Trois semaines et demi après le suicide de Lindsay, sa mère et son beau-père, accompagnés de leur avocat, ont été reçus par le ministre de l'Education nationale. Pap N'diaye n'a pas su, selon eux, trouver les mots.
"Rien de concret n'a été évoqué". L'avocat des parents de Lindsay sort avec "un goût amer" du rendez-vous au ministère de l'Education nationale, "ils ont déployé des alertes à tous les niveaux pendant des mois et ils se retrouvent aujourd'hui abandonnés par l'Etat français, c'est inadmissible", a ajouté Me Debuisson.
Pap Ndiaye assurait pourtant suivre "personnellement" le dossier du suicide de Lindsay, l'adolescente de 13 ans qui s'est donné la mort le 12 mai dernier à Vendin-le-Vieil. Mais après une heure environ d'entretien, la famille de la jeune fille sort déçue. "Je n'ai pas trouvé le ministre sincère, j'attendais que les choses bougent, j'attendais des actes, précise Betty, la mère de Lindsay.
Pire, selon l'avocat : "l'aveu que nous avons entendu tous les trois de la bouche du ministre, c'est que l'Etat français n'est pas aujourd'hui capable d'enrayer le cyberharcèlement (...) cet aveu d'impuissance est sidérant et inacceptable".
Réseaux sociaux
"Le vrai problème ce sont les réseaux sociaux", reconnaît Amandine Verwaerde, vice-présidente de la FCPE du Nord, "les téléphones sont omniprésents dans les établissements, c'est très difficile de tout contrôler, impossible même."
À Nieppe, avec d'autres parents d'élèves de la fédération, des rencontres ont été organisées pour sensibiliser tous les acteurs, "un café web a même eu lieu pour aider les parents sur les réseaux sociaux (...) mais ce qu'il faudrait ce sont de "vrais brouilleurs" dans les collèges.
Le ministre a rappelé, cet après-midi, la mise en place d'outils, comme le programme pHARe, dans les écoles et collèges. "Oui ces outils sont là, concèdent Amandine Verwaerde, mais encore faut-il que les chefs d'établissements aient les moyens de les mettre en place, ça dépend du bon vouloir de chacun".
Des trous dans la raquette
"Il faut mettre des choses concrètes en place, appelle Sabine Van Heghe, sénatrice MDC du Pas-de-Calais et rapporteur de la mission d'information sur le harcèlement scolaire. Dès qu'un signalement est lancé, le dispositif doit s'enclencher. "Il faut que chacun se retrousse les manches, cela ne doit plus arriver, il faut prévenir, détecter les cas de harcèlement et les traiter dans la foulée, et sérieusement ! Il y a des trous dans la raquette."
Comme les numéros d'urgence : "ils sont là mais ils ne sont pas toujours affichés comme le prévoit la loi, s'agace la sénatrice, ça n'est pas assez pris au sérieux, ces lenteurs administratives font que des enfants passent à l'acte".
Et le colonel de gendarmerie Laurent Gladieux de rappeler ces numéros :
- le 17 en cas d'urgence
- le 3020 pour signaler des cas de harcèlement
- le 3018 pour le cyberharcèlement
Des numéros gratuits et anonymes qui ne sont pas assez utilisés, reconnaît le colonel à l'initiative du dispositif Car'Ado dans le département du Nord :
Depuis 2019, cette "caravane des adolescents" sensibilise dans les collèges et lycées : "des jeunes qui parlent à d'autres jeunes", résume Laurent Gladieux. L'idée est de parler de ces phénomènes de harcèlement, "rappeler que les faits sont graves, que les peines peuvent être lourdes", de six mois à dix ans de prison.
Il y a de vraies détresses. J'ai en mémoire une jeune fille, dans le secteur de Caudry, que l'on a récupérée sur un pont. Elle attendait le passage d'un train pour se jeter sur les rails.
Colonel Laurent Gladieux
Les parents de Lindsay seront reçus à l'Elysée mercredi par Brigitte Macron : "nous savons qu'elle est sensible à la cause du harcèlement à l'école, précise l'avocat des parents de Lindsay, nous espérons que Mme Macron nous proposera des choses concrètes de la part du gouvernement pour venir en aide à tous ces enfants et toutes ces familles".