Plusieurs bâtiments publics, associatifs et des commerces d'Amiens ont été endommagés par les violences ayant suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, tué par un policier le 27 juin. Une première estimation chiffre les dégâts à 6 millions d'euros.
Médiathèque, piscine, centre de loisirs, maison France services : plusieurs bâtiments publics d'Amiens ont été endommagés lors des nuits de révolte ayant suivi la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre le 27 juin. Des locaux de l'association Synapse 3i, au sud-est d'Amiens sont également partis en fumée. À Amiens nord, plusieurs commerces ont été détruits. Près de deux semaines après les événements, l'heure est aux calculs et aux procédures. La ville d'Amiens a une première estimation du coût des dégâts : 6 millions d'euros.
"C'est un montant à travailler encore, il sera affiné au cours des expertises qui vont devoir être menées sur les bâtiments les plus touchés, prévient Dominique Fiatte, directeur général des services d'Amiens métropole. Le chiffre affiné sera connu définitivement d'ici à quelques semaines."
Des bâtiments déjà rouverts
Ces 6 millions d'euros, c'est une estimation des dommages et non le montant de la facture que devra payer la ville d'Amiens : "La ville et la métropole sont assurées, nous allons évidemment bénéficier du soutien de notre compagnie d'assurance, rassure Dominique Fiatte. Par ailleurs, madame le maire a participé récemment à une réunion de travail avec le président de la République, sur une mobilisation de crédits spécifiques de l'État. Et puis nos partenaires habituels seront sans doute à nos côtés, avec le soutien de la région et du département pour la reconstruction. Cela étant, il restera très certainement une charge nette à financer sur le budget de la ville et de la métropole."
Le directeur général des services salue la mobilisation rapide de ses équipes. Dans les écoles Jacques-Prévert et Michel-Ange, cibles d'incendies, les élèves ont réintégré leurs établissements dès le 3 juillet, même si certains ont dû changer de salle. La piscine Le Nautilus a rouvert ses portes le 10 juillet, sa cafétéria et ses bureaux restent inutilisables. Des plaques disposées sur plusieurs fenêtres cassées rappellent l'actualité récente aux nageurs.
D'autres lieux restent trop endommagés pour rouvrir leurs portes, notamment l'Odyssée, centre de loisirs d'Amiens nord. Les enfants sont accueillis au centre de loisirs du Pigeonnier, un peu plus loin. "Nous pouvons imaginer que les travaux seront menés dans les mois qui viennent, avance Dominique Fiatte. Il est plus difficile de se prononcer sur deux sujets : la médiathèque d'Étouvie, où des études de structure sont à mener, et Synapse 3i, qui a été intégralement détruit."
Synapse 3i : place à l'après
"Plus de 548 000 € sont partis en fumée, entre l'aménagement et tout l'investissement matériel, déplore Jean-Pierre Motte, directeur de l'association Synapse 3i. Du côté humain, on a un certain traumatisme de l'ensemble de nos salariés, j'ai demandé à l'État d'avoir un appui psychologique pour mes collègues".
L'association a perdu les locaux de quatre de ses ateliers d'insertion par le travail : la menuiserie, la couture, la tapisserie d'ameublement et le démantèlement informatique. 106 personnes dont 91 bénéficiaires de contrats aidés y travaillaient. La direction de l'association tente de trouver des solutions pour eux : stages, formations ou travail sur le site de Corbie de Synapse 3i, l'objectif est d'éviter à tous le chômage technique.
Dans l'après-midi du 13 juillet, les salariés de Synapse 3i vont bénéficier d'une action de solidarité : des pommes de terre invendues leur seront distribuées, ainsi qu'aux membres de plusieurs associations amiénoises. Elles proviennent de l'exploitation de Laurent Vindevogel, maire de Pissy et agriculteur bio.
"Comment on reconstruit Synapse"
"Les machines de broderie sont complètement détruites, trois machines qui coûtaient une fortune. On avait une cinquantaine de machines à coudre, boutonnières, recouvreuses, tout ça a été fondu, détaille Jean-Pierre Motte. En tapisserie aussi. Ce qui est assez triste, c'est pour les clients qui nous ont fait confiance, qui nous font encore confiance, mais malheureusement leurs produits sont aussi partis en fumée."
L'association stockait des matières premières pour confectionner les créations revendues à ses clients, notamment des pochons d'une maison de luxe dont plus de 12 000 pièces étaient entreposées dans les locaux incendiés, attendant d'être confectionnées. La température pendant l'incendie est montée à plus de 1 000°C, au point de faire fondre l'or contenu dans l'électronique de l'atelier de démantèlement informatique. Seules les machines de menuiserie semblent avoir survécu, elles devront néanmoins être décontaminées.
Mais Jean-Pierre Motte veut maintenant se tourner vers l'avenir : son association sera hébergée dans des locaux temporaires pour une durée de trois ans. L'activité des ateliers devrait donc reprendre à la rentrée. Une période qui servira aussi à imaginer le futur de l'association : "il y aura une réflexion qui sera menée avec le service d'urbanisme, pour savoir quel terrain et comment on reconstruit Synapse dans les 3, 4, 5 années à venir". Il faudra agir vite, car trois ans pour faire construire des locaux financés par les pouvoirs publics, c'est un agenda serré.
Et pour les commerçants ?
"Nous travaillons spécifiquement sur ce sujet des commerçants, assure Dominique Fiatte d'Amiens métropole, il y en a une petite dizaine sur Amiens qui a été touchée. Le conseil régional est déjà mobilisé, avec de premiers crédits, nous travaillons avec lui pour affiner les dispositifs et être aux côtés des commerçants, leur permettre de redémarrer le plus rapidement possible, notamment en termes de trésorerie".
Mais lorsque l'on interroge Hakim Fechtala, qui a perdu son food-truck dans la nuit du 28 juin, les choses semblent plus compliquées. "La mairie me propose un chalet du marché de Noël pour quelques mois, salue-t-il, malheureusement cela voudrait dire investir dans du matériel qui ne serait pas adapté à un autre espace, je ne peux pas me le permettre... Je vais essayer de me débrouiller pour me relever. Je n'ai pas encore été contacté par d'autres organismes."
Hakim Fechtala a tenté d'appeler le numéro mis en place par le conseil général des Hauts-de-France, qui, d'après les communications officielles, permet d'obtenir jusqu'à 50 000 € d'aide. Mais l'interlocuteur l'a redirigé vers la CCI d'Amiens. Découragé, il a pour l'heure abandonné la procédure. Une cagnotte en ligne a été ouverte pour l'aider à rebondir.