la physionomie de cette ville s'est transformée. Les barbelés, les murs, les grillages, la violence et la délinquance, la saleté, la misère..."
Le polémiste, plusieurs fois condamné et accusé notamment de "provocation à la haine raciale" est fraîchement accueilli sur place. "Je n'ai pas refusé de le recevoir, il ne me l'a pas demandé. Mais il est vrai que je lui aurais refusé, répond la maire LR de Calais, Natacha Bouchart. Il représente une idéologie que je ne partage pas. Ce sont les mêmes mots, la même méthode que Marine Le Pen et on l'a encore vu cet après-midi. Les propos tenus sont scandaleux. Quand on veut être président, on essaie de valoriser les communes plus que de les enfoncer..."
Calais, là où les droites se font la guerre
Le contexte est aussi particulièrement tendu entre les deux formations politiques, alors que l'ex-numéro 2 des Républicains, Guillaume Peltier, a fait défection pour le camp Zemmour le 9 janvier.
Le député du Pas-de-Calais et secrétaire général adjoint des Républicains, Pierre-Henri Dumont, a sans surprise sévèrement critiqué la visite d'Eric Zemmour. "Le candidat d’extrême-droite a préféré la stigmatisation de l’ensemble des habitants de Calais et du Calaisis, donnant une image faussée de notre territoire au reste de la France, le qualifiant de sale, pauvre et violent ; et appelant à ce que le reste de notre pays ne se transforme pas en Calais. Les habitants du Calaisis, courageux et solidaires, forts et ambitieux, n’ont pas vocation à être pointés du doigt par un candidat en chute libre dans les sondages, minimisant le rôle de l’État et de Philippe Pétain dans la déportation des enfants juifs" attaque vertement l'élu.
L'homme politique nationaliste, qui n'a pas encore les parrainages suffisants pour être officiellement candidat, vient aussi chercher un électorat sur les terres de Marine Le Pen. Le vote d'extrême-droite est en effet une constante significative dans le Nord. Au premier tour des élections présidentielles de 2017, le département avait voté à plus de 25% pour la candidate (ex-)FN. L'extrême-droite est populaire, mais transforme difficilement l'essai, un constat qui s'est vérifié aux municipales et répété lors des départementales 2021. Le RN avait alors terminé en tête du premier tour sur ce territoire, pour finalement ne pas emporter la victoire encore une fois.
De plus, si la candidate RN parvient encore jusqu'à présent à incarner un certain vote ouvrier, en faisant campagne auprès des classes populaires, ce n'est pas vraiment le cas d'Eric Zemmour. Très exposé sur certaines chaînes d'informations en continue comme CNews, il est en partie perçu comme appartenant à une certaine "élite" des cercles médiatiques.
Il a également été critiqué pour avoir estimé, au micro de France Info que "[les propriétaires d'un appartement à 1,3 million, ce n'est pas ce qu'on appelle des riches". Les élus calaisiens du Rassemblement National n'ont pas manqué d'attaquer sur ce point. Ils estiment, dans un communiqué, qu'Eric Zemmour "commet l’erreur de survoler la question sociale" et "oublie le peuple".
Enthousiasme ou mépris, les habitants divisés
Sur place, Eric Zemmour était attendu par quelques partisans. "C'est très bien qu'il vienne à Calais, il parle d'un sujet important, son sujet principal même. Tout ce qu'il dit, je suis 100% d'accord avec lui, vraiment du fond du cœur, y compris sur les handicapés. Je suis passionné par cet homme" s'émeut un calaisien venu approcher le candidat. Si quelques personnes étaient venus avec des pancartes, les opposants ont majoritairement préféré le traitement par le mépris.
"La question des migrations ne se résume pas à Calais, rappelle François Guénnoc, président de l'Auberge des migrants. Il y a la frontière franco-italienne, il y a Briançon, la question de l'accueil, des mineurs isolés... Nous sommes bien évidemment contre les idées que défend ce monsieur, concernant l'immigration et au-delà de ça. Nous, on n'a pas organisé de manifestation ou de protestation : on ne veut pas accorder d'importance à sa visite."
"A chaque élection présidentielle, on voit débarquer les candidats qui viennent faire le buzz. Ils ont l'impression qu'ils ont tout compris au phénomène mais les migrants de Calais veulent juste passer en Angleterre. Le choix de l'immigration en France est un sujet différent. L'espace de débat sur l'immigration est beaucoup trop important dans cette campagne : l'emploi la santé publique, nos jeunes, tout ça sont des vrais sujets" abonde Natacha Bouchart.
Eric Zemmour a déjà annoncé un nouveau déplacement à Lille le 5 février.