Serge Ducasse, un Amiénois de 42 ans, a décidé de distribuer dix sacs de denrées à des personnes sans-abri de la ville. L'objectif : leur permettre de passer un Noël digne et pousser les gens à faire de même à leur échelle.
Parfois, un regard peut changer toute une façon de voir le monde. C'est ce qui est arrivé à Serge Ducasse.
En 2019, pendant "les premières vagues de chaleur", ce fonctionnaire territorial de 42 ans va faire ses courses habituelles dans un supermarché avec son fils, âgé de 5 ans à l'époque. Devant le magasin, un "petit malheureux avec son chien" est assis. "C'est malheureux de dire ça, mais c'est monnaie courante", regrette-t-il. Naturellement, il décide de lui acheter un pack d'eau pour l'aider à tenir. "Il m'a dit qu'une bouteille, c'est assez, mais je lui ai dit qu'avec la chaleur, ce ne sera pas assez pour lui et son chien".
À ce moment-là, l'homme sans-abri le remercie et Serge Ducasse ressent dans son regard une immense gratitude. "J'ai encore son merci en tête. Son regard m'est resté gravé", ajoute-t-il. Cette rencontre lui permet de se rendre compte d'une chose : tout le monde peut aider à son échelle.
Une histoire de famille
Serge Ducasse n'est pas le seul à avoir été marqué. Son fils, son "zouzou", comme il l'appelle, a également attrapé la fibre solidaire. "Je lui en ai parlé, je lui ai dit : mon zouzou, ça te dirait de distribuer de l'eau ? Il était partant et content de le faire". Alors, père et fils ont commencé à arpenter les rues amiénoises pour donner dès qu'ils le pouvaient.
C'est en "novembre-décembre" de cette même année que ce père de famille a mesuré l'implication de son fils dans cette initiative. "Je lui ai demandé de faire sa lettre au père Noël car tous les enfants n'ont pas la chance d'avoir des cadeaux et il m'a répondu : pourquoi ne pas acheter des gâteaux aux plus malheureux". Et c'est ce qu'ils décident de faire.
Peu de temps après, la crise sanitaire du Covid-19 frappe de plein fouet la France et le reste du monde, bloquant ainsi le petit duo. Cela ne les a pas empêchés, une fois les restrictions levées, de continuer ses distributions d'eau pour les sans-abris.
Noël pour tous
Plus récemment, Serge Ducasse a décidé d'organiser une collecte de sacs de produits pour Noël. "Je me suis très largement inspiré de ma soeur et de mon beau-frère" qui président l'association amiénoise Sarb'Arc'Am et qui ont l'habitude de telles initiatives. "J'ai fait un appel sur les réseaux sociaux et beaucoup de personnes ont répondu présents, j'étais agréablement surpris". Parmi eux, une de ses meilleures amies qui vit dans l'Eure-et-Loir et sa mère, qui vit en Île-de-France.
Dans le sac qui sera offert aux personnes sans-abri, "il y a aura des clémentines, des petites denrées comme du chocolat, des savons. On essaie tant bien que mal de collecter des écharpes, des gants, des petites friandises, tout ce qui est susceptible de faire plaisir à tout le monde", détaille-t-il. La distribution aura lieu samedi 24 décembre à partir de 11 heures.
Il a même pu compter sur le soutien de FiestaFun Amiens, lieu qu'il fréquente depuis que son fils a deux ans. "La gérante fait régulièrement de beaux gestes en offrant des clémentines, des mignardises, elle est très tournée vers les plus démunis."
Et s'il y a bien une chose qu'il a pu observer, c'est que la solidarité transcende toutes les couches de la société française. "Ce qui est formidable, c'est que cet élan de générosité provient de tous les milieux sociaux, c'est cosmopolite, quelle que soit la religion, l'orientation sexuelle ou la couleur de peau, je mets un point d'honneur à le préciser", affirme-t-il.
"J'essaie d'ouvrir les œillères de la timidité"
Serge Ducasse le répète à plusieurs reprises : il n'est qu'une personne "lambda" qui ne "cherche pas la notoriété". Son but est simple, "ouvrir les œillères de la timidité", créer du lien et mettre de côté les regards fuyants de certains passants qui n'osent même pas regarder les personnes sans-abri.
Les plus démunis disent bonjour, mais on les fuit du regard. Certains passants sont timides par rapport à ça. Mais il faut penser à eux, leur offrir un petit paquet de gâteau, une petite bouteille d'eau, un petit coup de pouce.
Serge Ducasse
Car malgré la présence d'organisations, d'associations ou encore la mise en place de maraudes, il voudrait "que tout le monde agisse à sa façon". Un "bonjour", une réponse "à un bonjour", permettrait, selon lui, "de leur donner un peu de chaleur dans le cœur, et c'est quelque chose qu'il faut faire tout au long de l'année".
En effet, il constate qu'on "pense aux plus démunis l'hiver, mais quand on arrive aux périodes estivales, on pense aux parasols, aux vacances, le taux de mortalité reste très élevé même en été". Il note également qu'un "échec professionnel ou sentimental" peut amener n'importe qui à la rue aujourd'hui. De quoi rappeler que n'importe qui peut être concerné et que la solidarité est essentielle.