En période de pandémie, devons-nous aller chercher la culture ou est-ce à elle de venir à nous ? Tandis que de plus en plus d'élus souhaitent la réouverture des musées de façon organisée et expérimentale, Jean-Jacques Thomas, maire d'Hirson tente de mixer vaccination et exposition.
"C’est une galerie pour les piqués de la culture" plaisante Jean-Jacques Thomas, maire d’Hirson dans l’Aisne. Lundi 1er, mars, le centre de vaccination de la ville ouvrira avec en surprise des tableaux.
L’élu refuse de voir la culture confinée plus longtemps. Et puisque les citoyens ne peuvent pas y accéder, il a trouvé une solution : c’est la culture qui vient à eux.
Et dans un contexte de pandémie, le centre de vaccination de la ville semble être le lieu idéal, car c’est l’occasion de profiter d’une des vertus de l’art, celui d’améliorer le moral. "Si les gens voient uniquement les seringues, les bouteilles à oxygène, la prise de tension, ça peut être stressant, explique Jean-Jacques Thomas. Si on a des tableaux, je me dis que ça peut être un peu original et plus agréable."
Le maire en est persuadé, la campagne de vaccination va durer longtemps. "On fera tourner les œuvres", prévient-il alors.
En plus des tableaux, pourquoi ne pas également faire jouer des musiciens ? "J’y réfléchis sérieusement" répond celui qui occupe aussi la chaise de président de l'Orchestre de Picardie. Les personnes qui viendront se faire vacciner pourront déjà profiter des compositions enregistrées de Camille Pépin, révélation de l’année aux Victoires de la musique et originaire d’Amiens. Le maire a préparé le CD.
Jean-Jacques Thomas en est bien conscient, la culture manque. Mais malheureusement, les lieux accueillant du public devant rester fermés, seuls les patients auront accès à cette galerie particulière. "Nous avons un couple qui s'était déplacé pour visiter l'exposition, mais nous avons dû leur refuser l'entrée", raconte-t-il.
Aujoud'hui, l'élu a le cerveau qui bouillonne : "Il faut qu'on fasse des répétitions. Qu'elles tournent dans les communes, puisqu'on n'a plus de spectacles. Il faut maintenant qu'on investisse dans des unités de production pour diffuser les pièces de théâtre. Faire une sorte d'Intervilles de l'art", énumère Jean-Jacques Thomas au téléphone. "Le virus circule, il faut que l'art aussi", en espérant que le premier s'arrête, pour permettre au deuxième de le faire.
Dans l'Oise et dans la Somme, un appel pour le retour de la culture
Mais pourra-t-on revoir une peinture, un film ou tout autre forme d’art dans le lieu prévu à cet effet d’ici peu ? À l'arrêt complet depuis le 30 octobre et après une année 2020 très instable, l’avenir des musées, cinémas ou théâtres reste incertain. Au début du mois de février, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot a rappelé que la réouverture des musées serait conditionnée à la "dynamique de contamination" et à la "pression hospitalière". Quant aux spectacles vivants... La réponse est floue.
Depuis le début de l’année, des élus picards appellent à un retour à la culture. En début de semaine, la maire d’Amiens avait signé une tribune, parue dans le Figaro, afin de relancer la culture sur le territoire. Mais suite aux annonces du Premier ministre, Jean Castex, ce jeudi 25 février, les départements de l'Oise et de la Somme ont été placés en surveillance renforcée. Une réouverture dans les prochains jours serait "incongrue" pour l’élue amiénoise en Somme.
J’ai signé ✅ avec 15 maires de France une lettre à l’attention du gouvernement. « La culture est en danger, rouvrons les théâtres, musées et les cinémas !» https://t.co/wVnz8Rw6Kn
— Brigitte Fouré (@BrigitteFoure) February 24, 2021
"Pas dans mon département, mais pour autant, dans d'autres, peut-être, commente-t-elle. Dans la Somme, on espère que l'on va sortir assez vite du cadre rouge. À ce moment-là, ça pourra être envisagé localement". Mais Brigitte Fouré précise, qu’il faut déjà réfléchir à la réouverture pour le printemps, "et ne pas faire tout d’un coup".
Mener des actions expérimentales
Dans les grandes villes disposant d'infrastructures importantes, à Amiens, comme à Beauvais, les maires espèrent que ces métropoles pourront faire office de laboratoire pour le retour de la culture.
Nous souhaitons impulser et déployer des actions expérimentales sur nos territoires [...], encadrées par des protocoles sanitaires. [...] Cette phase de résilience nous semble nécessaire pour renouer le lien entre les productions artistiques et le public, et obtenir sa confiance.
À quoi ressemblerait alors l’art sous covid ? Le 15 février, Lucy Hofbauer, responsable du Quadrilatère, centre culturel de 2000 m² à Beauvais, apportait à France 3 Picardie certains éléments de réponses. "Le gouvernement nous invite à accueillir une centaine de personnes. Nous, nous allons même baisser à 50." Elle poursuit :
Nous aurons un sens de visite unique. Évidemment, le port du masque est obligatoire. Tout ça pour que chacun se sente à l’aise pour profiter de cet espace.
En plus des mesures de distanciation, la maire de Beauvais propose que le public s'inscrive à l'avance par Internet et que des tests antigéniques soient pratiqués avant chaque représentation pour permettre un suivi du virus. "Au bout de 15 jours, nous pouvons relancer les visiteurs, explique Caroline Cayeux, et voir s'il y a eu un cluster, si certains sont tombés malades". Un scénario de toute façon peu probable selon la maire qui, se basant sur une étude de l’institut Pasteur, estime "qu’il y a peu de contagion dans les lieux de spectacles".