Arrêté anti-mendicité à Amiens, les associations saisissent la justice : "on demande un référé avec suspension immédiate"

Le 25 avril dernier, la maire d'Amiens, Brigitte Fouré, a signé un arrêté anti-mendicité dans le centre-ville. Il entre en vigueur à partir de ce mercredi 1er mai jusqu'au 31 août. Les associations réagissent et ont déposé un recours en justice.

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Ce qui n'était qu'un projet est désormais acté. La maire d'Amiens (UDI), Brigitte Fouré a signé un arrêté anti-mendicité le 25 avril 2024. Annoncé fin mars, ce dispositif expérimental prend effet dès le 1er mai jusqu'au 31 août dans plusieurs rues du centre-ville entre 8 heures et 20 heures.

Dans la foulée, les associations qui œuvrent auprès des plus démunis, ont déposé un recours en référé. Elles seront appelées à l'audience le 13 mai à 14h. "On a tous été surpris de la date, avoue Michelle Leroux, présidente de la LDH Somme, mais on tombe sur deux longs weekends et c'est le tribunal qui fixe les audiences. C'est une procédure en référé avec suspension immédiate, c'est ce qu'on va demander."

"Nous avons décidé dès l'annonce que nous ne laisserions pas passer cette atteinte au droit et à la dignité, poursuit Michelle Leroux, donc nous avons déposé un recours et surtout, nous l'avons déposé conjointement solidairement avec deux autres associations amiénoises qui sont les Maraudes citoyennes amiénoises et Solidaires-amiénois (SolAm) qui assurent bénévolement la distribution de repas, de la nourriture, des légumes."

"Cet arrêté est inhumain"

Vent debout, les associations qui œuvrent auprès des plus démunis s'étaient déjà mobilisées au début du mois d'avril. Près de 150 manifestants s'étaient rassemblés devant l'hôtel de ville pour dénoncer cette mesure. "Cet arrêté est inhumain, réagit Amina Selmi, secrétaire bénévole Maraudes Citoyennes Amiens, c'est vraiment le qualificatif qui me vient le plus en tête. Je ne vois pas comment on peut vouloir cacher la misère à ce point et apporter si peu de solutions à ça. On attend vraiment que l'arrêté soit annulé et je sais qu'on va continuer nos maraudes toutes les semaines. Rien que la semaine dernière, il y avait plusieurs personnes à la rue qui nous demandaient si cet arrêté voulait dire qu'il n'y aurait plus de maraudes et donc plus ce petit moment agréable dans la semaine pour manger un repas, pour venir récupérer des vêtements ou des produits d'hygiène. Ils ont vraiment peur de ne plus avoir ces moments-là aussi. On va essayer de les rassurer au maximum."

L'association Réseau éducation sans frontières (RESF) n'est pas rassurée non plus. Le site d'hébergement hivernal de la Croix rompue vient de fermer. Si elle soutient la LDH dans sa démarche, elle pare au plus pressé : "on trouve que c'est lamentable, mais on est complètement pris par l'urgence, s'exclame Didier Cottrelle, membre de RESF 80, parce que le site d'hébergement hivernal de la Croix rompue vient de fermer. Au moins 11 dames avec 26 enfants risquent de se retrouver à la rue ce soir et cette nuit. Ce qui est inquiétant, c'est qu'habituellement quand on appelle le 115 en début de journée à 9h, il dit de rappeler plus tard dans la journée, alors que là, on leur a carrément dit qu'il n'y aura pas de solution pour elles aujourd'hui. Alors effectivement, l'arrêté anti-mendicité, c'est lamentable. Il y a vraiment des gens qui ont du temps à perdre avec des trucs qui, confrontés à la réalité, n'ont pas de sens." 

"La mendicité n'est pas un problème en soi"

De son côté, la maire d'Amiens se refuse à tout commentaire, mais assume sa décision. Elle estime dans son arrêté "que la mendicité dans les rues de l'hypercentre d'Amiens, aux abords des commerces (...) constitue une occupation abusive du domaine public de nature à causer des troubles à l'ordre public en générant des attroupements avec parfois de l'alcoolisation."

"La mendicité n'est pas un problème en soi, se défend Gaël Mordac, président de la fédération des commerçants d'Amiens, c'est le comportement dans cette mendicité qu'on a, en particulier sur la zone piétonne. L'agressivité existe. Elle est ressentie par les commerçants et par les clients. Donc ce qu'on souhaite, c'est enrayé ça. Après, est-ce que c'est la solution ? Sinon, il faudra en trouver une autre, mais on ne peut pas accepter le comportement actuel de certains."

Parallèlement, une pétition en ligne a été lancée par l'association des Maraudes Citoyennes amiénoises qui réunit à ce jour plus de 4 600 signataires. Elle réclame "la suppression définitive de l'arrêté anti-mendicité sur Amiens".

Des arrêtés retoqués par la justice ailleurs en France

La Ligue des droits de l'Homme garde espoir, comptant sur les jurisprudences. "Certaines villes ont essayé de lancer ces arrêtés. Ils ont tous été cassés par les tribunaux administratifs et en Europe, puisqu'il y a d'autres cas, ils ont été cassés par la Cour européenne des droits de l'Homme parce qu'encore une fois, ils constituent des atteintes aux droits des personnes. Nous ferons tout pour que ce soit le cas à Amiens."

Effectivement, "de tels arrêtés ont été considérés comme illégaux par le Conseil d'État. Ce fut le cas à Tours en 2017, à Bayonne en 2020, à Saint-Etienne en 2021 ou encore à Angoulême en 2023", rapporte Libération.

Pour autant, les arrêts sont bien légaux depuis 1995, seulement sous certaines conditions : ils peuvent être pris pour une période donnée en détaillant les lieux précis qui seront affectés par la décision, ce qui est le cas à Amiens, qui a précisé les noms des rues concernées.

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