En attendant la réouverture du musée prévue pour 2026, un grand inventaire est effectué sur l'ensemble des objets du Musée Boucher-de-Perthes. Et notamment sur l'impressionnante collection des oiseaux, un travail minutieux pour réussir à classifier les différents spécimens qui datent d'un autre siècle.
Les 80 000 objets et oeuvres d'art en tout genre du Musée Boucher-de-Perthes à Abbeville sont en sommeil. Ils sont alignés sur de larges étagères, de grandes bâches au-dessus d'eux, pour les protéger de la poussière et de la lumière.
Un cabinet de curiosités endormi, qui attend sa réouverture prochaine prévue en 2026 après de grands travaux d'extension et de réhabilitation. Un laps de temps opportun qui donne l'occasion au musée de classer et de répertorier ses objets. Une collection en particulier est au coeur des attentions, celle des oiseaux naturalisés.
Un inventaire des 2600 spécimens
Le musée compte dans ses murs plus de 2600 spécimens de volatiles, qui ont plus de 200 ans. Cette collection a été léguée par un aristocrate abbevillois au milieu du 19e siècles. À l'époque elle appartenait au comte Jean-Jules Duchesne-Delamotte et était considérée comme l'une des plus importante et des plus belle de France.
"On ne sait pas grand-chose sur lui, on sait qu'il pratiquait la chasse pour collecter par ce biais des animaux du coin. Il achetait à beaucoup de vendeurs et il échangeait aussi avec d'autres naturalistes ses spécimens ", raconte Patrick Absalon, responsable du musée Boucher-de-Perthes.
Au 19e siècles les sciences naturelles passionnent. Et les espèces commencent à être classifiées. Un inventaire à certes bien été effectué par le passé, mais il est très ancien et non daté. Une nécessité donc pour le musée, de dépoussiérer ce dernier et de l'actualiser...
Un travail minutieux
C'est l'ornithologue et biologiste Christophe Gouraud qui se charge de mettre un nom sur chacun des oiseaux. Il doit pour cela observer chaque spécimen sous tous les angles, mais aussi le mesurer et enfin le comparer. Une identification qui peut lui prendre quelques minutes, mais qui peut aussi durer plusieurs heures...
Il faut pour cela les manipuler avec précaution et vérifier son identité. Un petit spécimen rouge et noir dans la main, il détaille : "Ici j'ai un oiseau qui a son bec noir et jaune, sur le livre, on voit une petite pointe rouge sur le bec et les ressources sur internet confirment aussi cela. Ce qui veut dire que cette partie devait être rouge, sauf que la couleur disparaît une fois qu'il meurt".
Une fois identifié l'ornithologue glisse une petite étiquette autour du cou du volatile et le photographie pour la base de données. Ce travail a aussi permis de redécouvrir des espèces aujourd'hui éteintes comme le Nestor de Norfolk.
Cet oiseaux peuplait autrefois une petite île du Pacifique au large de la Nouvelle-Zélande. Le musée d'Abbeville serait aujourd'hui le seul en France à en posséder un. "Je comprends que voir tous ces oiseaux morts questionne dans ce contexte de perte de biodiversité. Il faut se replonger dans le contexte historique, c'était la seule façon d'identifier les animaux ", explique-t-il.
Une vingtaine d'espèces non-identifiées
En tout, Christophe Gouraud aura passé 9 mois à inventorier les 2450 oiseaux de la collection Duchesne-Delamotte. Quasiment tous sont désormais scientifiquement répertoriés, sauf une petite vingtaine de spécimens...
Plusieurs raisons expliquent cela, "des individus qui ont perdu leurs couleurs et qui sont ternes et donc difficilement reconnaissables. Pour cela, je n'ai pas non plus d'étiquettes et d'informations sur l'espèce", raconte-t-il.
Un autre est en mauvais état de conservation, il a la patte cassée, la queue incomplète et l'extrémité du bec abîmé, mais pas question pour autant de le jeter ! " Je n'ai pas dit mon dernier mot, j'ai encore quinze jours pour trouver. Ça fait partie du jeu aussi, peut-être qu'un jour, on arrivera à l'identifier."
Ce n'est pas le seul mystère que le musée et l'ornitologue devront résoudre, la collection compte aujourd'hui près de 2500 oiseaux alors que le comte Duchesne-Delamotte en avait amassé 5200... A ce jour, personne ne sait où est passée l'autre moitié des spécimens.