Trois ans après le démantèlement de la "jungle" de Calais, le nombre de migrants a été divisé par 20 selon les chiffres de la préfecture. Mais derrière les chiffres, des problèmes demeurent.
En octobre 2016, le "camp de la lande" appelé aussi la "jungle" est démantelé. Calais compte alors 8 000 migrants. Trois ans et quelques mois plus tard, les migrants sont moins nombreux et dispersés dans plusieurs petits campements. Environ 300 exilés selon la préfecture du Pas-de-Calais, un chiffre 20 fois moins important qu'en 2016.
"Plus de bidonvilles constitués dans la durée à Calais"
Pour la préfecture du Pas-de-Calais, cette diminution se constate sur le terrain : "les squats dans les bâtiments à Calais et dans le Calaisis ont disparu. Il n'y a plus de bidonvilles constitués dans la durée à Calais. Des opérations sont menées régulièrement pour mettre fin aux occupations illicites sur les terrains publics ou privés".
Ces opérations sont d'une régularité sans faille raconte un migrant. "Un jour sur deux, le matin, la police vient détruire le camp, ils cassent les tentes alors on emmène tout sur la route, nos vêtements, tout".
Un "harcèlement" des migrants pour l'association Salam
Pour Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam, ce rituel est "vraiment du harcèlement. Ça n'a rien d'une politique de l'immigration. C'est condamné par l'Europe, c'est condamné par l'Onu, c'est condamné en France par le Défenseur des droits de l'homme. C'est vraiment scandaleux et tragique en fait".
Le 19 décembre dernier, Jacques Toubon, le défenseur des droits dénonçait une "dégradation" de la situation sanitaire et sociale des migrants vivant sur des campements, notamment à Calais et à Grande-Synthe depuis trois ans, avec "des atteintes sans précédents aux droits fondamentaux".
Face à une politique de "non accueil", les migrants "se retrouvent dans un état de dénuement extrême, dépourvus de tout abri et ayant comme première préoccupation celle de subvenir à leurs besoins vitaux : boire, se nourrir, se laver".
Il déplore aussi des "stratégies de dissuasion et d'invisibilisation sur le territoire national menées par les pouvoirs publics".
500 à 600 forces de l'ordre mobilisées
500 à 600 forces de l'ordre sont mobilisées. Elles sont deux fois plus nombreuses que les migrants. A peine partis, les exilés se réinstallent, c'est un éternel recommencement.
Le sous-préfet de Calais, Michel Tournaire, se défend : "la feuille de route est simple : pas de reconstitution de bidonvilles ou de campements telle qu'on l'a connue à l'époque, où il y avait plusieurs milliers de personnes présentes sur la Lande de Calais. Rien n'est acquis".
La ville de Calais reste sous haute surveillance. Elle est ceinturée par endroits de barbelés et de grillages de plusieurs mètres de haut.
Moins de tentatives d'intrusion de l'Euro tunnel, du port et moins de barrages sur l'autoroute
En 2016, 14 128 tentatives d'intrusion du Tunnel sous la manche étaient recensées. Elles ont presque disparu en 2019 : depuis le début de l'année, seuls 14 essais ont été comptabilisés.
Du côté du port, les intrusions ont fortement diminué : 1 241 en 2016 pour 263 tentatives depuis le début de l'année 2019. Tandis que du côté de la rocade, seulement 6 barrages ont été notés depuis le début de l'année contre 862 en 2016.
Contraint par la justice, l'Etat assure une distribution quotidienne de nourriture. Via l'association La Vie active, de l'eau potable, des sanitaires et un service de douche sont mis à disposition.
Quel bilan à Grande-Synthe, qui fait aussi face à la question migratoire ?
En 2015-2016, pendant la crise des réfugiés, il y a eu jusqu'à 4 000 personnes dans la boue du camp du Baroch à Grande-Synthe. Ils ne sont plus que 600 aujourd'hui. Contrairement à Calais, l'Etat n'intervient pas ici.
"Il y a effectivement une politique à géométrie variable", critique Olivier Caremelle, directeur du cabinet de Damien Carême, maire EELV de Grande-Synthe. "S'il n'y a pas trop de problème, on laisse faire. Je pense que la politique du laisser-faire sur cette question-là, est dangereuse pour tout le monde. Il faut prendre en charge le public, ici et ailleurs".
Une crise de l'accueil plus qu'une crise migratoire
Grande-Synthe et Calais illustrent aussi une impasse européenne avec la règle de Dublin. Elle oblige les migrants à demander l'asile dans le premier pays où ils sont arrivés en Europe.
Antoneyo, un migrant, déplore cette règle qui est responsable, selon lui, du nombre de migrants à Calais et à Grande-Synthe : "Partout où je vais, on me dit 'Dublin, Dublin'. Je ne peux vivre nulle part. Tout le monde ici est à Calais à cause de Dublin. C'est comme une prison".
L'Italie et la Grèce, principaux pays d'entrée en Europe, refusent d'instruire les demandes d'asile chez elles. Sans doute, l'un des prochains dossiers à traiter pour les députés européens : revoir une règle devenue inapplicable.