RESF dénonce le manque d’hébergement à Amiens : "des enfants et leurs parents sont alors jetés à la rue, dans la pluie et le froid, jusqu’à l’épuisement"

Plusieurs familles d’exilés vivent sans logement, dans la rue, à Amiens depuis la fermeture d’un centre d’hébergement. Faute de places, le 115 place les familles par alternance dans les accueils de nuit. Une famille d’Arméniens a accepté de témoigner de leur quotidien difficile.

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Depuis l’été 2023, les militants du Réseau éducation sans frontière de la Somme, alerte la préfecture sur l’insuffisance des moyens de l’hébergement d’urgence dans le département. Dans un courrier, envoyé le 15 juin à l'attention du préfet de la Somme, elle fait part de ses inquiétudes pour ces familles laissées sans abri.

D’après les chiffres du collectif, en septembre 2023, plus de quarante familles et une centaine d’enfants scolarisés ou non dormaient à la rue. Cet hiver, la mairie d’Amiens a ouvert des places d’hébergement supplémentaires à la Croix Rompue et rue des Cordonniers. Mais fin avril, à la fin de la trêve hivernale, un des sites a été fermé et les rotations d’hébergement ont recommencé au 115 pour ces familles. "Certaines familles sont à l’abri une semaine, d’autres la semaine suivante et ainsi de suite. D’autres enfants et leurs parents sont alors jetés à la rue, dans la pluie et le froid, jusqu’à l’épuisement", témoigne le collectif dans sa lettre ouverte.

Des familles et des enfants à la rue 

Nous sommes allés à la rencontre d’une de ces familles. La mère, le père et leurs trois enfants arméniens vivent dans la rue, la journée. La nuit, ils dorment chez des familles solidaires, aidés par RESF, à l’hôtel, à la gare et même dans la salle d’attente du CHU, depuis la fermeture d’un des centres d’hébergement. "Tous les jours, nous appelons le 115 et on nous refuse l’hébergement. Mes enfants ne dorment pas, ne mangent pas", soupire la mère de famille, désespérée.

Angelina, sa fille, est scolarisée en 4ème, au collège Delambre à Amiens. Elle nous confie ses difficultés pour suivre les cours. "Tous les jours, je dors en classe. Je n’arrive pas à écouter les cours. Je suis trop fatiguée. Nous dormons toutes les nuits dans des endroits différents et tous les matins, je ne sais pas quel bus prendre pour aller en cours. Les associations m’aident, mais c’est difficile."

La France, signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, a le devoir de donner un abri à tous les enfants et à leurs parents.

Collectif Réseau éducation sans frontière

La famille a fui l’Arménie pour des raisons politiques et est arrivée en France en 2022. Elle a fait sa demande d’asile à Lille et s’est retrouvée, il y a quatre mois, à Amiens. Le soir de notre rencontre, la famille a finalement été orientée pour une semaine dans une halte de nuit de la ville. Comme elle, d’autres familles attendent un logement pérenne et doivent alterner l’hébergement.

Dans son courrier, le collectif rappelle : "Cette rotation n’est évidemment pas un cap pour l’hébergement d’urgence. Trop de familles, jetées dehors après le déboutement de leur demande d’asile, refusées par le 115, n’appellent même plus RESF. Nous ne pouvons plus vous proposer de chiffres sur l’ampleur de la crise qui s’approfondit."

Les militants réclament de nouvelles places d’hébergement et l’élargissement des voies de régularisation "pour éviter que cette rotation ne vire au fatal tourbillon". "La France, signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, a le devoir de donner un abri à tous les enfants et à leurs parents", conclut-elle.

Une inquiétude grandissante

Depuis, la préfecture n’a envoyé aucune réponse au collectif. Mais elle nous confirme, par mail, la fermeture, à la semaine prochaine, de l’accueil de jour rue Saint-Honoré. "Au vu des autres dispositifs d'accueil de jour existants et de la fin de saison hivernale, il a été décidé de réaffecter les moyens dédiés à cet accueil de jour sur l'accueil de nuit à destination des familles. En raison de la forte fréquentation de l'accueil de nuit rue Denis Cordonnier à Amiens, il est jugé prioritaire de sanctuariser cet hébergement. Ouvert également en novembre dernier pour l'hiver, l'accueil de nuit pour les familles rue Denis Cordonnier est ainsi maintenu jusqu'à la fin de l'année, augmentant ainsi à nouveau le dispositif déployé dans la Somme." 

Concernant la réaffectation des moyens sur l’accueil de nuit, pas de précisions. S’agit-il de lits supplémentaires ou de places déjà actées dans le dispositif ?

On va fabriquer de la maltraitance. On va se retrouver avec une foule de gens qui errent dans les rues. On va créer le chaos.

Sybille Luperce, membre du collectif RESF

RESF s’inquiète déjà depuis plus d’un an de la situation de ces familles à la rue. Le résultat des élections européennes et la crise politique que traverse le pays ne les rassurent pas. Sybille Luperce, membre du collectif, nous faisait part de sa crainte lors d’un précédent article. "Si l’extrême droite accède au pouvoir, ce sera une catastrophe. Le risque, c’est que les personnes sous obligation de quitter le territoire, n’aient plus de droits, d’accès aux soins, et même d’appeler le 115. Cela signifie des centaines de personnes à la rue à Amiens et bien plus en France parce qu’il est certain qu’elles ne repartiront pas dans leur pays où elles sont menacées. On va fabriquer de la maltraitance. On va se retrouver avec une foule de gens qui errent dans les rues. On va créer le chaos."

Un rassemblement était organisé par RESF, jeudi 20 juin, devant l’école Beauvillé pour demander l’hébergement inconditionnel de tous les exilés et de leurs enfants. Une nouvelle manifestation est prévue jeudi 28 juin.

Avec Lucie Caillieret / FTV

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