L’histoire du dimanche - L’invention du camouflage moderne en pleine Grande Guerre à Amiens

En 1915, est créé à Amiens le premier atelier de camouflage. Arbres factices, vaches artificielles ou encore faux chars : des centaines d'ouvriers et d'artistes ont redoublé d'imagination pour créer des trompe-l'oeil pour dissimuler les soldats tout au long de la Première Guerre mondiale.

Dès 1914, l'irruption de l'aviation bouleverse les règles de l'observation militaire. Du ciel, on distingue désormais aisément les positions ennemies. Il faut donc cacher les batteries de tirs. Comment faire ? Se camoufler. C'est autour du décorateur et artiste Lucien Victor Guirand de Scévola que s'organise la première section du genre. Un atelier va voir le jour en 1915 à Amiens à l'emplacement de l'ancienne halle au blé.

Des centaines d'ouvriers

Le site de la halle au blé qui abrite à l'époque la salle des fêtes d'Amiens est parfaitement adapté à cette activité. Le bâtiment est composé d'une grande cour intérieure et d'une vaste verrière dont la hauteur permet la manipulation d'objets de grandes dimensions. Un premier arbre factice sort de cet atelier et sera "planté" à Lihons-en-Santerre, à 40 kilomètres à l'est d'Amiens, le 16 mai 1915.
 

Le test est concluant. Pétain demande qu'on développe l'activité et la section spéciale de camouflage est créée le 14 août de la même année. Pendant deux ans, Amiens va accueillir de nombreux ateliers qui emploieront des centaines d'ouvriers. Charpentiers, serruriers, stucateurs, carrossiers s'activeront dans les ateliers situés à l'école des Beaux-Arts ou à la Hotoie. Le savoir-faire des femmes est largement mis à contribution pour coudre les bâches et les toiles en rafia. Un atelier belge voit également le jour dans le quartier Saint-Leu.

Les cubistes mobilisés

Considérés comme des trouble-fêtes, accusés même de faire de l'art "boche", les cubistes seront appelés à prendre part à cet art nouveau du camouflage. "Ils étaient devenus maîtres dans la tactique de la déconstruction"assure Cécile Coutin, auteure de l'ouvrage Tromper l'ennemi, l'invention du camouflage moderne, paru en 2015. Ils savaient représenter les objets sous toutes leurs facettes même celles que l'on ne voyait pas. C'est leur mouvement novateur qui va favoriser l'apparition d'une nouvelle esthétique au service de l'illusion.

Des sculpteurs et des peintres comme Paul Landowski, Henri Bouchard,  Charles Dufresne, Jean-Louis Forain ou Joseph Pinchon, le "père" de Bécassinevont concevoir des vaches artificielles, de faux chars et des fermes imaginaires. En tout, plus de 200 artistes vont travailler au service de cette section.

Les Anglais se cachent aussi

À la fin de l'année 1916,  l'armée britannique récupère cette activité devenue essentielle à la préparation des combats. Les ateliers sont déplacés à Chantilly où se trouve le quartier général de la Royal Army. C'est sur l'hippodrome de la ville qu'un immense atelier de camouflage va être installé jusqu'à la fin du conflit. "L'histoire de cette technique au croisement de l'art graphique et de la pratique militaire est difficile à décrypter, confie Cécile Coutin. Par définition, cette activité devait rester dissimulée. On dispose donc de très peu de documents visuels pour illustrer et avérer la connaissance que nous avons de cet aspect peu commun de la Première Guerre.

Un centenaire en trompe-l'oeil

S'appuyant sur les découvertes de cette historienne, la mairie d'Amiens a décidé de faire du camouflage le fil rouge de la célébration du centenaire de la guerre 14-18. À cette occasion, des trompe-l'oeil avaient été exposés dans la ville sur les façades de certains bâtiments pour annoncer l'Anzac Day. Des étudiants de l'ESAD (école supérieure d'art et de design) avaient également fabriqué quatre œuvres sur le thème "voir sans être vu", par la suite installées dans l'espace public.
 
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