Le ministère de la Culture a inscrit le chantier naval de Calais à l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Une vraie reconnaissance pour ce site qui existe depuis 2008 où travaillent cinq salariés investis.
Calais, spécialiste de la construction navale traditionnelle ? C'est ce que reconnait le ministère de la Culture en inscrivant son chantier naval à l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Une reconnaissance pour les savoir-faire des charpentiers de marine.
Quand Antoine Masset débarque pour la première fois sur le chantier naval de Calais en 2015, il est lycéen. "Je préparais un Brevet des métiers d'art - option ébénisterie, se souvient-il. Trouver un stage dans le domaine était difficile et la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes (FRCPM) a été le seul organisme à répondre favorablement à ma demande."
Sous le cri strident des mouettes et dans la poussière du bois, il fait la connaissance de Xavier Maintenay, charpentier de marine, arrivé tout droit de Cherbourg en 2002. Il ne le sait pas encore mais ce chantier naval est une aubaine pour Antoine, car l'ambition de la fédération est de préserver les savoir-faire traditionnels et renforcer la flottille régionale du patrimoine.
A l'extérieur du hangar, plusieurs bateaux sont en attente de restauration.
Le Samalia est son premier ouvrage, voilier de plaisance construit en 1935 dans le respect des bois d'origine, du pitchpin plus connu sous le nom de Pin d'oregon. Ce bois tendre originaire d'Amérique du Nord est devenu rare, victime de sa surexploitation au XIXème siècle.
Mais le site abritait précédemment un chantier datant de l'après-guerre. Et comme un cadeau : "sous plusieurs centimètres de poussière, nous avons découvert deux troncs de ce fameux bois que nous avons fait débiter en planche et que l'on garde pour les grandes occasions", confie Xavier. Le rêve pour un ébéniste !
La coque achevée, ce bateau larguera les amarres au printemps 2023.
"C'est le bois qui m'a amené à la marine"
Antoine Masset - Ébéniste
Le dernier bébé du chantier est né en 1934 à Ostende (Belgique). C'est un voilier dundee à la silhouette réputée séduisante par la finesse des formes de sa coque, répondant au doux nom de Lorette. Il est entré dans l'Histoire en mai 1940 en participant à l'évacuation des troupes alliées à Dunkerque pour la célèbre Opération Dynamo. Deux années seraient suffisantes pour le restaurer mais par faute de financement Antoine et Xavier y consacrent un jour par semaine.
L'héritage
La Fédération avance que l'histoire de la construction navale calaisienne remonte au moins jusqu'au Moyen-Age.
Ainsi, l'inscription au Patrimoine culturel immatériel du Ministère de la culture a permis la création d'une fiche d'inventaire intitulée "L'art de la charpenterie de marine dans le Nord de la France". Ces fiches sont rares, c'est la quatrième consacrée à la charpente navale.
Xavier Maintenay, quadragénaire est un des derniers qui a pu connaitre un maitre charpentier flamand aux méthodes de restauration différentes. Son leitmotiv "est de transmettre ce patrimoine" mais aussi de l'adapter à notre époque. "Aujourd'hui, on utilise des matériaux qui ne s'oxydent pas, s'il les avaient eus, ils n'auraient pas hésité à s'en servir." Il conclut : "C'est un héritage, il faut le faire vivre !" Ce savoir-faire se transmet surtout en regardant l'autre travailler.
Il a récemment accueilli un chantier d'insertion de douze mois et continue de recevoir des groupes de jeunes ainsi que des stagiaires en formation professionnelle.
Cette structure de cinq salariés rassemble une quarantaine d'associations et des musées soucieux de protéger et valoriser la culture de leur littoral.
La FRCPM s'articule autour de trois axes :
- Évènementiel : Fêtes de la mer, initiation au matelotage pour les scolaires et adultes, Journées du Patrimoine…
- Culturel : Expositions de l'histoire maritime, de l'histoire du sauvetage, des phares locaux, etc...
- Entretien & Restauration : Pour les bateaux qui font partie de l'association.
La quête de subvention reste permanente.
"Je ne regrette pas d'être ici depuis 7 ans"
Antoine Masset- Ébéniste
"J'aime beaucoup travailler le bois. Mais conserver en réparant, donner une seconde vie aux objets c'est ce que je préfère. Travailler sur de vieux gréements, ça change de l'ébénisterie mais au fond ça reste le travail du bois, un travail différent mais plaisant !"