La Coordination rurale appelle à une nouvelle mobilisation à Paris ce 6 janvier 2025. Les tracteurs sont bloqués en région parisienne, mais les agriculteurs restent déterminés. Plus d'un an après le début de leur mobilisation, les exploitants estiment ne pas vivre dignement de leur travail. Echange avec le co-président de la Coordination rurale du Pas-de-Calais en route vers la capitale.
La journée s'annonce longue pour Olivier Sénéchal. Très longue. Agriculteur près d'Auxi-Le-Château et co-président de la Coordination rurale du Pas-de-Calais, il est en route vers Paris quand il nous répond. Entre 150 et 200 tracteurs sont bloqués aux abords de la capitale. "On a décidé de prendre les voitures pour aller dans le centre", nous précise-t-il. "Il y a cinq voitures du Pas-de-Calais". Pas de détails sur la destination exacte. "Les grandes oreilles nous écoutent", s'amusent-ils.
La seule plaisanterie qu'il s'autorise. Car l'exploitant veut surtout raconter sa détermination. "Je me suis levé à 3h30 pour faire le tour de mes poules, ramasser les œufs. La nuit, on travaille sur nos fermes. La journée, on se bat pour vivre de ce qu'on fait ".
"Je travaille pour 6 euros de l'heure"
Olivier Sénéchal a repris l'exploitation familiale en 2018. Elevage de poules bio et polyculture. En six ans, il a constaté beaucoup de changements : "Douze normes ont évolué et impactent ma rentabilité. Aujourd'hui, quand je fais le compte, je travaille pour 6 euros de l'heure ! Vous en connaissez beaucoup qui accepteraient ça !". A 39 ans, l'homme a perdu quelques illusions. Il espérait travailler pour lui, être plus libre. C'est tout le contraire qu'il décrit.
Comme tant d'autres agriculteurs, il a commencé le combat il y a un an. Malgré les promesses "sur un ballot de paille", rien n'a changé selon lui. "Gabriel Attal nous parlait d'une exception agri-culturelle, on n'en entend plus parler", regrette-t-il.
Pourtant, les revendications restent nombreuses... et parfois techniques. A commencer par la question de la surtransposition des normes entre la France et l'Union européenne. Certaines dispositions françaises vont en effet au‑delà de ce qui est prévu au niveau européen, d'où une concurrence déloyale entre la France et les autres pays européens. "On veut que ce soit supprimé sur le champ. Pas besoin de consulter l'Assemblée pour ça".
"Une juste répartition de la valeur"
Alors qu'il poursuit sa route vers la capitale, Olivier Sénéchal sent "la pression qui monte". Après un an d'attente sans mesure significative, il se dit "remonté à bloc". Pas question d'attendre un gouvernement stable ou le salon de l'agriculture. Il n'a plus le temps. C'est donc au Premier ministre qu'il entend s'adresser directement.
Son principal message portera sur la rémunération. "On ne demande pas des primes, on demande du revenu. On veut vendre nos produits au juste prix". Il détaille. "Moi, il faudrait que je vende 2 euros les 100 œufs pour m'en sortir, mais les contrats Egalim ne couvrent même pas les coûts de production. Il faut une juste répartition de la valeur".
La Coordination rurale réclame par ailleurs davantage de contrôles sur les importations. "Les contrôles imposés aux fermes doivent être réorientés. Seulement 5% des produits importés sont contrôlés". Le syndicat demande également plus de transparence du secteur agroalimentaire. "Il y a de la création de valeur sur les denrées agricoles par les industriels".
Olivier Sénéchal le reconnaît : son combat est éminemment politique. L'exploitant en appelle au soutien des Français. "Il n'y a pas que pour nous qu'on se bat. On veut proposer des produits de qualité". Ce soir, après Paris, il rentrera dans sa ferme près d'Auxi-Le-Château. "Il va falloir terminer le travail". Deux tours d'élevage par jour et, cela, c'est immuable.