En novembre 1999, Dominique et Francis étaient les premiers Français à signer un pacte civil de solidarité (Pacs) au tribunal d’instance de Lille. Vingt ans après, le couple qui a longtemps vécu en baie de Somme revient sur le long combat qu’il a mené pour l’égalité des droits.
"Plus qu’un acte militant, ce Pacs a été une libération pour nous". Le 18 novembre 1999, trois jours après la promulgation de la loi instituant le pacte civil de solidarité, Dominique Adamski et son conjoint Francis Dekens se précipitent au tribunal d’instance de Lille. "Après 19 ans de vie commune, nous avions besoin d’être reconnus en tant que couple", précise Dominique, aujourd’hui âgé de 64 ans.
Après une simple signature, les deux hommes originaires du Nord deviennent ainsi les premiers Français à signer un Pacs, avec la bénédiction de leurs proches. "Cela nous a rendus plus forts car nous avions la loi avec nous, se souvient Dominique. Nous voulions aussi faire passer un message aux jeunes et leur montrer que les homosexuels n’avaient pas à avoir honte".
Un long combat vers l’égalité
Cet acte militant est le premier d’une longue série pour le couple. En 2006, Dominique et Francis décident de s’installer à Mouscron, une petite ville belge située à la frontière avec le Nord. Grâce à ce saut de puce de l’autre côté de la frontière, Dominique et Francis se marient chez nos voisins flamands où l’union des couples de même sexe est légalisée depuis 2003. Mais à l’époque, leur mariage n’est pas reconnu en France.En 2010, trois ans avant l’adoption du mariage pour tous, une équipe de France 3 Picardie rencontre le couple dans sa nouvelle maison à Cayeux-sur-Mer, en baie de Somme. Leur militantisme pour l’ouverture du mariage aux homosexuels est toujours aussi vif à l'époque : "On demande les mêmes droits que tous les couples, déclarait Dominique devant la caméra. Nous accorder des droits, ce n’est pas priver les autres couples de droit. C’est juste être traité sur un même pied d’égalité, c’est une question de justice".
Leur souhait est finalement exaucé le 23 avril 2013 lorsque l’Assemblée adopte la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples du même sexe. À ce moment-là, de nombreux médias français retrouvent la trace de Dominique et Francis, le fameux couple qui a signé le premier pacs 14 ans plus tôt. "C'est avec une grande joie et une satisfaction immense que nous avons sabré le champagne hier soir avec des amis hétéros", avait déclaré Dominique à l’Agence France Presse au lendemain de la promulgation de la loi. "Nous n'avons jamais été aussi fiers d'être Français" a-t-il ajouté, précisant que "les phrases de la ministre (de la Justice), Mme Taubira, à l'adresse des jeunes homos pour leur dire qu'ils font partie de la République, les avaient particulièrement 'émus'."
J’ai vécu à une époque où on criait ‘les pédés au bûcher’ dans les manifestations.
Après 40 ans de vie de couple, Dominique mesure le chemin parcouru, lui qui a rencontré son âme sœur en faisant du stop à Tourcoing dans les années 80. "J’ai vécu à une époque où on criait ‘les pédés au bûcher’ dans les manifestations, se souvient le retraité. Quand on était homosexuel, on ne disait rien. Ma mère, qui ne s’est pourtant jamais opposée à mon orientation sexuelle, disait à ses amies que j’avais une petite copine. Heureusement, il y a eu une sacrée évolution en 40 ans. Aujourd'hui, la différence a laissé place à l'indifférence : que vous soyez hétéro ou homo, la plupart des gens s'en fiche".
Il y a quelques mois, le couple a vendu sa maison de Cayeux-sur-Mer et coule désormais de jours heureux sous le soleil d’Agde, dans l’Hérault. Sans oublier de suivre bien sûr l’évolution des droits LGBT comme ils l’ont fait toute leur vie. Pour Dominique, la dernière victoire date du 15 octobre dernier avec l’adoption en première lecture à l’Assemblée d’un texte qui ouvre la PMA à toutes les femmes. "Quand je me suis pacsé en 1999, je savais que cette réforme aurait un impact déterminant sur l’évolution des droits LGBT et finirait un jour par mener à l’ouverture du mariage et de la PMA aux homosexuels".
Deux décennies après la mise en place du Pacs, l’histoire lui a visiblement donné raison.
Retour sur la création du Pacs
La loi instituant le pacte civil de solidarité a été promulguée le 15 novembre 1999. Bien avant le "mariage pour tous", cette union civile a permis aux couples de même sexe d’établir un contrat dans le but d’organiser leur vie commune. Droits et devoirs, avantages avec le logement ou encore les impôts : cette réforme pose un cadre précis et une reconnaissance juridique des couples homosexuels.Dès sa création, le Pacs connaît un fort succès auprès des Français même hétérosexuels, car il est vu comme une alternative plus souple au mariage. Selon l’Insee, 20 000 pacs étaient enregistrés chaque année au cours des premières années d’existence du pacs (dont ¼ par les couples de même sexe). En 2017, 193 950 pacs ont été enregistrés soit 4 pacs prononcés pour 5 mariages. 95 % de ces pactes civils de solidarité ont été signés entre des couples de sexes différents.