Pollution de l'air, risques de collision, de marée noire... Dans le détroit du Pas-de-Calais, les autorités doivent jongler avec de multiples facteurs de risques. Une surveillance de tous les instants est nécessaire.
Près de 400 bateaux de commerce le traversent chaque jour, des navires de plus en plus grands et de plus en plus polluants. Dans le détroit du Pas-de-Calais, la voie maritime la plus fréquentée au monde, certains bateaux transportent jusqu'à 20 000 conteneurs, un chiffre multiplié par 5 en trente ans. Leur trafic est source de pollutions multiples : hydrocarbures mais aussi pollution de l'air contre laquelle se battent certains Calaisiens. Le détroit n'a jamais connu de marée noire, mais la menace plane toujours car les collisions ne sont pas si rares.
Bien souvent, les dégâts ne sont que matériel, mais des conséquences dramatiques sont parfois évitées de justesse. Le naufrage du "Tricolor" au large de Dunkerque est toujours dans les mémoires. En décembre 2002, ce roulier norvégien qui transportait des voitures s'est échoué après une collision avec le "Kariba", un porte-conteneurs affrété par l'armateur français Delmas. Plus de 500 tonnes de gazole se sont échappées des cuves. L'épave a dû être sciée en cinq morceaux pour être ramenée à la côte, plusieurs mois après le naufrage.
Le drame a été évité plusieurs fois, les autorités tentent donc d'anticiper. Le dernier exercice en date s'est déroulé au large de la Normandie, juste à l'entrée du détroit. Dans le scenario imaginé, un pétrolier perdait une partie de son chargement après une collision. Un dispositif anti-marée noire était donc déployé lors d'un entraînement grandeur nature, car le risque est permanent.
"Une étude faite depuis plusieurs années nous a régulièrement démontré que grâce à la vigilance observée par les Cross, toute la chaîne d'action en mer, nous évitons en moyenne deux catastrophes par mois", explique le vide-amiral Philippe Dutrieux, préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord. Côté français et britannique, les plages qui entourent le détroit sont aussi belles que fragiles, en permanence sous la menace d'une marée noire.
Pour empêcher les pollutions, les agents du Cross Gris-Nez sont mobilisés 24 heures sur 24. "On surveille la voie montante. (Le détroit), c'est comme une autoroute, il y a deux voies de circulation. Ca a pour but d'éviter les abordages, les échouements de navires", indique Marc Bonnafous, directeur Cross Gris-Nez.
"De plus en plus d'odeurs de fumées"
Même si les accidents parviennent souvent à être évités, le niveau de pollution autour du détroit préoccupe certains habitants. Le trafic maritime a un impact réel sur la qualité de l'air, jusqu'en ville. "Les fenêtres, ici, je ne les ouvre que pour les laver", témoigne Catherine Dalenne qui vit juste en face du port de Calais. De sa cuisine, elle observe un ballet de ferrys un peu inquiétant.
"Quand ils rentrent, ils activent les cheminées, mais c'est surtout quand ils sortent. C'est là qu'on en prend plein, ça ne doit pas être très bon", craint-elle. Avec ses voisins, elle se mobilise contre la pollution émise par les bateaux. "On a constaté ces derniers temps qu'on a de plus en plus d'odeurs des fumées des ferries, à tel point qu'on ne peut plus rester dans le jardin. Il faut réintégrer la maison, fermer les portes", ajoute l'une de ses voisines, Gabrielle Le Sage.
Dans sa cuisine, Jean-Pierre Dournel constate, lui, des traces de "poussière noire, grasse". "Ce sont des particules de fumée de gazole et on se dit que nos poumons en prennent autant". Les effets de la circulation des bateaux sur la qualité de l'air restent difficilement quantifiables en l'absence de station de mesure en mer. A Calais, il a été établi que le trafic maritime est le deuxième émetteur de particules derrière l'industrie, mais devant le transport routier. Les bateaux sont responsables de 22% des émissions.
Au fil des années, les pollutions en pleine mer ont tout de même diminué, notamment grâce à une meilleure surveillance du détroit. L'Etat travaille actuellement à une stratégie globale pour savoir à quoi devra ressembler cette façade maritime d'ici à 2030, car une marée noire qui y interviendrait aurait à la fois des conséquences sur le trafic mondial, mais aussi sur toutes les activités sur la côte.