Lauréat du Championnat international de la frite de 2024, le chef et professeur Laurent Fouache a ravi le palais des membres du jury avec sa glace à la frite. Une crème glacée étonnante aux saveurs du Nord, qui a demandé une cinquantaine d'heures de travail et de tests au cuisinier et à son équipe.
Zoé épluche des pommes de terre depuis déjà une dizaine de minutes. Et cette élève de terminale en bac pro cuisine est loin d'en avoir terminé. Une "corvée de patate" justifiée puisque ce mercredi 16 octobre, les élèves de Laurent Fouache, professeur de cuisine au lycée Henri Senez d'Hénin-Beaumont, concoctent une recette de pomme de terre un peu spéciale.
En entrant dans la cuisine, rien ne pourrait laisser présager la recette du jour. On pèle, on tranche, on coupe. Les pommes de terre passent dans la mandoline et sont taillées en pomme allumette, l'huile de cuisson est chauffée à 180°C... Et pourtant c'est bien une glace que les lycéens et futurs cuisiniers s'évertuent à préparer. Une glace oui, mais à la frite !
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Éviter le goût écœurant du gras
Ce mercredi, Laurent Fouache a décidé de recréer la crème glacée qui lui a valu le "prix de la frite créative" le 28 septembre dernier à Arras, lors du Championnat international de la frite. "On a tenté l'impossible, on a osé ce que personne n'avait osé. Le travail a fini par payer, c'est ce que je dis aux jeunes qui travaillent avec nous." Avec un total de 50 heures de tests et d'expérimentations, la glace à la frite figure parmi les recettes originales qui lui ont donné le plus de fil à retordre. L'enseignant savait qu'il n'aurait pas le droit à l'erreur avec cette recette qui pourrait en rebuter plus d'un.
"Il fallait trouver le bon dosage entre ce goût de gras qu'on aime quand on mange une frite et la base de crème d'une bonne glace ordinaire", fait savoir Laurent, en tranchant quelques patates.
Il fallait trouver le bon dosage entre ce goût de gras qu'on aime quand on mange une frite et la base de crème d'une bonne glace ordinaire.
Laurent Fouache, cuisinier
La glace salée n'est pas une innovation en elle-même, les sorbets tomate basilic, céleri ou encore goût fromage de chèvre existent d'ores et déjà. C'est réellement la "saveur frite" que Laurent Fouache peut être fier d'avoir imaginé.
C'est en préparant le Championnat international de la frite, que le chef venu d'Hénin-Beaumont a pensé sa recette. "Ça m'est venu avec mon fils qui et chef de cuisine à Bangkok et, là-bas, il n'y a pas de four, seulement une plaque et une friteuse. On ne partait pas sur un dessert, mais finalement en pensant à la friteuse, puis à la frite, on s'est donné le défi de l'intégrer à une glace." Même si l'idée d'une crème glacée saveur frite ne donne pas forcément envie et peut être écœurante, le chef a souhaité dérouler son idée jusqu'au bout, poussé par les paroles d'une chanson de Renaud, Les autotamponneuses. "J'voulais une glace à la viande, oui mais y en avait plus... Oui ça m'a pas mal inspiré", plaisante l'Héninois.
Ça m'est venu avec mon fils qui et chef de cuisine à Bangkok et, là bas, il n'y a pas de four, seulement une plaque et une friteuse.
Laurent Fouache
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Un OVNI culinaire
Sur le plan de travail, les longs morceaux de pommes de terre - coupées plus finement qu'une frite classique pour gagner du temps - s'amoncellent avant de passer dans l'huile bouillante, un mélange de graisse animale et végétale. Une frite classique ? Pas tellement diront les puristes et les véritables nordistes, amoureux de ce plat typique des Hauts-de-France. "La particularité de la recette c'est qu'il n'y a qu'une seule cuisson", révèle Laurent Fouache. "On ne fait qu'une précuisson pour ne pas avoir trop le goût de gras dans la glace."
Les pommes allumette sont sorties de la friteuse et mises à reposer pendant que le chef attaque la base de la crème glacée. Une base faite à partir d'œuf, de lait entier, de crème fraîche... La même qu'une traditionnelle glace à la vanille ? Encore une fois, pas vraiment. Mais le chef n'en livrera pas plus, "secret de fabrication" s'amuse-t-il. Sur le côté, Zoé a quant à elle entamé la confection des cornets, dans lesquels de la pomme de terre a également été intégrée.
On sent bien les frites, on sent bien les pommes-de-terre partout, mais on est bien en train de manger de la crème glacée. C'est ni salé, ni sucré... Il faut goûter vous-mêmes ! C'est indescriptible.
Zoé, élève en bac pro cuisine
Laurent mixe ensuite les frites et la crème pour créer un mélange relativement homogène, versé finalement dans sa sorbetière. Une glace classique, type sunday, mais aromatisée à la frite, en ressortira quelque temps plus tard, surmontée de churros de purée (de pomme de terre, évidemment) et fourrée au caramel praliné.
Zoé, fière du travail mené toute l'après-midi, peut enfin goûter le fruit de ses efforts. Verdict : "On sent bien les frites, on sent bien les pommes de terre partout, mais on est bien en train de manger de la crème glacée. C'est ni salé, ni sucré..." Elle marque une pause. "Il faut goûter vous-mêmes ! C'est indescriptible."
Pour l'instant, la glace n'est pas commercialisée et se déguste exclusivement au restaurant pédagogique du lycée Henri Senez. Même si Laurent espère pouvoir faire découvrir son produit lors de festival ou, qui sait, dans de grands restaurants.