Les salariés de l'ADEP, filiale d'Air Liquide spécialisée dans le soin à domicile, sont en grève lundi 6 novembre. C'est la deuxième journée de mobilisation depuis l'annonce du plan social qui condamne leur entreprise. Des négociations avec la direction sont prévues le 7 novembre.
Devant les locaux d'APAIR Assistance à Salouël, au sud d'Amiens, une dizaine de grévistes sont rassemblés et distribuent des tracts aux automobilistes. Certains ont 30 ans d'ancienneté dans cette entreprise et pourtant, ils le savent, leurs emplois sont condamnés.
Des salariés d'un autre site condamné de Chambly, dans l'Oise, les ont rejoints. Les portes de leur entreprise vont aussi fermer définitivement en février 2024.
Cette décision a été prise par la société Air Liquide, qui a racheté les sociétés de l'ADEP Assistance en 2011. Le 2 octobre dernier, la vingtaine d'employés picards s'était déjà mobilisée. Ils entament donc une deuxième journée de grève le lundi 6 novembre, à la veille des négociations avec la direction.
"C'est vraiment de la casse sociale pour du pur capitalisme"
Les fermetures de ces entreprises font partie d'un vaste plan de restructuration de PharmaDom, la filiale santé d'Air Liquide. À l'échelle nationale, 430 postes vont disparaître. "Ce projet a pour ambition d’être en adéquation avec les besoins et attentes des patients et des professionnels de santé et d’adapter son modèle d’activité pour répondre aux défis du système de santé" indiquait la direction d'Air Liquide lors de la première journée de grève, le 2 octobre dernier.
#Grève L'ensemble des syndicats d'Air Liquide appelle les salariés du groupe à se mobiliser le 6⃣novembre pour protester contre le #PSE qui touchera 1038 salariés. Un rassemblement sera organisé de Salouël (80) - 59 rue André Malraux - qui doit fermer ses portes en mars prochain. pic.twitter.com/Ty1ZwAhVfc
— CFDT Services (@CFDTservices) November 3, 2023
Mais ce sont au total plus de 900 emplois qui seront transformés : certains postes comme ceux de Salouël vont en effet être transférés à Arras. La direction de l'entreprise ne les comptabilise donc pas comme des postes supprimés, mais les salariés ne pouvant pas déménager se retrouveront tout de même sans emploi.
Pour le représentant CGT d'Air Liquide Mickaël Dogon, ces décisions sont inacceptables, particulièrement au regard des performances financières du groupe.
"L'année dernière, le groupe a fait 2,8 milliards de bénéfices. On sait que le groupe fait des licenciements dans les filiales santé pour faire encore plus de bénéfices, regrette Mickaël Dogon. La société PharmaDom (...) est largement bénéficiaire. On sait très bien que le groupe donne la moitié de son bénéfice aux actionnaires, donc c'est vraiment de la casse sociale pour du pur capitalisme."
Ce ne sont pas les résultats du troisième trimestre, annoncés par Air Liquide le 25 octobre, qui vont le contredire. Ils indiquent en effet, pour l'Europe, que "le chiffre d’affaires de l’activité Santé progresse de + 5,2 %, soutenu par le dynamisme de la santé à domicile et par la hausse des prix des gaz médicaux en ligne avec l’inflation."
"Notre travail était bien fait, c'est un peu une injustice"
Le sentiment d'incompréhension est partagé par les salariés, donc beaucoup travaillent pour l'ADEP depuis plusieurs dizaines d'années. À l'époque, la structure était associative.
"C'est beaucoup de colère, beaucoup de déception, 30 ans de vie dans l'entreprise, témoigne une employée sous couvert d'anonymat. Nous sommes plusieurs dans le même cas, notre entreprise ferme, le futur, c'est beaucoup d'incertitudes, on ne sait pas ce qu'il va se passer pour nous et la retraite n'est pas pour tout de suite. Notre travail était bien fait, c'est un peu une injustice."
Si ces salariés savent que leur entreprise est condamnée, ils espèrent de la reconnaissance de la part d'Air Liquide, sous forme de geste financier. C'est pour cela qu'ils sont mobilisés ce 6 novembre, alors que les négociations avec la direction du groupe commencent le mardi 7 novembre.
"Plusieurs réunions ont déjà eu lieu et nous ne sommes pas contents de ce qu'il se passe en réunion, sur les moyens mis en place pour l'accompagnement et tout ce qui est financier, pour les salariés qui seront éventuellement licenciés" souligne Mickaël Dogon de la CGT.
Le syndicat veut notamment obtenir des propositions plus satisfaisantes sur la prime de départ "supralégale", qui vient s'ajouter aux indemnités de licenciement prévues par le Code du travail.
Avec Anthony Halpern / FTV