PORTRAIT. "Il était curieux de tout" : Jean-Marie Lhôte, ancien directeur de la Maison de la culture d'Amiens, est mort

Figure de la vie culturelle amiénoise, Jean-Marie Lhôte, directeur de la Maison de la culture de 1981 à 1992, s'est éteint dans la nuit du 8 au 9 décembre 2023. Ingénieur, professeur, auteur, metteur en scène : cet homme aux multiples vies a contribué à ouvrir la culture à un nouveau public.

Il a dirigé la Maison de la culture d'Amiens pendant plus de dix ans : Jean-Marie Lhôte a tiré sa révérence à l'âge de 97 ans.

Son ancien collègue et ami Jean-Pierre Cordier, président de la Maison de la culture à cette époque, s'en souvient avec émotion : "À mon avis, vous ne trouverez personne qui dira du mal de Jean-Marie, quand je rencontre d'anciens employés maintenant en retraite, ils en parlent encore avec les yeux qui brillent. C'est quelqu’un qui était d'une générosité... Une curiosité totale, il était curieux de tout. Une bonhomie qui ne l'empêchait pas de diriger les équipes."  

Une réussite hors cadre  

Né en 1926 dans une famille très croyante, Jean-Marie Lhôte est scolarisé dans un établissement catholique. "Mais en 1939, le personnel a appelé sa famille pour dire qu'il n'était pas du tout scolaire, qu'il fallait le placer en apprentissage, relate Jean-Pierre Cordier. Alors, il s'est retrouvé en apprentissage chez les jésuites près de Nantes, puis aux Arts et métiers de Lille, dont il a raté le concours de sortie, ce qui l'a beaucoup vexé !"

Il entre ensuite comme ingénieur dans l'industrie, dans une petite entreprise, puis chez Renault, où il dirige un service de production de pneumatiques. "Mais il ne se voyait pas passer sa vie dans l'odeur du caoutchouc", ajoute Jean-Pierre Cordier.

Jean-Marie Lhôte prend alors une année sabbatique pour se consacrer à la peinture, mais trouve qu'il manque de talent et devient, grâce à un ami peintre, professeur de mathématiques et physique à l'école alsacienne de Paris. 

"Au bout de deux, trois ans, le directeur l'appelle pour lui expliquer qu'une nouvelle loi l'empêche d'employer des enseignants qui n'ont pas le baccalauréat, explique Jean-Pierre Cordier. Il était furieux, il s'est inscrit en candidat libre et a passé les deux bacs à la fin de l'année ! Il a pu continuer à enseigner.

La culture comme fil rouge 

Après quelques années d'enseignement, Jean-Marie Lhôte se lance dans le théâtre dans les années 60, à Marseille, en compagnie de Jacques Falguières. Il débute en parallèle sa carrière d'écrivain, en consacrant un livre aux liens entre Shakespeare et le jeu du tarot.

Son œuvre littéraire s'intéressera plusieurs fois à l'univers du jeu. "Des gens venaient de Norvège, de Suisse, pour discuter avec lui sur les jeux de société, il a écrit un bouquin que tout le monde dit être la bible des jeux, c'était une sommité en la matière", souligne Jean-Pierre Cordier.  

C'est par le théâtre que Jean-Marie Lhôte se lie à Philippe Tiry, le premier directeur de la Maison de la culture, nommé à sa création par André Malraux en 1966. C'est alors la première Maison de la culture de France. Philippe Tiry demande à Jean-Marie Lhôte de venir l'assister, ce qu'il fait jusqu'en 1971. S'il travaille ensuite pendant dix ans dans le secteur culturel parisien, il continue à résider à Amiens, où il fonde une famille. 

En 1981, Jean-Marie Lhôte est élu directeur de la Maison de la culture d'Amiens, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite en 1992. 

"Gommer ce côté culturel ennuyeux, rébarbatif"

Peut-être en raison de son parcours atypique, Jean-Marie Lhôte avait à cœur de promouvoir une culture ouverte à tous. Il a notamment organisé des expositions sur le velours ou encore le sucre, des thèmes qui résonnent avec l'identité d'Amiens. "J'y ai vu des ouvriers pleurer devant les photos et métiers exposés, ou encore une dame qui a reconnu le métier sur lequel elle avait travaillé et nous a montré comment elle l'utilisait", se souvient Jean-Pierre Cordier.

Un travail de partage qu'il mène dans plusieurs domaines avec son projet phare "Picardie Paris", dont l'objectif était de créer une maison d'édition, une maison de disques et un studio photographique, pour participer à la décentralisation de la culture. C'est ainsi que naissent les Éditions des Trois Cailloux et le Label bleu, qui produit toujours des artistes aujourd'hui. 

Je crois que l'un des efforts à faire, c'est de gommer ce côté culturel ennuyeux, rébarbatif” disait Jean-Marie Lhôte en présentant le programme de sa saison culturelle en 1988. Il aura contribué à faire de la Maison de la culture d'Amiens un lieu vivant où la joie de la découverte artistique se transmet encore

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