JO de Paris 2024. Derrière les statues des femmes honorées lors de la cérémonie d'ouverture, l'histoire secrète d'une PME située dans un village du Pas-de-Calais

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Lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, le tableau intitulé "sororité" s'est distingué des autres en faisant sortir de la Seine, dix statues dorées de femmes qui ont marqué l'histoire. Ces œuvres ont été réalisées chez CMDS Factory à Corbehem, un village du Pas-de-Calais situé entre Douai et Arras.

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Suivie par 24,4 millions de téléspectateurs, rien qu'en France, la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 est le programme le plus vu de l'histoire de la télévision française. Le monde entier a eu les yeux rivés sur Paris le temps d'une soirée.

L'occasion pour Thomas Jolly, directeur artistique de la cérémonie, de mettre en avant l'artisanat de nos régions. En témoignent les 10 sculptures dorées des femmes qui ont fait l'histoire de l'hexagone, mais aussi le piano enflammé de Sofiane Pamart, réalisés par une PME basée à Corbehem dans le Pas-de-Calais : CMDS Factory.

Un "travail de longue haleine"

Spécialisés dans la conception et la fabrication de décors scéniques pour les concerts et les parcs d'attractions, les employés de CMDS Factory ont eu le feu vert des Jeux au mois de décembre. Le fruit d'un "travail de longue haleine" estime l'un d'entre eux.

Un "cadeau de Noël" pour cette PME qui a déjà travaillé sur les décors de Disneyland, mais aussi sur les tournées d'Indochine, Polnareff ou Matt Pokora.

On était l'armée de Thomas Jolly

CMDS Factory

Dès lors, ils se sont affairés à la réalisation de ces dix statues monumentales : les socles mesurent 5 mètres de haut, les statues mesurent 4 mètres ! Le concept même des statues n'a pas été pensé par CMDS Factory, "mais on a donné notre avis sur la faisabilité technique. On était l'armée de Thomas Jolly" pour que prenne vie son envie de faire sortir de l'eau ces dix femmes, explique l'un des employés ayant travaillé sur le projet.

Une œuvre made in Pas-de-Calais

Pour qu'elles puissent effectivement sortir de la Seine, il a fallu créer tout un système de levage flottant. Dans son atelier de serrurerie-métallerie de 4 000 m2, CMDS Factory peut tout faire (ou presque) : découpe laser, soudures, menuiserie, décors, finition. Dans la réalisation des statues, la PME n'a dû externaliser qu'une seule étape du processus de fabrication, l'impression 3D chez un sous-traitant basé en région parisienne.

"On a géré la conception, la fabrication à distance, et nous avons fait l'installation sur site" raconte un des employés. De début juillet jusqu'à la cérémonie, deux équipes de 5 personnes tournaient en permanence pour monter les statues, mais aussi pour installer leur système de flottaison.

Chaque statue avait ses propres contraintes. Celle de Simone Veil a demandé une attention particulière, en raison du grand nombre de détail qu'elle contient. Simone De Beauvoir a quant à elle été représentée assise sur des livres, ce qui nécessite de prendre en compte la "contrainte des charges pour que la statue ne casse pas."

Mais cette entreprise du Pas-de-Calais, ne s'est pas seulement contentée de réaliser les statues. Elle a également été sollicitée pour fabriquer le piano enflammé de Sofiane Pamart, qui a accompagné Juliette Armanet dans l'émouvante reprise d'Imagine des Beatles sur la Seine. 

"C'était la petite cerise sur le gâteau" confesse un membre de CMDS Factory. Comme la PME avait déjà réalisé cette prouesse d'enflammer l'instrument du pianiste nordiste lors de son concert à Bercy il y a deux ans, les équipes de la cérémonie d'ouverture n'ont pas hésité à leur accorder, de nouveau, leur confiance. 

"On voulait montrer qu'une PME du Nord Pas-de-Calais pouvait faire ce boulot"

Le 26 juillet, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine, les équipes de CMDS Factory ont vécu l'événement de l'intérieur. Ils endossaient la lourde responsabilité de lever les statues pendant la soirée d'ouverture.

Plus d'une semaine après, la PME est fière du travail accompli. "On a rempli notre contrat. On voulait faire rayonner la région via les sous-traitants, on voulait montrer qu'une PME du Nord Pas-de-Calais pouvait faire ce boulot" se félicite l'un des employés. "C'est une vraie fierté d'avoir travaillé sur un événement mondial. On a eu les larmes aux yeux quand la première statue est sortie. On a pris conscience de l'importance de l'événement en étant sur place le jour J."

De Gouges, Halimi, Michel... Qui sont ces dix femmes qui sont sorties de la Seine ?

Dans cette cérémonie découpée en tableaux, c'est lors de celui intitulé "sororité" que le travail de CMDS Factory a été exposé aux yeux du monde entier. Au son de la Marseillaise, dix femmes qui ont fait l'histoire du pays sont sorties unes à unes de l'eau. On y a retrouvé : 

  • Olympe de Gouges (1748-1793) : Femme de lettres et personnalité politique. Elle participe notamment à la rédaction de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 et militera pour l'abolition de l'esclavage avant d'être guillotinée en 1793.
  • Alice Milliat (1884-1957) : Première dirigeante du sport féminin mondial. Elle organise en 1922 les premiers Jeux mondiaux féminins.
  • Gisèle Halimi (1927-2020) : Avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne, elle s'engagera dans la défense des droits des femmes, contre les crimes de guerre et le colonialisme. En plaidant la dépénalisation de l'avortement, elle remporte le procès de Bobigny en 1972 et participe à la légalisation de l'IVG qui aura lieu 3 ans plus tard avec la loi Veil.
  • Simone de Beauvoir (1908-1986) : Philosophe et écrivaine, elle est une grande figure de l'égalité homme/femme grâce. Elle publie en 1946, l'ouvrage féministe de référence Le Deuxième Sexe.
  • Paulette Nardal (1896-1985) : Ecrivaine, intellectuelle et journaliste, elle est une figure majeure de la cause des personnes noires en France et dans le monde. Elle a fondé en 1931 avec Léo Sajous, "La Revue du monde noir" qui s'intéresse à la place des personnes de couleur dans le monde et dans la société coloniale.
  • Jeanne Barret (1740-1807) : Elle est la première femme à avoir fait le tour du monde, lors de l'expédition de Bougainville de 1766 à 1769. Elle le fera, déguisée en homme, sous le nom de Jean Barret.
  • Louise Michel (1830-1905) : Institutrice, écrivaine, militante anarchiste et féministe, elle est l'une des figures majeures de la Commune de Paris. Déportée en Nouvelle Calédonie elle apprend le Kanak et devient enseignante auprès des autochtones. Elle prendra notamment leur défense lors de la révolte de 1878. Elle est une figure la lutte contre le colonialisme.
  • Christine de Pizan (1364-1431) : Philosophe et poétesse, elle est considérée comme la première femme de lettres de langue française. Elle écrit, notamment, La Cité des dames, où elle imagine un gouvernement féminin.
  • Alice Guy (1873-1968) : Réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma. Elle est la première femme réalisatrice de films de cinéma. En 1906, à 23 ans, elle sort La Fée aux choux, son premier film de fiction.
  • Simone Veil (1927-2017) : Femme politique et magistrate, elle est la première femme à présider le Parlement européen et a été plusieurs fois ministre. Elle a dédié sa vie à deux combats : la mémoire de la Shoah et la légalisation de l'IVG en 1974, dans une loi qui porte son nom.

En réalisant ces statues, "on sentait qu'on donnait quelque chose pour le peuple français, un tableau féministe" se félicite CMDS Factory, la PME du Pas-de-Calais.

On sentait qu'on donnait quelque chose pour le peuple français, un tableau féministe

CMDS Factory

Et l'entreprise ne s'est pas trompée, le long de la Seine, leur travail a été chaleureusement accueilli. Pour la dernière statue, celle de Simone Veil, "on a entendu les gens scander son nom pendant que la statue montait. On sentait que les gens étaient reconnaissants de l'avoir devant eux."

Où sont les statues depuis la cérémonie ?

Apparues l'espace de quelques minutes sur la Seine, ces statues ne sont pas restées sur le fleuve parisien, malgré l'engouement du public.

"Anne Hidalgo [maire de Paris], voudrait les faire pérenniser dans Paris", explique-t-on du côté de CMDS Factory. Mais en attendant, elles sont de retour dans leur atelier de Corbehem (Pas-de-Calais) pour les retirer de leur socle, "le temps que leur vie suivante s'écrive." 

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