"Crève la justice, crève la taule, crève l'Etat", ces inscriptions ont été retrouvées près de véhicules incendiés dans la nuit de mardi à mercredi à Amiens. Des voitures de l’administration pénitentiaire et deux fourgons cellulaires.
"C’est la Justice qui est visée". Pour le procureur de la République d’Amiens, Alexandre de Bosschère, l’attaque perpétrée contre les services pénitentiaires "est à prendre très au sérieux". Une attaque en plein couvre-feu, juste en face de la maison d’arrêt d’Amiens.Dans la nuit de mardi à mercredi, vers 3h20, vraisemblablement plusieurs individus s’introduisent sur le parking du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), trois voitures sont d’abord incendiées. Puis le feu est mis à deux fourgons cellulaires, des véhicules qui servent au transfert des détenus. Le bâtiment est ensuite pris pour cible, une fenêtre est cassée, un départ de feu sera mis en évidence, fort heureusement, il ne s’est pas propagé à tout le bâtiment. A ce moment-là, une alarme se serait déclenchée, provoquant la fuite du ou des auteurs, et l’arrivée sur place du gardien qui ne pourra que constater les dégâts.
Les individus ont tenté de mettre le feu au bâtiment avec un bidon d'essence sans y parvenir. Le @SNPFO_PS déplore cet acte intolérable et espère que les auteurs seront rapidement retrouvés. pic.twitter.com/kNoMlPHKmH
— SNPFO (@SNPFO_PS) April 1, 2020
Les inscriptions posent question. Ils signent cet acte malveillant. Deux éléments interrogent les professionnels du monde judiciaire : aucune faute d’orthographe, et puis un « Ⓐ », première lettre et symbole de l’anarchie. Un élément que la sûreté régionale, en charge des investigations, prend sérieusement en considération, selon nos informations. Faut-il y voir la main d’une mouvance d’ultra-gauche, ou d’un sigle apposé pour brouiller les pistes ? "Rien n’est à exclure, c’est prématuré à ce stade, pour le procureur d’Amiens, mais nous allons bien sûr explorer toutes les voies".
"C’est déplorable"
L’étonnement et la sidération, voilà les sentiments du personnel du SPIP amiénois. "Je ne pense pas que nous soyons visés en particulier, c’est le ministère de la Justice qui est pris pour cible", décrypte Emmanuel Willekens, "cela pose tout de même la question de la sécurisation d’un lieu sensible"."C’est la première fois que je vois ça, c'est déplorable", se désole Jooris Ledoux, le secrétaire régional de l’UFAP, syndicat pénitentiaire. Cet événement se produit dans un contexte explosif pour les femmes et les hommes du milieu de la détention. "Avec le confinement, les visites au parloir sont suspendues, les détenus sont sur les dents. Et puis, il faut le dire : l’absence de produits illicites commence à se faire sentir, nous avons des détenus en manque et difficiles à gérer".
Depuis l’apparition du Covid-19 en France, le milieu pénitentiaire est sur le qui-vive. Des débuts d’émeutes ont eu lieu dans plusieurs prisons françaises, comme à Maubeuge ou Longuenesse, dans le Nord Pas-de-Calais.
Un service en première ligne
Bien sûr, il y a les fourgons cellulaires incendiés. Mais ce qui interroge, c’est le fait de s’en prendre au SPIP, un service chargé notamment de la réinsertion et du suivi des détenus sortis de prison. "C’est inquiétant, estime Alexandre de Bosschère, c’est l’un des services qui est le plus mis à contribution en ce moment."Car la ministre de la Justice, Nicole Belloubet l’a annoncé il y a deux semaines, elle vise une libération anticipée pour 5 000 détenus, avec le confinement. Charge donc aux agents du SPIP de suivre ces personnes qui vont regagner leurs domiciles.
Présentation des 25 premières ordonnances prises en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 https://t.co/DWU12wPlcL via @gouvernementfr
— Nicole Belloubet (@NBelloubet) March 26, 2020