Guy de La Motte s'engage depuis plusieurs années pour aider les sans-papiers à être régularisés. Il soutient actuellement deux jeunes guinéens. Contre la lenteur de la Préfecture, il s'assoit par terre pour alerter l'opinion publique.
Assis sur quelques cartons, une couverture sur les genoux, Guy de La Motte est assis face aux grilles de la préfecture d'Amiens. Cela fait 20 jours qu'il se mobilise, du lundi au vendredi, pour obtenir la régularisation de deux jeunes hommes guinéens qu'il soutient. Mickael et Moussa sont sans-papiers. Ils ont obtenu des promesses d'embauche, demandé leur régularisation mais la préfecture leur a délivré un récépissé qui ne leur permet pas de travailler. La procédure peut prendre plusieurs mois, en attendant, ils sont dans l'impasse.
C'est face à cette fatalité que Guy de la Motte a décidé de se mobiliser. Il y a trois semaines, il commence à se poster devant la Préfecture avec des pancartes. "Mais les pancartes, ils s'y sont habitués, explique Guy de la Motte, alors depuis trois jours, j'ai décidé de m'assoir par terre, parce que c'est plus marquant". L'homme de 76 ans est combatif : en 2021 déjà, il a mené une grève de la faim pour la régularisation de deux autres jeunes hommes. Un combat qui l'a conduit a l'hôpital, mais qui fut finalement couronné de succès.
"Sans le droit de travailler, on finit à la rue"
Ce n'est pas par hasard que Guy de La Motte choisit, tous les après-midi, de ressembler à une personne sans domicile fixe. C'est d'après lui le sort de nombreux exilés, contraints à l'extrême pauvreté dans l'attente de leur régularisation. "J'ai décidé de me transformer en SDF parce que sans le droit de travailler, on finit à la rue, souligne le septuagénaire, en me voyant comme cela les gens s'arrêtent et prennent le temps de me parler, je peux leur expliquer la situation".
Il cherche en effet à rencontrer un maximum de monde pour les alerter sur ces situations administratives qui mettent les étrangers au pied du mur. "C'est la porte ouverte à la délinquance de survie. Si on ne peut pas travailler, on se retrouve piégé. On nous parle du travail au noir, des vols, mais certains n'ont pas le choix pour survivre".
Une aberration économique
Le militant veut aussi alerter sur l'absurdité de la situation. D'après lui, Moussa et Mickael ont obtenu des opportunités pour deux CDI. "Mickaël travaille dans la métallurgie, détaille Guy de La Motte, cela fait des mois qu'on nous dit que l'industrie recherche des fraiseurs, des ajusteurs, il a un CAP qui le qualifie pour ces métiers et ne peut pas les exercer, c'est aberrant".
"Cette future loi est déjà indigente"
Lettre ouverte CIMADE et RESF au Préfet de la Somme
Une opinion à laquelle la CIMADE et le Réseau éducation sans frontières adhèrent, dans une lettre ouverte adressée au Préfet de la Somme le 20 décembre, les associations écrivent : "au moment où se prépare une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration censée régler pour les métiers en tension le régime des admissions sur le marché du travail. (...) cette future loi est déjà indigente : ce sont les modalités de sa mise en œuvre qui en figeront le contenu. Or ces modalités sont déjà connues: les plates-formes d’admission sur le marché du travail serpentent sans fin dans les méandres administratifs et nombre de jeunes exilé-e-s perdent leur offre d’emploi en raison de ces lenteurs".
La préfecture a répondu que la procédure est en cours et que les délais de traitement de ces demandes sont dans la norme, considérant que 136 autres dossiers doivent être traités. En attendant, ses employés vont devoir s'habituer à voir Guy de La Motte installé sur le trottoir d'en face : "tant qu'il n'y aura pas de signature, je serai là du lundi au vendredi entre 13 heures et 16 heures, quel que soit le temps". Il s'est même équipé d'une coupelle où il collecte les quelques euros que lui jettent les passants pressés, il les reverse à un ami qui organise des maraudes citoyennes pour les sans-abris.