À Amiens et à Lille, les occupations de lieux culturels continuent : "la réouverture n'est pas une raison de s'arrêter"

Après plus de 2 mois d'occupation du cirque Jules Verne à Amiens et du théâtre Sébastopol à Lille, la mobilisation des intermittents du spectacle et travailleurs précaires ne s'essoufle pas. Ils n'ont pas prévu de quitter les lieux malgré la réouverture des salles de spectacle, prévue le 19 mai. 

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"La mobilisation se poursuivra jusqu'au retrait de l'assurance chômage et la mise en place de mesures d'urgence pour tous les travailleurs précaires", prévient Sibylle Luperce, commédienne, chanteuse, et membre de la Coordination des Intermittent.e.s et Précaires Picardie-Somme. Depuis plus de deux mois, le collectif occupe le cirque Jules Verne pour lutter contre la précarité dans laquelle sont plongés de nombreux intermittents et autres travailleurs depuis le début de la crise sanitaire.

Une occupation "pas incompatible avec la réouverture"

Les différents collectifs à travers la France estiment que la poursuite de l'occupation "n'est pas incompatible avec la réouverture des salles", prévue le 19 mai. La représentation des étudiants de la deuxième année de l'école de cirque aura par exemple bien lieu le 21 mai. 

"Nous sommes une vingtaine en permanence dans le cirque, et en tout il y a une cinquantaine de personnes qui participent ou ont participé à l'occupation, assure Sibylle Luperce. Certains commencent à reprendre un peu le travail. Et si pour l'instant, on continue comme ça, la mobilisation prendra peut-être d'autres formes, l'occupation ne sera peut-être plus 24h/24, mais en tout cas, la mobilisation ne s'essoufle pas."

À Lille, où les militants occupent le théâtre Sébastopol depuis deux mois également, le discours est le même. Réouverture ou non, il faut continuer la mobilisation. "Je pense que le gouvernement a choisi la tactique du pourrissement, ils laissent faire et attendent que le mouvement s'arrête de lui-même, estime Stéphane Vonthron, du collectif Interluttants 59/62. C'est une difficulté mais ça à nous de trouver les moyens de faire perdurer la mobilisation et de nous faire entendre.." Le premier spectacle prévu au théâtre Sébastopol doit avoir lieu le 2 juin : il reste encore du temps au collectif pour décider de la suite des événements.

Comme un peu partout en France, cela se décidera au fil des assemblées générales locales et nationales qui se tiennent régulièrement.

"On n'a rien gagné pour le moment"

Si la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a annoncé la prolongation des droits au chômage pendant quatre mois pour les intermittents, les militants du cirque sont loin d'être satisfaits. "C'est une bonne nouvelle, certes, mais nous, on avait demandé une année blanche, une année entière de prolongation des droits à compter de la reprise de l'activité. Et pas seulement pour les intermittents, mais pour tous les travailleurs précaires, ceux qui travaillent en discontinu et qui ont été très durement touchés par la crise saniaire", rappelle la comédienne picarde Sibylle Luperce. 

Comme elle, Stéphane Vonthron insiste sur le fait que les revendications dépassent largement le cadre du statut d'intermittent. "Chez nous, on a des précaires, des gilets jaunes, des chômeurs, des étudiants... Il ne faut pas croire que la revendication principale était la réouverture des lieux culturels. C'était plus une note finale à la liste des revendications. Donc la réouverture n'est pas une raison de s'arrêter. On n'a rien gagné pour le moment."

En tête de cette liste de revendications, on trouve le retrait de la réforme de l'assurance chômage que le gouvernement souhaite faire appliquer dés le 1er juillet. 

Même modifiée, la réforme de l'assurance chômage modifiée ne passe pas

Cette réforme, l'exécutif la prépare depuis près de deux ans. Mais Emmanuel Macron l'a depuis bien plus longtemps en tête, puisqu'il en parlait déjà en 2014, alors qu'il était fraîchement nommé ministre de l'Economie. Objectif : réaliser des économies en modifiant le mode de calcul et en durcissant les règles d'accès aux indemnistations. Une idée qui a tout de suite provoqué un tollé, mais qui a été un temps balayée par la crise sanitaire : le gouvernement a repoussé sa mise en place à plusieurs reprises. Sans l'abandonner pour autant : en mars dernier, une nouvelle version du texte a été présentée "pour adapter la réforme de 2019 au nouveau contexte économique et social", d'après les termes du ministère du Travail.

L'annonce a provoqué un tollé dans le monde des intermittents et des travailleurs en activité discontinue, c'est-à-dire qui enchaîne les contrats courts comme dans les secteurs de la restauration, de l'audiovisuel ou encore les saisonniers. Et pour cause, l'Unédic a partagé ses projections. La réforme pourrait permettre de réaliser plus de 2 milliards d'euros d'économie. Mais c'est le revers de la médaille qui fait grincer des dents les syndicats : 41% des allocataires, soit 1,15 million de personnes, se verraient verser des allocations plus faibles qu'avec les anciennes règles.

Une nouvelle correction apportée au mois de mai n'a pas apaisé les tensions. "Nous n'avons pas encore reçu le texte, mais ils le corrigent parce qu'ils se sont rendus compte que les femmes en congé maternité et les personnes en arrêt maladie long ou en activité partielle allaient être durement pénalisés. Mais les conditions d'accès restent trop dures quoi qu'il arrive, et le mode de calcul trop désavantageux", déplore Sibylle Luperce.

Plusieurs syndicats ont annoncé qu'ils déposeraient un recours devant le conseil d'Etat pour obtenir le retrait de cette réforme. En attendant, dans les théâtres et autres lieux culturels, l'occupation continue. Une mobilisation est prévue le 22 mai, date anniversaire de la création de la Sécurité sociale il y a 75 ans. L'appel est lancé par la coordination nationale des lieux occupés, et la Coordination des Intermittent.e.s et Précaires Picardie-Somme a l'intention d'y répondre, en manifestant devant le cirque à 14h. 

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