Durant tout l'été, chaque nuit, Picardie Nature organise, avec d’autres associations de protection de la biodiversité, une vaste opération de capture des Barbastelles d’Europe. Cela se passe au cœur de la vallée de l’Authie, dans un petit bois, en lisière des champs, suivez le guide.
D'un pas déterminé, une équipe s'avance. Elle vient de longer les champs de blé fouettés par un léger vent. Ils pénètrent une petite forêt de la vallée de l'Authie. La lumière faiblit doucement. La nuit ne va pas tarder. Sophie et ses collègues choisissent le meilleur endroit pour s'installer.
Enfin, ils commencent à monter des filets, verticalement. Une quinzaine en tout. Mais pas n'importe où. Là où passent régulièrement des chauves-souris, pour chasser quand il fait nuit noire. Elles ont leurs habitudes. Même si, pour le moment, elles dorment encore.
Tout en fixant les filets à des piquets, Antoine Pudepièce, précise : "Nous faisons une étude sur la Barbastelle d’Europe, on essaie de l’attraper. Ici, il y a une vingtaine d'espèces de chauve-souris, on a une chance sur 20". Antoine est chargé d’étude scientifique « Chiroptère » pour l'association Picardie Nature. Ça veut dire qu'il est spécialisé dans les chauves-souris - qui, rappelons-le, ne sont ni chauves, ni souris.
Et puis, même si elles ont de longues ailes, ce ne sont pas non plus des oiseaux ! La chauve-souris est un chiroptère, un mammifère aux mains ailées (NDLR : chiroptère vient du grec chiro qui signifie main et « ptère qui signifie aile).
Presque toutes les chauves-souris quittent leur gîte à la tombée de la nuit. C'est ce qu'a fait cette Barbastelle avec ses oreilles qui se touchent et son pelage noir. Prise dans les filets, cette cousine de la Pipistrelle a été récupérée par Sophie Declercq. Pas de chance, ce sont des femelles que cherche l'équipe : "comme c'est un mâle, on ne va pas l’équiper d’émetteur. Ce qu’on cherche ce sont des femelles qui allaitent un petit" explique la responsable faune protégée et bâtiments chez Picardie Nature.
À la recherche des nurseries
Cette opération de capture des Barbastelles est faite pour recenser les bébés chauves-souris. Les mères ont un petit par an et elles les élèvent, ensemble, dans des nurseries. Sophie cherche donc à équiper les femelles d'une petite balise qui tiendrait quelques jours sur leur dos. "Le faire sans émetteur, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. C’est une espèce qui vit dans les arbres. Il faudrait monter dans chaque arbre, de chaque boisement. La technologie nous permet ça", explique Sophie Declercq.
Le mâle est lui, marqué au feutre, pour être sûr de ne pas le capturer à nouveau dans les prochaines heures.
Des espèces protégées
Depuis 1976, toutes les espèces de chauve-souris, ainsi que leur habitat sont protégés. Mais les menaces qui planent sur leur écosystème fragilisent leur survie. Notamment la diminution du nombre d’insectes et la déforestation. Les chauves-souris s'orientent et chassent à l'aide de l'écholocalisation. Un système comparable au sonar qui leur permet d'évoluer dans l'obscurité la plus totale. Sans arbres, elles sont perdues.
Sophie explique la démarche : "Une fois qu’on aura identifié les arbres gîtes, on va faire une recherche des propriétaires des parcelles et les informer de ce patrimoine naturel présent. Ce qui est important c'est qu'on les protège, ensemble. Ce n’est pas qu’une affaire de chiroptérologue".
Dans le monde, on compte plus de 1400 espèces et d'autres restent à découvrir. Les chauves-souris représentent 20% des mammifères mondiaux. Elles jouent un rôle écologique essentiel et sont de véritables indicateurs de la bonne santé d’un écosystème. Trente-six espèces sont présentes en France.
Cette nuit-là, aucune femelle n'a été capturée. Ni donc équipée de balise. Pas de quoi décourager ces passionnés. Ils recommenceront toutes les nuits d'été. Pour faire avancer les connaissances sur la Barbastelle et ainsi mieux la protéger.