Après 18 mois de suspension en raison d'accusations de harcèlement sexuel et moral, le doyen de la faculté de sport d'Amiens fait à nouveau partie de l'équipe pédagogique depuis la rentrée. Un retour que dénonce le collectif Collages féministes Amiens.
En mai 2022, le doyen de la faculté de sports d'Amiens est suspendu en raison d'accusations de harcèlement sexuel, chantage sexuel à la note et viol à son encontre.
L'Université Picardie Jules Verne (UPJV) lance alors une enquête où 45 témoignages d'étudiant·e·s sont recueillis. Ils ne permettent pas de corroborer les accusations de viol et chantage sexuel, mais confirmeraient celles de harcèlement moral et sexuel.
18 mois plus tard, en cette rentrée de septembre 2023, le professeur est réintégré. Une décision dénoncée par le collectif Collages féministes Amiens, qui affiche son désaccord sur les murs de l'université.
L'université défend sa position
Interrogé au sujet de cette décision sur le plateau de France 3 Picardie, Mohammed Benlahsen, directeur de l'Université Picardie Jules Verne, se justifie : "Assumer, c'est un grand mot, mais en aucun cas l'université ne peut être qualifiante, c'est la loi qui qualifie, déclare-t-il. De notre côté, nous avons instruit une enquête, mis les pièces entre les mains du procureur de la République. De l'autre côté, nous avons monté un conseil disciplinaire, on a accordé un temps (...) de 18 mois, où la personne était arrêtée sans traitement, pour pouvoir voir clair et attendre un jugement définitif."
Pour la loi, ce qui est important, c'est la preuve.
Mohammed Benlahsen, directeur de l'UPJV
Mohammed Benlahsen assure que l'université travaille maintenant à "trouver des solutions et éviter cette tension". Il rappelle toutefois que : "Pour la loi, ce qui est important, c'est la preuve". N'en déplaise au collectif Collages féministes Amiens. D'après les informations de France Bleu Picardie, le professeur voudrait porter plainte pour diffamation contre le collectif.
Une réponse qui déçoit le collectif Collages féministes Amiens
Pour le collectif Collages féministes Amiens, la réaction du directeur de l'UPJV n'est pas à la hauteur de la gravité des accusations. "L'UPJV ne prend pas ses responsabilités alors même qu'il y a régulièrement des actions de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles sur les campus, souligne Solène*, membre du collectif Collages féministes Amiens. Mais lorsque ça concerne les enseignants, il n'y a pas de cohérence entre le discours et les actes."
"Nous ne lâcherons rien tant qu'il n'y aura pas de réaction de l'UPJV"
Solène, membre du collectif Collages féministes Amiens
La militante observe que plusieurs étudiants ont approché le collectif suite à l'affichage des collages, pour témoigner de problèmes de harcèlement dans d'autres facultés. Elle salue le fait que cette mobilisation permette d'ouvrir le dialogue sur ce sujet, mais déplore "un manque de rigueur de la part de l'UPJV, les étudiants nous disent que l'université ne réagit pas et a tendance à étouffer les histoires d'agression."
Pour les membres du collectif, le collage nommant l'enseignant est un moyen d'informer les élèves, qui n'étaient pas forcément au courant de la mise à pied du professeur ni des circonstances l'ayant entrainée.
Une pétition pour demander son exclusion définitive
La menace d'une plainte n'impressionne pas les membres du collectif Collages féministes Amiens. "Il ne s'est pas manifesté auprès de nous, mais de toute façon, nous avons l'habitude des plaintes", réagit Solène.
"Pour nous, il n'y a pas de présomption d'innocence sur ce genre de faits, ajoute-t-elle. Notre parti pris est de toujours croire les victimes, d'autant plus quand elles sont 45. Des membres du collectif ont eu affaire à lui. Nous savons donc qu'il ne s'agit pas de diffamation, mais c'est le moyen de défense basique des agresseurs. Ça n'a rien d'étonnant, c'est même très prévisible. Nous ne lâcherons rien tant qu'il n'y aura pas de réaction de l'UPJV, nous n'allons pas nous arrêter là."
À la demande d'étudiants, le collectif a lancé une pétition en ligne pour demander l'exclusion définitive de l'enseignant.
*Solène s'exprime sous un prénom d'emprunt, à sa demande.