Les Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles sont peu connus. Pourtant, ils viennent en aide à des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Dans la Somme, il existe trois antennes : Amiens, Abbeville et Péronne. Rencontre avec l'une de ses juristes, Margot Diliberto.
Il existe dans tous les départements de France des structures peu connues du grand public : ce sont les Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) qui interviennent surtout dans le cas de violences conjugales et intrafamiliales.
Ils ont été "créés par l'État il y a plus de cinquante ans maintenant, mais c'est vrai que tout le monde ne connaît pas" car encore aujourd'hui, "il y a très peu de communication sur ces centres d'accès au droit", regrette Margot Diliberto, juriste au CDIFF.
Un véritable travail pédagogique
L'accompagnement des victimes de violences conjugales et intrafamiliales est de plusieurs ordres. D'abord, "soit ce sont des personnes qui vont se rapprocher de nous, toutes seules, dans un premier temps et là, on va leur expliquer la procédure pénale, ce qu'il est possible d'engager, le déroulé d'une plainte", entre autres.
Ensuite, le centre peut se retrouver à accompagner des victimes qui ont été orientées "directement par le parquet, soit parce que la procédure a déjà été engagée et qu'il faut les accompagner, les informer dans le cadre d'une audience, soit parce qu'elles ont été protégées par une ordonnance". Le rôle du CIDFF est donc de prendre contact avec elles pour leur expliquer de quoi s'agit la protection et vers qui se tourner quand l'auteur des violences contrevient à ces interdictions.
Le CIDFF aide aussi à qualifier les faits. "Quand on reçoit une personne victime de violence conjugale ou intrafamiliale, elle ne sait pas trop où elle met les pieds, elle sait que ce qu'elle vit n'est pas forcément normal donc elle va frapper à notre porte", soit seule, soit accompagnée par un tiers. "Souvent, on ne sait pas trop mettre les mots sur ce que l'on vit", constate Margot Diliberto.
Quand on pense aux violences conjugales ou intrafamiliales, on pense forcément aux violences physiques. Mais il existe d’autres violences qui sont aussi des infractions pénales, qui peuvent être punies et des poursuites peuvent être engagées.
Margot Diliberto, juriste au CDIFF de la Somme
"Ce qui me tient à cœur, c'est de dédramatiser les procédures judiciaires"
Margot Diliberto constate que les victimes ont souvent honte, n'osent pas dénoncer et craignent qu'en parlant, il y ait des représailles. "On a peur, socialement, d'une chute, de ne pas s'en sortir financièrement, de ne pas arriver à trouver un nouveau logement", détaille-t-elle. Aussi, les procédures peuvent faire peur. "Tout de suite, on va penser tribunal, juge, prison, avocat."
Ce qui tient à cœur à Margot Diliberto, c'est de rassurer les personnes qui franchissent le pas du centre, de les aider à faire le premier pas et de leur dire : "vous n'êtes pas toutes seules, vous n'êtes pas tout seul, vous ne serez pas dans l’embarras financier, vous ne serez pas à la rue, on ne va pas vous retirer vos enfants, ce n'est pas la honte non plus, ça touche tous les milieux sociaux, ça touche tout type de personne".
Elle veut aussi permettre de "dédramatiser les procédures judiciaires", tout le système et tous les acteurs judiciaires qui "peuvent impressionner".
"Un dépôt de plainte, c'est quelque chose qui appartient à la victime"
Elle regrette néanmoins que des victimes lâchent la procédure en cours de route, ce qui arrive toutes les semaines. "On passe des entretiens avec elle, on essuie leurs larmes, on leur explique, on essaie de les rassurer, mais ça reste une décision tout à fait personnelle". Car au final, "un dépôt de plainte, c'est quelque chose qui appartient à la victime".
Un autre cas de figure existe : les victimes qui ont passé le pas, mais qui vont laisser toute la procédure judiciaire se développer sans elles car "elles se disent : ça y est, c'est fait, aujourd'hui, je suis tranquille, je ne vais plus en entendre parler. Mais derrière, il y a toute la procédure", rappelle Margot Diliberto.
Il y a des associations qui appellent. Ça, c’est très bien mais ça peut aussi refroidir les victimes. Il y a aussi la pression de l’audience : il faut prendre un avocat, il ne faut pas en prendre un, je vais me retrouver face à l’auteur devant un juge et c’est impressionnant, il y a un public, etc.
Margot Diliberto, juriste au CIDFF
Malgré tout, dans certains cas de figure, l'auteur des actes de violence "sera quand même jugé" et "répondra quand même de ses faits", mais "la victime aura perdu son accompagnement".
Une vocation intime
Mais qu'est-ce qui a poussé Margot Diliberto à s'orienter vers cette profession ? Pendant quelques années, elle a travaillé comme clerc d'huissier, mais il lui manquait "ce côté humain". Au cours de ses recherches, elle est tombée par hasard sur une annonce du CIDFF dont elle ne connaissait pas l'existence. En lisant le descriptif, elle a tout de suite été conquise.
"Je n'ai pas eu un modèle familial très sain, confie-t-elle. Mes parents étaient défaillants, il y avait un contexte de violence conjugale intrafamilial, ce qui ne m'a pas empêchée de m'en sortir, de faire des études, etc". Mais dans son cas, il n'y a jamais eu de poursuites ou de dénonciation.
Deux ans et demi après avoir pris son poste, elle s'aperçoit que ce métier lui "colle à la peau" et lui donne envie de se "lever le matin".
"Le CIDFF est une bonne porte d'entrée"
Tous les mercredis matin, le tribunal d'Amiens accueille des audiences "très spécifiques" sur des cas intrafamiliaux. "Et c'est là que Margot Diliberto intervient en amont, pendant l'audience et en aval également", explique Sérène Medrano, avocate au barreau d'Amiens qui ajoute : "pour nous, avocats, c'est un moment important aussi, que nous soyons avocats des victimes de violences conjugales ou des auteurs, parce qu'en réalité, c'est une situation qu'il faut voir dans sa globalité".
Selon l'avocate, l'accompagnement des auteurs est aussi important que l'accompagnement des victimes car "c'est toute une famille qui va devoir se réparer, évoluer et peut-être avoir à apprendre à vivre autrement à la suite de l'audience". Celle-ci est aussi un moment "véritablement important pour la victime" car c'est à cet instant où "elle va finir de s'identifier comme victime".
C’est le moment où la juridiction va dire : "oui, vous êtes victime". Ce statut-là, ce moment-là, c’est très fort pour la réparation. Pour l’auteur aussi parce qu’il va entendre des choses. Les avocats, le procureur et le juge vont faire œuvre de pédagogie pour que les choses évoluent.
Sérène Medrano, avocate au barreau d'Amiens
Mais pour arriver jusque-là, le CIDFF apparaît comme étant "une bonne porte d'entrée" pour entamer les démarches. "Le côté humain compte, l’accueil, le sourire, le fait de se rassurer, de se réassurer, d’être accompagné, d’être orienté, de ne pas se retrouver seul face à toutes ces démarches qui peuvent paraître insurmontables, c’est vrai que c’est important", conclut Sérène Medrano.
Le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles couvre tout le département de la Somme. Le siège social est à Amiens, mais ils possèdent également deux antennes qui font accueil de jour à Abbeville et Péronne. Dans le cadre de l'accès au droit, les équipes se déplacent dans tout le département dans le cadre de permanences décentralisées.
Pour prendre contact avec le CIDFF le plus proche de chez vous et avoir des informations sur les permanences, accédez à leur site internet, leur page Facebook ou contactez-les au 0322220194.
Retrouvez l'intégralité de l'émission Hauts féminin avec Margot Diliberto ci-dessus et sur france.tv.