Des familles et des membres du Réseau d’Éducation Sans Frontières (RESF) se sont rassemblés devant l’école Beauvillé, à Amiens, ce jeudi 7 septembre. Le but est de dénoncer les conditions de vie des familles exilées et de leurs enfants, vivant actuellement sans hébergement.
"Si on est rassemblé, en particulier à l’école Beauvillé, c’est parce que dans cette école, il y a sept enfants qui dorment dehors ou dans des cages d’escalier, ou dans les parcs… où ils peuvent, tous les jours", explique Didier Cottrelle, militant de RESF. Cette situation n’est pas exclusive à cette école. Au total, à Amiens, 40 familles et plus de 80 enfants, d’après l’association Réseau Éducation Sans Frontière (RESF), n’ont nulle part où aller, une fois l’école terminée. "Ces enfants sont souvent jeunes, entre 3 et 12 ans", précise le militant.
Depuis trois mois, Sofia Manianga cherche tous les soirs un toit pour son mari et ses trois enfants. Après avoir été sortie de l’hôtel d’urgence début août, la famille a appelé le 115, en vain, sans réponse. "Nous avons déjà dormi dans les escaliers, à Paris, à Beauvais […] Mon fils de 12 ans est très sensible. Il pleure tous les jours."
Des familles séparées pour loger leurs enfants
Actuellement, la famille a trouvé une solution temporaire pour que les deux enfants scolarisés dorment sous un toit. Une situation évidemment insoutenable à vivre pour tous membres de la famille. "Mon fils de huit ans habite chez un copain. Et mon fils de douze ans, qui est au collège, va dormir chez un professeur. Moi et mon mari, nous allons rester avec ma fille de 5/6 mois. Je ne sais pas ce qu’on va faire."
De son côté, Joana Nunes a quitté l'Angola avec ses trois enfants. Elle cherche désespérément un toit pour sa famille. "Je demande de l’aide, une place pour dormir, même une petite place pour dormir avec mon fils."
Didier Cottrelle raconte pourquoi ces familles, mises à l’abri au début de l’été, ne le sont plus aujourd’hui. "Ces familles sont sans titre de séjour. Elles étaient hébergées dans les hôtels d’urgence. Simplement, le préfet de la Somme a décidé de les vider. C’est-à-dire qu’il y avait à peu près 350 personnes dans ces hôtels, en début d’été."
Selon lui, ils ne sont désormais plus qu’entre 80 et 100 logés dans ces hôtels. "Cela veut dire plus de 200/250 personnes qui se retrouvent à la rue, sorties des hôtels d’urgence. Plus toutes les autres familles exilées qui se retrouvent à la rue parce qu’elles arrivent d’un autre pays. Ou parce qu’elles sont sorties de leur centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Les sources de mises à la rue sont nombreuses."
RESF demande "l’hébergement inconditionnel de toutes les familles exilées"
En fin de matinée, l’association RESF a rencontré le préfet de la Somme, afin de demander "l’hébergement inconditionnel de toutes les familles exilées", indépendamment de la situation administrative des familles. "Quand les familles ont un titre de séjour, elles peuvent travailler, elles peuvent prendre un logement. Bref, elles peuvent vivre par leurs propres moyens. Mais tant qu'elles n'ont ni permis de séjour, ni autorisation de travailler, elles ne peuvent pas être hébergées ailleurs qu'en hôtels d’urgence."
Selon Didier Cottrelle, la situation actuelle est "un peu de la faute de la préfecture, pour que les hôtels d'urgence soient à ce point engorgés. Parce que c'est très difficile dans la préfecture de la Somme, comme dans les autres préfectures d'ailleurs, d'obtenir un titre de séjour."
Sur les 40 familles vivant dans la rue, une vingtaine sont des mamans isolées avec leur enfant, indique l’association. Ces dernières rencontrent d’autant plus de difficultés à obtenir un titre de séjour, comme l’évoque le militant RESF. "Pour avoir un titre de séjour, même comme maman d'enfant scolarisée, il faut proposer une promesse d'embauche. Or, vous imaginez une maman avec deux, trois enfants, il est beaucoup plus difficile pour elle d'obtenir une promesse d'embauche. Déjà, d'aller démarcher des entreprises et puis d'obtenir effectivement la promesse, c'est bien plus difficile que pour un homme dont les enfants sont pris en charge, malheureusement souvent par la maman."
Une réunion décevante pour RESF
À la suite d'une rencontre avec le secrétaire général de la préfecture, Didier Cottrelle évoque sa déception. "On n'en tire pas grand-chose de positif", par rapport aux demandes de RESF. On a assuré à l'association, que "la situation des personnes vulnérables serait étudiée plus particulièrement." On entend les familles avec un nourrisson, avec un enfant présentant un handicap, ou encore présentant des troubles psychologiques. Ces situations concernent peu de familles selon Didier Cottrelle.
Par ailleurs, ce dernier rapporte : "Il nous a été dit : lorsqu'il y avait une OQTF (Obligation de quitter le territoire français), la plupart de ces personnes sont sous ce régime, elle a pour vocation d'être mise à exécution par les intéressés." Selon le militant, cette décision a pour effet de maintenir les familles dans la rue.
Avec Léna Malval / FTV