Depuis les inondations historiques dans le Pas-de-Calais en novembre 2023 et janvier 2024, le manque d'entretien des cours d'eau a souvent été mis en cause, notamment par les agriculteurs. Un rapport des ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture affirme le contraire. Et pointe plutôt l'intensité des précipitations.
Les images incroyables des inondations de l'hiver dernier à Arques, Blendecques ou dans la vallée de l'Aa sont encore dans toutes les têtes. Le traumatisme des habitants est toujours aussi bien présent. Depuis, les versions divergent sur les raisons de telles inondations.
Dans un rapport publié le 16 juillet, les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture assurent noir sur blanc que "le manque d’entretien des réseaux hydrauliques permettant l’évacuation des eaux vers la mer n’a pas été la cause des inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais", expliquant que le facteur déclenchant serait plutôt l'ampleur des précipitations qui ont "largement excédé les capacités des ouvrages de protection contre les crues".
Pourtant, la stratégie du gouvernement visait plutôt jusqu'alors à améliorer le curage des cours d'eau. Dès janvier en effet, des dérogations pour avaient été accordées en urgence par les préfets du Pas-de-Calais et du Nord.
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait annoncé préparer un changement de réglementation pour "faciliter le curage". Une demande de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) qui réclame un curage systématique des cours d'eau.
Les agriculteurs en colère
Le rapport identifie des mesures de "simplification" des contraintes régissant l'entretien des cours d'eau, et propose des solutions moins agressives et moins destructrices des écosystèmes que les curages, comme la création de nouvelles zones d’extension de crues ou l'aménagement de bassins de rétention. Loin de rechercher l'écoulement des crues, il serait selon eux préférable "d’augmenter la capacité d’infiltration de l'eau dans les sols et de contribuer à une meilleure rétention de l’eau dans les parcelles».
Un appel du pied au monde agricole qui a mis en colère Antoine Peenaert, agriculteur et représentant de la FDSEA dans le Calaisis. "Je prends la position du ministre Bechu qui a dit qu’entre les grenouilles et les êtres humains, il avait choisi de s’occuper des êtres humains. Nous, on réclame que les cours d’eau soient entretenus, ça fait 40 ans que ça n’a pas été entretenu. Il faut récurer pour évacuer l’eau plus vite à la mer. "Qu’on vienne écouter les gens de terrain !" poursuit-il.
Des sinistrés qui ne se sentent pas écoutés
Sur les rives de l'Aa à Blendecques, les sinistrés, eux, attendent que le curage entamé se poursuive : "c’est désespérant, on n’est pas du métier, on sait très bien que le lit de la rivière doit garder un certain niveau mais quand je vois ce qu’il y a dans le fond de la rivière en aval... Il y a des barrières, des branchages, les bassins de rétention ne sont pas nettoyés, ne sont pas recreusés, le limon qui s’est déposé pendant les inondations n’a pas été retiré. Tout ça c’est des pertes de centimètres, de mètres. Si les eaux remontent, ça ira encore plus vite à inonder" commente Geoffray Moreau , président du Collectif Blendecques : Aa plus jamais ça.
Sinistré lui même, il raconte combien les temps sont durs : "Psychologiquement, on est fort marqué. Le printemps a été pluvieux, on n'a pas cessé de regarder le niveau de la rivière". Il poursuit : "Quand on voit les nappes phréatiques encore à plus de 2 mètres, alors qu'elles devraient être à moitié moins à cette période de l’année... Si on n'a pas une grosse période de chaleur jusqu'en octobre et si il se remet à pleuvoir, alors on a beaucoup de craintes..."
Cette rivière neuve, on peut la comparer à une baignoire. Si dans une baignoire qui fait 50 cm de haut, on y met 20 centimètres de boue et de terre, ça fait 20 centimètres en moins d'eau. Donc, il faut curer.
Allan Turpin, maire de Andres (Pas-de-Calais)
À Andres, dans le Pas-de-Calais, le maire Allan Turpin montre la tranquille rivière Neuve : "à ce moment de l'année, on est entre 70 et 80 centimètres d'envasement. (...) Cette rivière neuve, on peut la comparer à une baignoire. Si dans une baignoire qui fait 50 cm de haut, on met 20 centimètres de boue et de terre, ça fait 20 centimètres en moins d'eau. Donc, il faut curer." Pour lui, la question ne se pose pas, un entretien est nécessaire : "si le fond de ce cours d'eau est plus haut, ça veut dire que les sorties, les exutoires, se retrouvent en dessous du niveau du cours d'eau, on va bien avoir un problème d'écoulement. Oui, il ya un curage à faire. Pas pour creuser plus mais pour retirer les limons qui viennent se déposer chaque année."
Les fortes précipitations en cause
Le rapport pointe comme facteur déclenchant des crues "l'ampleur des précipitations, avec des cumuls atteignant près de 800 mm sur les deux derniers mois de l'année 2023".
D'après les climatologues, en raison du réchauffement climatique, les précipitations extrêmes devraient augmenter en nombre et en intensité dans la région.
Le delta de l'Aa, qui forme un triangle entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer est une des zones les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique en France.