Le film Barbie fait passer des messages féministes, mais est-ce-que Barbie est elle-même féministe ? La célèbre poupée a fait l’objet d’une seule étude de fond, menée il y a 25 ans, par la chercheuse Marie Maincent, autrice de "Barbie, poupée totem". Elle nous donne son expertise sur le film phénomène vu par plus de 5 millions de spectateurs en France.
Le film Barbie débute avec des petites filles qui jettent leurs poupées pour jouer avec des Barbie, lassées d'inventer des histoires où elles sont des mamans qui donnent le biberon à leurs poupons...
En 1998, Marie Maincent, originaire de Lens, se lance dans l'étude du succès commercial et culturel de Barbie. Elle en fera sa thèse de doctorat de civilisation américaine.
Barbie, féministe dès les années 1950 ?
Malgré sa répulsion pour cette poupée mannequin, elle va lui consacrer trois ans de sa vie. Elle conclut finalement que Barbie est féministe dans le sens où elle permet aux petites-filles de s'imaginer dans un autre costume que celui de mère parfaite. "Elle véhicule des valeurs féministes dans le sens où elle ne dépend pas d'un homme, elle ne se marie pas, elle ne lie pas son existence à la maternité et en plus, elle exerce des métiers très prestigieux avec son corollaire, elle a de l'argent et elle peut consommer."
Dans le film de Greta Gerwing, sorti au cours de l'été, Barbie vit carrément dans un système matriarcal, en opposition totale avec le système patriarcal dénoncé par les féministes dans notre société. Mais les producteurs du film, notamment la société Mattel créatrice de la poupée Barbie, ont-ils eu raison d'aller aussi loin alors que le féminisme modéré plaide en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes ?
Marie Maincent est catégorique sur ce point : "Je crois que Mattel lui a donné une conscience féministe un peu attardée, car elle ne peut pas se penser avec les hommes relégués au statut de membre de boys band ! On l'a bien vu dans le film avec cette espèce de matriarcat dans lequel Barbie vit. Ce n'est pas une valeur que je soutiens. Présenter le matriarcat contre le patriarcat même avec beaucoup d'auto-dérision, d'humour, n'a pas grand intérêt."
Manque de diversité des corps dans le film
Autre point qui poserait problème, c'est le manque d'inclusivité dans le film. Depuis quelques années, Mattel a fait des progrès dans ce domaine puisqu'il a mis en vente des Barbie rondes, des Barbie petites, des Barbie aux pieds plats, des Barbie handicapées, pour que les petites-filles puissent s'imaginer à l'âge adulte avec leurs différences.
Malgré cela, dans le film, aucune Barbie n'a de formes généreuses alors que les tailles les plus portées par les Françaises sont le 40 et 42.
Selon l'étude de Marie Maincent, les petites-filles feraient bien la différence entre le fantasme de cette poupée mannequin et leur corps à elles. "À l'époque, j'avais convoqué un ensemble de pédopsychiatres qui me disaient que la poupée Barbie était un outil qui s'appuie sur les fantasmes des petites-filles et qu'elles n'étaient pas dupes en général."
Hugo Saoudi, médecin psychiatre membre de la Fédération Française Anorexie Boulimie, ancien chef de clinique en psychiatrie des hôpitaux de Lille est un peu moins optimiste : "On ne va pas dire que c'est Barbie qui est la seule cause du déclenchement des troubles du comportement alimentaire, mais on peut imaginer que Barbie est un des éléments qui favorise cette internalisation de l'idéal de minceur entraînant un contrôle exacerbé de son poids."
Rappelons que le film Barbie, c'est finalement aussi un pur produit marketing Mattel, l'objectif étant de vendre le plus de poupées Barbie possible. Dans de telles conditions, Marie Maincent pense quand même que le scénario reste féministe. "Barbie s'habille dans la couleur rose, mais en même temps elle fait sauter quelques coutures. Je me suis réconciliée avec cette poupée, moi qui ne voulais pas en offrir à mes filles. J'ai offert des Barbie à ma troisième fille, même s'il y a quelques aspects que je ne cautionne toujours pas."
Pour en savoir plus et découvrir l'interview en entier de Marie Maincent, autrice de "Barbie, poupée-totem", retrouvez l'émission Hauts Féminin ci-dessus présentée par Marie Sicaud, accompagnée de la journaliste Christelle Juteau.