En manque de personnel, le secteur médico-social de la Somme dénonce une disparité de traitement entre le public et le privé. Il réclame la même revalorisation salariale que celle accordée aux personnels hospitaliers lors du Ségur de la santé.
Les accords de Ségur en juillet 2020 avaient fait du bien aux hospitaliers… et frustré les autres. Face à la colère, le gouvernement a annoncé l’élargissement de la revalorisation de 183 euros mensuels aux autres soignants du secteur public. Mais les métiers de l’accompagnement et l’ensemble des salariés du privé non lucratif restent sur la touche. Dans la Somme, ces "oubliés du Ségur" protesteront mercredi 30 juin, devant la Maison de la culture d’Amiens.
"Avec le covid, on nous a demandé de rester au travail malgré les craintes, comme si on était des soignants… et quand vient la revalorisation, on est un peu moins des soignants", constate, avec une amère incompréhension, Frédéric Grogner, délégué CGT dans un institut médico-éducatif (IME) d’Abbeville. Mercredi 30 juin, l’établissement accueillant des enfants et adolescents en situation de handicap mental fermera ses portes. "D’autres sites assureront une prise en charge minimum, mais la grève est très suivie", assure le syndicaliste.
La plus grande association départementale d’accompagnement du handicap dénonce "une injustice la plus totale" : "Expliquez-moi la différence entre le travail en maison de retraite et celui dans un foyer de personnes handicapées fortement dépendantes ?", demande le directeur général de l’ADAPEI 80, Bruno Brognais-Georget.
Des difficultés de recrutement
L’augmentation des salaires à l’hôpital a eu pour effet indésirable de créer une distorsion de concurrence sur le marché de l’emploi : les associations ne trouvent plus d’infirmiers et aide-soignants, voire en perdent.
Quand vous avez 500 ou 600 euros d’écart de salaire, la question ne se pose plus : ils démissionnent. J’en recrute un, un autre part. Dans un de mes établissements, je n’en ai plus que 2 pour 7 postes, je fais comment ? Les familles aussi s’inquiètent.
Le secteur souffre de salaires particulièrement bas. "Depuis le passage aux 35h, le point d’indice a encore moins augmenté que dans la fonction publique, c’est une perte de plus de 25% de pouvoir d’achat, avec des premiers salaires inférieurs au SMIC pour nos femmes de ménage, nos ouvriers, nos chauffeurs de bus pour handicapés", explique Bruno Brognais-Georget.
Le gouvernement pourrait lâcher du lest… plus tard
Pour les métiers d’accompagnement du handicap, le gouvernement envisage bien de financer une hausse salariale, mais exige préalablement la négociation d‘une convention collective unique (contre deux actuellement) pour toute la branche du sanitaire social et médico-social. C’était une revendication de la CFDT. D’autres syndicats s’y opposent. Et des structures directement concernées craignent d’attendre longtemps.
"C’est bien qu’il y ait négociation, estime Bruno Brognais-Georget. Mais le gouvernement ne peut pas opposer public et privé et attendre un an, deux ans, trois ans… une hypothétique nouvelle convention. Je dis : "Monsieur le président, 183 euros pour tout le monde, maintenant !" Et on pourra les intégrer plus tard à la convention."
Quand bien même la convention collective unique était négociée cette année, l’État ne débloquerait des crédits que pour les personnels des établissements financés par l’assurance maladie. Les salariés de certaines associations oeuvrant dans la protection de l’enfance, des handicapés, des précaires ou des SDF seraient toujours à l’écart… parce qu’à la charge des départements. Une "conférence multipartite" des financeurs a été évoquée, mais le sujet n’a pas émergé lors de la campagne des élections départementales. Ce sera peut-être pour la présidentielle.