Un ancien juge de Béthune (Pas-de-Calais), Pierre Pichoff, accusé d'avoir monnayé des décisions complaisantes en 2010 et relaxé en première instance, a été condamné vendredi par la cour d'appel de Paris à la privation de ses droits civiques et civils.
"Les faits reprochés sont graves et impliquent un magistrat, à la dérive et déjà sanctionné disciplinairement", affirme la cour d'appel dans son arrêt, infirmant en totalité le jugement rendu en septembre 2016 par le tribunal correctionnel de Paris.
"Il a transgressé les frontières habituelles entre le juge et les justiciables avec l'aide d'un ami qui a su tirer profit de ses faiblesses tout en se donnant
un rôle important auprès de justiciables sensibles aux possibilités ainsi offertes", indiquent les juges.
L'ancien magistrat a été condamné pour trafic d'influence à cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille, portant sur le droit de vote, le droit d'exercer une fonction juridictionnelle et le droit de témoigner. En revanche, alors qu'il avait été condamné à 4 000 euros d'amende avec sursis
pour avoir falsifié un relevé de compte pour obtenir un crédit, la cour d'appel l'a relaxé sur ce point.
"Un magistrat ayant perdu tout repère déontologique"
Sept autres prévenus ayant notamment sollicité des interventions en leur faveur ou la clémence du juge ont également été condamnés pour trafic d'influence et à la privation de leurs droits civiques et civils pour une durée de deux à cinq ans, selon les cas.
Devant la cour d'appel, l'accusation avait fustigé, "au sein de cette région du Nord, terre de solidarité et d'humanisme, un magistrat déjà sanctionné disciplinairement, ayant perdu, selon ses propres déclarations, tout repère déontologique, sous l'effet d'addictions diverses, dont l'alcool, et qui avait des problèmes financiers consécutifs à un divorce".
Lorsqu'il était vice-président du TGI de Troyes de 1990 à 1997, le magistrat avait été sanctionné et rétrogradé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour avoir notamment bénéficié de prêts de voitures de la part d'un garagiste. Il avait ensuite été nommé à Béthune. A l'audience, l'avocate générale avait souligné qu'il n'était "pas nécessaire que le pacte de trafic d'influence soit réellement suivi d'effet": "Il suffit de le donner à croire et de le croire", avait-elle affirmé, demandant "l'infirmation du jugement" de première instance.