Après deux réunions avec le médiateur envoyé par le gouvernement, les trois grévistes de la faim ont décidé de poursuivre leur action. Selon eux, aucune réponse à leur revendication majeure n’a été donnée : la suspension des démantèlements de campements de migrants pendant la trêve hivernale.
"Pour l’instant, la grève de la faim continue". Sur les marches de l’Eglise Saint-Pierre de Calais, le père Philippe Demeestère et les deux militants associatifs Anaïs Vogel et Ludovic Holbein font face à la presse, entourés de plusieurs représentants d’association d’aide aux migrants.
Ils viennent rendre compte des deux jours d’échanges qu’ils ont eu avec Didier Leschi, médiateur envoyé en urgence par le ministre de l’Intérieur après qu’une journaliste ait interpellé Emmanuel Macron sur leur combat entamé il y a désormais dix-neuf jours en faveur des exilés.
Suite aux 2 rencontres avec le médiateur envoyé par l'état, nos revendications restent une fois de plus sans réponses (Une nouvelle expulsion à lieu en ce moment sur Calais)
— faimauxfrontieres (@faimofrontieres) October 29, 2021
Nous continuons donc notre grève de la faim, aujourd'hui nous entamons le 19 ème jour pic.twitter.com/qhhklFLugt
Des propositions qui "ne répondent pas à l’urgence"
Didier Leschi a annoncé aux associations vouloir laisser un délai avant chaque évacuation de campement pour que les personnes "puissent récupérer leurs affaires si elles le souhaitent". Une proposition qui renvoie aux demandes répétées des associations de ne pas confisquer et jeter les effets personnels des exilés alors que les démantèlements de campements sont quasi-quotidiens.
Mais pour les grévistes, soutenus dans leur combat par les militants associatifs, ces "réponses techniques", bien que constructives, ne répondent pas à leur revendication centrale : arrêter le "harcèlement quotidien" des exilés sans quoi "aucune solution qui a été proposée ne peut être appliquée".
"Il y a 1 500 personnes qui dorment dehors (…). Il faut que ça s’arrête"
"Il n’apporte pas de réponses claires à nos revendications. Elles sont pourtant simples", résume Anaïs Vogel. La première, "non négociable", consiste à suspendre les expulsions quotidiennes et les démantèlements de campements des exilés pendant la trêve hivernale qui débute de 1er novembre. "Sans l’arrêt des expulsions, on ne peut pas entamer un dialogue. Il y a 1 500 personnes aujourd’hui qui dorment dehors, qui survivent dans des conditions inadmissibles et inhumaines. Il faut que ça s’arrête".
Aucune avancée n’a été enregistrée sur ce point, assurent-ils, car cette décision relève du ministère de l’Intérieur. D’où la poursuite de la grève de la faim.
"C’est maintenant"
"On ne demande pas au gouvernement de s’engager au-delà, précise le père Philippe. C’est pour une période qui serait comme une période expérimentale. Si arrêt des expulsions il y a durant la trêve hivernale, des choses peuvent se construire avec les exilés et les associations, qu’elles soient mandatées ou non par l’Etat".
"Vous avez quelqu’un qui est en train de se noyer, on ne va pas partir dans des blablablas en se disant : « il va falloir installer des bouées sur le quai etc. pour que le prochain ne se noie pas aussi vite ». Non, il s’agit d’y aller".
Avant de poursuivre avec une métaphore, rappelant que la réponse demandée est soit oui, soit non. "Pour une fois, tous les discours disparaissent. Vous avez quelqu’un qui est en train de se noyer, on ne va pas partir dans des blablablas en se disant : « il va falloir installer des bouées sur le quai etc. pour que le prochain ne se noie pas aussi vite ». Non, il s’agit d’y aller. C’est maintenant qui est important".
Un dialogue "positif et constructif" pour le médiateur
Didier Leschi, également directeur général de l’OFII, était arrivé hier à Calais pour rencontrer les grévistes de la faim. Au terme de deux heures d’échange, le médiateur envoyé par le gouvernement avait déclaré à la presse avoir eu un dialogue "positif et constructif" avec les trois grévistes.
Lui qui fut l’un des acteurs du démantèlement de la jungle il y a cinq ans a répété à plusieurs reprises qu’il était là pour entendre les revendications, admettant qu’il faut "indéniablement améliorer" certains points et qu’il est précisément à Calais pour cette raison. Améliorer certes, sans pour autant accepter toutes les demandes formulées.
À commencer par l’arrêt des évacuations, impossible selon lui car l’Etat craint un nouveau point de fixation à Calais et qu’une nouvelle jungle se crée. "Le point limite, c’est d’empêcher la reconstitution de quelque chose qui était indigne et qu’on a eu beaucoup de mal à démanteler, a-t-il déclaré à notre micro. Il y a une discussion technique à avoir pour faire comprendre qu’il y a des choses qu’on ne peut pas remettre en place parce qu’après on ne les maitrisera plus".
"Le point limite, c’est d’empêcher la reconstitution de quelque chose qui était indigne et qu’on a eu beaucoup de mal à démanteler".
Les grévistes poursuivent donc leur action et disent attendre urgemment des actes forts au plus haut sommet de l’Etat. "C’est l’occasion pour monsieur Macron de démontrer qu’il a une stature politique", a lancé le père Philippe. "On est tous humains, même les politiques", a conclu Anaïs Vogel.
Quant au médiateur Didier Leschi, il sera de nouveau à Calais mardi 2 novembre pour rencontrer des associations d’aide aux migrants.